Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France-Social

Les patrons solidaires des salariés sans-papiers

par Myriam Berber

Article publié le 18/04/2008 Dernière mise à jour le 18/04/2008 à 17:46 TU

Lancée mardi 15 avril 2008, la grève des travailleurs en situation irrégulière ne faiblit pas. Près de 300 salariés sans-papiers bloquent une vingtaine d’entreprises d’Ile-de-France pour réclamer leur régularisation. Syndicats, associations, partis politiques et certains employeurs, dont les deux premières organisations patronales de l’hôtellerie-restauration, l’Umih et le Synhorcat, somment le gouvernement de les régulariser.

Des salariés sans-papiers d'entreprises du Val de Marne et de l'Essonne, le 15 avril 2008.(Photo : AFP)

Des salariés sans-papiers d'entreprises du Val de Marne et de l'Essonne, le 15 avril 2008.
(Photo : AFP)

Au quatrième jour de la mobilisation, le mouvement rassemble de plus en plus de travailleurs sans titre de séjour. Ils sont désormais plus de 300 à occuper une vingtaine d’entreprises dans la région parisienne. Un rassemblement a eu lieu, mercredi, devant le ministère du Travail. La CGT, à l’initiative de ce mouvement, espère que le patronat fera pression sur le gouvernement afin qu’il régularise ces travailleurs déclarés. Le syndicat a l’expérience de ce type de grève. Il a mené avec succès celle de la chaîne de restauration « Buffalo Grill » en juillet 2007, avec 22 régularisations. Originaires d’Afrique de l’Ouest pour la plupart, les grévistes ont tous un contrat de travail, mais ils ont été embauchés avec de faux papiers. Tous cotisent, possèdent une carte Vitale, une feuille d’imposition, mais pas de titre de séjour.

La CGT appuie sa demande sur une circulaire en date du 7 janvier 2008. Ce texte autorise des régularisations à la demande des employeurs dans les secteurs « en tension » - comme le bâtiment, la restauration ou encore le nettoyage - qui connaissent des difficultés de recrutement. Pour sa part, l’employeur doit s’engager à embaucher la personne immigrée pour un contrat d’une durée d’un an minimum. L'application de la circulaire étant laissée à l'appréciation des préfets, la CGT demande l’ouverture de négociations directement avec les pouvoirs publics, au niveau du ministère du Travail.

Après les syndicats et les associations, le patronat

Du côté des partis politiques, le Parti communiste français (PCF), les Verts et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) soutiennent fermement les grévistes. « En exigeant qu'ils soient enfin considérés dans leur statut d'être humain et de travailleur, c'est toute la société dans son ensemble qu'ils font avancer, jusqu'aux travailleurs français qu'un patronat sans scrupule cherche à mettre en concurrence avec eux parce que sous-payés, parce que taillables et corvéables à merci », a estimé, pour sa part, Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF.

Cette grève reçoit également un écho favorable dans le monde du travail. L’Umih, principale organisation patronale de l’hôtellerie et de la restauration qui revendique 80 000 adhérents, s’est prononcée, jeudi 17 avril 2008, en faveur de la régularisation des salariés sans-papiers embauchés avant juillet 2007 et déclarés par leur employeur. « Un patron qui a embauché quelqu'un à la vue de papiers dont il n'est pas capable, lui patron, de savoir s'ils sont vrais ou faux, s'il a déclaré son salarié, s'il paye des charges, si son salarié paye ses taxes et ses impôts, je ne vois pas comment on ne pourrait pas le régulariser », a indiqué le président de l'Umih, André Daguin.

« Un traitement au cas par cas »

Le deuxième syndicat du secteur, le Synhorcat (Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs), qui regroupe près de 20 000 entreprises, a également interpellé le gouvernement. Une représentante du Synhorcat avait rendez-vous, jeudi à Matignon, avec le conseiller aux Affaires sociales du Premier ministre François Fillon, mais la rencontre a été ajournée. Aucune nouvelle date n’a été fixée. Autre initiative patronale, celle de Johann Le Goff, gérant de Konex, une société de cablâge informatique installée en Seine-Saint-Denis qui tente de fédérer une trentaine de chefs d’entreprise pour « une régularisation simplifiée et rapide » de ces travailleurs déclarés. Il y aurait en France entre 200 000 et 400 000 étrangers en situation irrégulière, dont l'immense majorité travaille dans les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie-restauration, de la confection et du gardiennage.

Pour sa part, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) estime qu'il faut sanctionner les patrons qui embauchent des sans-papiers en connaissance de cause, tout en soulignant que certains sont victimes d'abus. Pour le secrétaire général du CGPME,  Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, il y a deux cas de figure : « certains embauchent des gens en sachant qu'ils n'ont pas de papiers, ce qui crée des distorsions de concurrence. Eux, il faut les sanctionner. Mais parfois, des patrons se font abuser et ce sont alors des victimes. C’est pourquoi il faut traiter au cas par cas».