par Béatrice Leveillé
Article publié le 18/04/2008 Dernière mise à jour le 18/04/2008 à 22:32 TU
Les agriculteurs irlandais manifestent à Dublin contre la venue de Jose Manuel Barroso.
(Photo : AFP)
L’Irlande est le seul pays de l’Union européenne qui organise un référendum sur le nouveau traité européen et rien n’indique que le «oui» va l’emporter. Le traité ne pourra entrer en vigueur que s'il est ratifié par les 27. « Un «non» au référendum sur le Traité de Lisbonne, serait un désastre à la fois pour l’Irlande et les 27 pays membres », estime José Manuel Barroso, qui n’a pas manqué de souligner que l’Irlande est l'un des pays qui a le plus profité de son appartenance à l'Union européenne.
Un accueil en fanfare
Le président de la Commission européenne, qui ne veut pas s’immiscer dans le débat national, marche sur des œufs au sens propre comme au figuré. Il a été accueilli dans les rues de Dublin par 10 000 agriculteurs en colère qui manifestaient contre les propositions de l'Union européenne dans les négociations à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et menacent de voter contre le Traité de Lisbonne.
Padraig Walshe, le président de l'Association des agriculteurs irlandais, qui représente 85 000 exploitants, a déclaré qu'il ne voyait pas comment les agriculteurs pouvaient soutenir une Commission « qui a trahi les exploitants et le droit à la production alimentaire dans toute l'Europe ». Les agriculteurs irlandais craignent que la position européenne dans les négociations à l’OMC ait un effet négatif sur l'élevage bovin et la production laitière.
Une Irlande affaiblie politiquement
L’Irlande est affaiblie par la démission annoncée de son Premier ministre, Bertie Ahern, qui doit quitter ses fonctions le 6 mai. Bertie Ahern est impliqué dans une affaire de corruption. Une enquête a montré qu’il avait reçu 100 000 euros sur son compte bancaire. Il doit être entendu par la justice sur l’origine de cette somme, le mois prochain.
Dans ce contexte délétère, le gouvernement irlandais a du mal à convaincre les électeurs que le traité va respecter certaines de leurs priorités, notamment la tradition de neutralité de l’Irlande et ses taux d'imposition, très favorables aux investisseurs.
Avec la crise économique, le « Tigre celtique » s’essouffle et les Irlandais pourraient exprimer dans les urnes toute leur frustration en votant contre le traité. José Manuel Barroso a tenté de calmer leurs inquiétudes en affirmant qu'il n'y a rien dans le traité qui change la tradition irlandaise de neutralité militaire.
José Manuel Barroso n’est pas venu dire aux Irlandais de voter «oui» mais leur expliquer les conséquences d’un «non». La chancelière allemande Angela Merkel lui avait préparé le terrain en appelant, deux jours plus tôt à Dublin, les électeurs irlandais « à permettre à l'Union européenne de continuer à prospérer ».
L’autre argument choc du président de la Commission est d’affirmer qu’il n’y a pas de «plan B». Enfin, pour convaincre des étudiants, devant lesquels il s’exprimait vendredi, d’aller voter en faveur du traité, il leur a expliqué qu’un «oui» de leur part permettrait à l’Union européenne de peser vraiment dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Les indécis restent largement majoritaires. Selon un sondage publié cette semaine par l'Irish Sun, 60% des Irlandais ne savent pas encore s’ils vont voter «oui» ou «non» au référendum. Seuls 28% d’entre eux se disent prêts à voter en faveur du traité.
L’histoire peut se répéter : en 2001, les Irlandais avaient déclenché une crise en rejetant le Traité de Nice par référendum, avant de l’approuver un an plus tard, une fois obtenues toutes les garanties sur leur neutralité.