par Béatrice Leveillé
Article publié le 28/04/2008 Dernière mise à jour le 28/04/2008 à 22:51 TU
L'Union européenne envisage de signer un accord d'association avec Belgrade bien que les principaux criminels de guerre serbes, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, courent toujours. Objectif affiché : apporter un soutien au camp serbe pro-européen avant les élections législatives du mois de mai. Une stratégie à haut risque.
Les criminels de guerre Radovan Karadzic et Ratko Mladic courent toujours. Leurs têtes sont mises à prix sur les murs de Sarajevo.
Photo : AFP)
En quittant ses fonctions de procureure général du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en décembre 2007, Carla del Ponte dénonçait encore le manque de coopération de la Serbie et l’immobilisme des institutions européennes qui n’avaient pas permis l’arrestation des auteurs « des pires crimes commis en Europe depuis la deuxième guerre mondiale ». Elle parlait du général Ratko Mladic et du psychiatre Radovan Karadzic qui ont été respectivement commandant en chef et dirigeant politique des Serbes de Bosnie. Ils sont considérés comme coresponsables du nettoyage ethnique en Bosnie et en particulier du massacre de Srebrenica et du siège de Sarajevo qui ont fait plus de 20 000 morts.
Les Pays-Bas et la Belgique exigeaient jusqu’à présent leur arrestation par les autorités serbes pour lever leur veto à la signature d’un accord d’association avec la Serbie. Les Néerlandais tiennent particulièrement à l'arrestation de Ratko Mladic qui a commandé en 1995 la prise de Srebrenica qui s’est soldée par le massacre de 8 000 musulmans bosniaques qui avaient trouvé refuge dans cette enclave placée sous la protection de casques bleus néerlandais.
Les deux hommes échappent aux poursuites depuis plus de 13 ans. La communauté internationale exige leur arrestation mais Belgrade fait la sourde oreille. L’Union européenne a toujours été divisée entre politique d’ouverture ou de fermeté vis-à-vis des autorités serbes, les Pays-Bas et la Belgique étant les plus intransigeants en s’opposant à la signature d'un accord de stabilisation et de coopération avec la Serbie tant que Belgrade n’aurait pas livré les fugitifs. Depuis la reconnaissance par 17 pays membres de l’Union européenne de l’indépendance du Kosovo, considérée par Belgrade comme une atteinte à sa souveraineté, la présidence slovène de l’Union européenne tente de recoller les morceaux et ,pour donner une chance au camp pro-européen de gagner les élections législatives du 11 mai prochain, elle a entrepris de convaincre ses partenaires de faire un geste.
Les Belges et les Néerlandais se sont laissé attendrir
« Notre position n'a pas changé sur le fond, mais nous sommes prêts à rechercher une position commune qui permette ce geste symbolique », a expliqué un porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères, François Delhaye. Les deux pays acceptent de ne pas utiliser leur veto, mais ils maintiennent certaines exigences : « Nous proposons que la Serbie ne puisse pas bénéficier des avantages liés à cet accord sans une pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie », a précisé François Delhaye. Le Tribunal pénal international serait le seul juge de cette « pleine coopération ».
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne en débattront ce mardi à Luxembourg. La signature de l'accord d'association à la veille d’une élection qui tourne au référendum, pour ou contre l’Union européenne, présente des risques. En intervenant si tardivement, elle pourrait avoir un effet contraire à celui qui est escompté et renforcer le camp nationaliste de l'ancien Premier ministre Vojislav Kostunica,
« L'opinion publique serbe est tellement irritée par le soutien des Occidentaux à l'indépendance du Kosovo que toute tentative de l'Union européenne ou des Etats-Unis de soutenir les forces pro-occidentales avant le scrutin risque de renforcer le camp des nationalistes », a averti le groupe de réflexion International Crisis Group qui conseille à l'Union européenne de s'abstenir.
Le sujet est déjà au cœur de la campagne. Le Premier ministre serbe sortant Vojislav Kostunica vient de déclarer que la signature d'un accord de rapprochement entre l'Union européenne et la Serbie serait « anticonstitutionnelle ». Il estime que la proclamation unilatérale de l'indépendance du Kosovo a changé le caractère de l'Accord sur la stabilisation et l'association paraphé en novembre par son pays. De son coté, le président serbe, le pro-européen Boris Tadic, se dit favorable à la signature de l'accord.
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