par Myriam Berber
Article publié le 29/04/2008 Dernière mise à jour le 29/04/2008 à 23:24 TU
Lou Jiwei, Président de la China investment corporation (CIC), le fonds souverain du gouvernement chinois, créé en novembre 2007.
Les fonds souverains, ces investisseurs publics de Chine, du Qatar, de Dubaï ou de Russie qui gèrent l’épargne nationale en investissant dans des placements divers, représentent une manne financière considérable. Selon une étude publiée lundi 28 avril 2008 par le cabinet d’analyse américain Global Insight, ces fonds étatiques ont géré près de 3 500 milliards de dollars d’investissements en 2007 (soit 2 235 milliards d’euros). Un chiffre en hausse de 24% par an au cours des trois dernières années. Leur fortune pourrait dépasser le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis en 2015, et celui de l’Union européenne d’ici 2016.
Leurs ressources proviennent d’une part des dividendes issus des prix élevés du pétrole. C’est le cas des fonds du Qatar, de Dubaï, du Koweït, d’Abou Dhabi et de la Norvège. Et d’autre part, des excédents commerciaux des pays asiatiques. Il s’agit par exemple des fonds de Singapour, de la Corée du Sud et de la Chine. Selon Global Insight, le générateur de fonds souverains le plus puissant est la Chine qui dispose d’une force de frappe de 1 200 milliards de dollars de réserves de change, même si son fonds China Investment Corp (CIC), créé en 2007, n’est doté « que » de 200 milliards de dollars. La Chine est suivie de la Russie et du Koweït. Ces dernières années, les fonds souverains qui ont connu le plus fort développement ont été ceux du Nigeria, d'Oman, du Kazkhstan et de l’Angola, grâce à leur vaste réserve de pétrodollars.
Au secours de la finance mondiale
Quasi inexistants il y a encore quelques années, ces fonds étatiques sont aujourd’hui au cœur du système financier international. Selon Global Insight, 93% des investissements de ces fonds ont ainsi été dirigés vers le secteur financier occidental en 2007. Plus récemment encore, ils se sont portés au secours d’établissements bancaires américains et européens malmenés par la crise des crédits hypothécaires à risque («subprimes »). Depuis novembre 2007, ils ont injecté plus de 40 milliards de dollars.
Le CIC, propriété des dirigeants communistes chinois, a ainsi renfloué à hauteur de 5 milliards de dollars les comptes de la banque Morgan Stanley. Le fonds du gouvernement de Singapour est également entré au capital du numéro un mondial Citigroup, a renfloué la banque suisse UBS et apporté 5 milliards de dollars dans les caisses de l’institution financière Merrill Lynch. Aujourd’hui, le fond koweïtien Kuwait Investment Authority (KIA) qui détient 213 milliards de dollars, s’intéresse au secteur des services financiers et de l'immobilier aux Etats-Unis et en Europe. Les fonds souverains ont également investi massivement dans des entreprises. Au total, ils ont représenté 35% des fusions-acquisitions mondiales en 2007. Dernier exemple en date, le fonds chinois CIC est entré en avril dernier au capital du groupe pétrolier français Total.
Transparence et bonne conduite
La montée en puissance de ces fonds inquiète les pays occidentaux. Tout récemment, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne se sont mobilisés pour recommander plus de transparence dans leur fonctionnement et leurs stratégies d’investissement. Certains accusent ces fonds d’être des outils au service d’intérêts politiques des Etats dont ils émanent et non pas des investisseurs tournés uniquement vers la recherche de profits financiers.
Excluant toute mesure contraignante, la Commission européenne a recommandé, en février dernier, la mise en place d’un code de bonne conduite au sein de l’Union pour encadrer les fonds souverains des pays émergents. Parmi les mesures envisagées, Bruxelles recommande la publication par ces fonds de leur portefeuille, de la composition de leurs avoirs et de l’origine de leurs ressources. Le FMI qui travaille notamment en collaboration avec l’OCDE, planche également sur le sujet.
Pour la Commission européenne, les pays émergents devraient tenter de se rapprocher du modèle norvégien. Doté aujourd’hui d’un capital de 322 milliards de dollars, ce fonds de pension gouvernemental norvégien est exemplaire en termes de transparence, de gouvernance et de comptabilité. La Norvège, cinquième exportateur mondial d’or noir, a mis en place ce fonds dans les années 1990 en prévision de l’ère post-pétrole. Propriété des citoyens norvégiens, sa gestion obéit à des règles très strictes. Sont proscrits les fabricants d’armes et les groupes coupables de violation des droits de l’Homme, de corruption ou de dégradation de l’environnement.