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Italie

L'Italie de Silvio Berlusconi : des lendemains qui déchantent

par Marina Mielczarek

Article publié le 08/05/2008 Dernière mise à jour le 08/05/2008 à 22:06 TU

Un mois après avoir été élu, Silvio Berlusconi veut faire vite. Le nouveau Premier ministre vient de nommer les ministres de son gouvernement avant même sa prise officielle de fonction. Jeudi après-midi, il a prêté serment devant le président italien Giorgio Napolitano. A 71 ans, Silvio Berlusconi, surnommé « Il Cavaliere » pour son charisme et talent d’orateur, est rompu à l’exercice politique. Les Italiens l’ont déjà conduit deux fois au poste de président du Conseil dans les années 1990. Mais aujourd’hui, contrairement à son habitude, le nouveau Premier ministre arrive au pouvoir avec un discours beaucoup moins ambitieux.

Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi.(Photo : AFP)

Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi.
(Photo : AFP)

Les Italiens ne pourront pas dire qu’il n’ont pas été avertis ! Aussitôt élu, quelques minutes seulement après le résultat définitif, Silvio Berlusconi prenait la parole à la télévision pour confirmer ses annonces de campagne : « Les mois à venir seront difficiles ».

En résumé, une politique d’homme de poigne, à base de rigueur et de réformes. Mercredi soir, en présentant la liste de ses ministres, le nouveau président du Conseil ne s’est pas départi de son ambition d’apparaître en sauveur d’un pays à la dérive. Les  portefeuilles ne sont pas pourvus de personnalités fortes. La plupart des détenteurs, y compris l’ancien commissaire européen Franco Frattini, nommé aux Affaires étrangères, doivent largement leur carrière au Cavaliere.

L’Italie est l’une des nations les plus endettées d’Europe. Silvio Berlusconi a séduit l’électorat en proclamant qu’il gouvernerait l’Italie comme il a dirigé sa carrière : en patron d’entreprise auréolé de profits et de réussites. Mais « cest maintenant que les choses difficiles commencent pour Berlusconi et son équipe", peut-on lire dans l'édito du quotidien économique Il Sole-24 Ore.

L’ancien Premier ministre a beau jeu aujourd’hui de défendre son bilan. Dans la presse, Romano Prodi avance qu’il a fait entrer l’Italie dans les critères européens de Maastricht, le pays s’est néanmoins englué dans le marasme économique. Volant au secours du peuple, son adversaire a vite deviné comment devenir l’homme de la situation, prêt à resserrer les vis. Début mai, un sondage de l’institut de recherche Censis montrait qu’en Europe le nombre d’électeurs choisissant un « meneur », et non pas un programme ou des valeurs, s’est accru de 13% à 20%. 

Deux grandes priorités : l’économie et l’immigration

Le thème de l’insécurité a dominé la fin de la campagne. Un phénomène essentiellement dû à plusieurs agressions impliquant des immigrés. Du coup, les discours xénophobes de la Ligue du Nord, très puissante au sein de l’équipe, ont séduit l’électorat en apportant une réponse aux préoccupations des Italiens. 57% d’entre eux estiment que les immigrés (5% de la population) sont honnêtes et utiles aux ressources économiques.

En contrepartie, une autre moitié pense que les personnes originaires des pays musulmans posent plus de problèmes parce qu’ils ne s’intègrent pas à la société. Un tiers des Italiens voient d’un mauvais œil la construction de mosquées. La réalité n’est cependant pas aussi simple, les statistiques nationales montrent que les immigrés sont très nombreux et bien intégrés dans les régions qui votent pour la Ligue.    

Situé au carrefour de l’Europe, le Mezzogiorno est excentré. Il subit le passage de toutes les migrations, entre Est et Ouest et Nord et Sud. Les difficultés en Italie proviennent essentiellement d’une inégalité entre les régions. La péninsule est divisée entre un Nord industrialisé, plutôt riche, un Sud, agricole et pauvre avec au centre le Mezzogiorno, une région intermédiaire souvent oubliée des politiques, qui a pourtant pesé très lourd pour ramener non pas Silvio Berlusconi mais surtout la Ligue du Nord, la droite extrême aux affaires.

Résoudre la crise des déchets à Naples

Au soir des élections, le nouveau patron de l’Italie avait sidéré l’opinion en annonçant son agenda : trois voyages par semaine en Campanie, dans le sud du pays, une région confrontée depuis quinze ans à une pénurie de décharges ainsi qu’au retard dans la construction d’un incinérateur de déchets. En fin stratège, Silvio Berlusconi savait qu’il allait faire mouche : les images de Naples, capitale de la Campanie submergée d’immondices, ont récemment fait le tour du monde.

Au soir des élections, les politologues s’étaient montrés sceptiques face à cette promesse hebdomadaire. Un mois après l’élection, force est de constater que le nouveau Premier ministre n’a pas tenu parole. Le dossier va pourtant s’imposer puisqu’en début de semaine la Commission de Bruxelles a décidé de poursuivre l’Etat italien devant la Cour européenne de justice pour manquement à ses devoirs dans la « crise napolitaine ».     

Y aura-t-il un vrai pilote dans l’avion ?

Jeudi après-midi, en revêtant officiellement sa tenue de Premier ministre, le Cavaliere déclarait : « Je veux être un premier ministre opérationnel tout de suite. » Silvio Berlusconi sait que les défis qui l’attendent sont énormes et urgents, à commencer par le sauvetage de la compagnie nationale aérienne Alitalia. Il a promis de trouver un consortium d'investisseurs italiens après le retrait des Franco-néerlandais d'Air France-KLM. Bruxelles est en train d’étudier le dossier pour savoir si les sommes engagées pour éviter la faillite (près de 300 millions d'euros) ne constituent pas une aide d'Etat, ce qui entraverait le règlement européen.

La nomination d’un gouvernement sur lequel Silvio Berlusconi entend garder la main a convaincu les analystes du principal projet politique du Premier ministre : durer le plus longtemps en gagnant, à terme, sa réélection. Mais avant cela, il lui faudra affronter les tâches, en porter le fardeau économique. Le legs italien pèse très lourd. A la veille de son départ, l’ancien ministre de l'Economie Tommaso Padoa-Schioppa laissait à son successeur « une Italie en panne de croissance qui aurait encore besoin de dix ans d'efforts pour assainir ses finances. »