par Georges Abou
Article publié le 12/05/2008 Dernière mise à jour le 13/05/2008 à 04:05 TU

Des soldats américains déchargent des produits de première nécessité à destination de la Birmanie.
(Photo : Reuters)
Le premier avion d’aide humanitaire américain depuis le déferlement du cyclone a atterri lundi à Rangoon. Ce sont quelques tonnes de produits de première nécessité supplémentaires dans un océan de besoins qui viennent d’entrer dans le pays. Les Américains ont obtenu l’autorisation de livrer après une semaine de discussions serrées avec la junte. A la mesure du désastre, c’est peu de choses. Selon les spécialistes, 10 jours après le passage de Nargis, à peine un tiers des besoins des rescapés est couvert. Les derniers bilans officiels, fournis par la télévision birmane annoncent 28 458 morts et 33 416 disparus. Mais les agences d’aide humanitaire estiment que le bilan est plus proche des 100 000 morts et qu’il pourrait bien s’aggraver considérablement si le comportement de la junte n’évolue pas rapidement et qu’elle en reste à une gestion paranoïaque des flux.
Visas accordés au compte-gouttes
De nombreux villages du delta d’Irrawaddy n’ont toujours pas été secourus. Des ONG avancent le chiffre d’un million et demi de victimes si les conditions sanitaires ne s’améliorent pas dans les plus brefs délais. L’urgence absolue est d’obtenir de l’eau propre. La météo de ces prochains jours annonce la poursuite de fortes précipitations sur la région. C’est à la fois une chance pour l’approvisionnement en eau potable et une calamité pour les centaines de milliers de sans-abris.
A ce stade, certains spécialistes croient déceler les signes d’un relatif assouplissement dans l’attitude des militaires birmans. Ces derniers ont en effet tout lieu d’être soulagés : le référendum constitutionnel, dont la préparation préoccupait tant les généraux, s’est tenu samedi sans troubles, ni manifestations. Ainsi, si les visas sont toujours distribués au compte-gouttes pour le personnel des agences humanitaires, on observe que les autorisations d’atterrissage et de déchargement sur l’aéroport de Rangoon ont été plus importantes ce week-end, ainsi que le trafic routier transfrontalier avec la Thaïlande. Mais on est encore très loin d’atteindre un niveau d’engagement suffisamment rapide et massif pour être véritablement efficace. Ce sont, encore et toujours, quelques dizaines de tonnes qui entrent difficilement, tandis qu’il en faudrait des milliers pour parvenir à un sauvetage efficace des centaines de milliers de rescapés. 
« Désastre naturel, catastrophe humanitaire »
Et, une fois la frontière franchie, le problème de l’acheminement jusqu’aux victimes demeure entier. D’une part, le cyclone a tout lessivé : routes, ponts, infrastructures, laissant derrière lui une région où la moindre intervention nécessite la mise en œuvre d’une logistique adaptée. D’autre part, le bras de fer sur la question de la distribution est toujours en cours. Les généraux birmans n’acceptent toujours pas le principe des organisations humanitaires selon lequel elles (et elles seules) ont vocation à acheminer et distribuer l’aide qu’elles apportent. Pour la junte, en revanche, il est certainement déterminant d’écarter les étrangers de la distribution de l’aide, non seulement pour maintenir un contrôle vigilant des populations mais également afin de montrer aux Birmans que le régime s’intéresse à eux et qu’il est capable de leur fournir l’aide dont ils ont besoin. A ce rythme, le « désastre naturel est en train de se transformer en catastrophe humanitaire, essentiellement en raison des négligences coupables du régime », déclare à la BBC le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni.
Face à l’attitude de la junte, la communauté internationale manifeste son embarras, entre condamnation du cynisme du régime et nécessité de ne pas froisser la susceptibilité d’une junte qui joue avec la vie des centaines de milliers de rescapés. En effet, le temps presse avant l’apparition des premiers symptômes post-traumatiques, épuisement des victimes et déclaration d’épidémies notamment.
L’Union européenne réunit d’urgence, ce mardi à Bruxelles, ses ministres de l’aide au développement. Le commissaire Louis Michel compte se rendre en Birmanie dans le sillage de la réunion. Il indique que la Commission pourrait rapidement débloquer « jusqu’à 30 millions d’euros d’aide et au-delà », dès que les autorités permettront un large accès à l’aide humanitaire. De son côté, l’Association des nations du sud-est asiatique (ASEAN), dont la Birmanie fait partie, affronte une volée de critiques pour son impotence humanitaire et son impuissance politique à ramener son partenaire à la raison. Elle envisage une réunion lundi 19 mai. Depuis dix jours, on tourne en rond. C’est à croire que la junte « joue la montre »… jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne à sauver.
A écouter
Secrétaire général de l'ONU
« J'appelle avec la plus grande énergie le gouvernement de la Birmanie à donner la priorité à la vie de ses compatriotes. »
12/05/2008 par Philippe Bolopion
« De nombreux corps humains flottent au milieu des branchages. »
13/05/2008 par Luc Auberger
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