par Georges Abou
Article publié le 19/05/2008 Dernière mise à jour le 19/05/2008 à 22:38 TU
Dans un communiqué conjoint publié lundi, l’ASEAN et l’ONU annoncent la tenue d’une conférence d’appels de fonds pour les victimes du cyclone Nargis, dimanche 25 mai. Le dernier bilan fait état de 134 000 morts. Selon les organisations humanitaires qui travaillent déjà sur place, les livraisons restent très en deçà des besoins et des milliers de victimes supplémentaires sont à redouter parmi les plus vulnérables si une aide massive n’est pas distribuée très rapidement. La conférence qui se tiendra dimanche s’inscrit dans un contexte particulier, toujours marqué par le souci de la junte de tenir à l’écart les sauveteurs étrangers. Une négociation pourrait ainsi s’engager sur les conditions acceptables pour les généraux birmans d’acheminement d’une aide humanitaire toujours indispensable.
Ce lundi, 17 jours après la dévastation du delta d’Irrawaddy par le cyclone Nargis, le 2 mai, la communauté internationale redouble d'activité. Selon les commentaires des diplomates, nous serions même à l'aube d'une semaine qui pourrait être décisive pour l’acheminement aux victimes de l’aide humanitaire. Concrètement, plusieurs initiatives sont en cours et elles ont d’ores et déjà abouti à l’annonce d’une conférence des donateurs qui se tiendra dimanche 25 mai, à Rangoon.
Tout s’est passé très vite, ce lundi. Tout d'abord, à l’issue d’une réunion de quelques heures à Singapour de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), les ministres des Affaires étrangères de l’organisation déclaraient avoir obtenu de la Birmanie qu'elle accepte que l'association (dont elle est membre) coordonne l'aide internationale. Le secrétaire général de l'organisation régionale, Surin Pitsuwan, est d'ailleurs attendu sur place pour préparer l’organisation de la conférence de dimanche.
Aboutissement du processus multilatéral
D'autre part, l’ONU n’a pas baissé les bras. Le secrétaire général est lui aussi attendu en Birmanie, mercredi soir. « L’objectif de cette visite est d’accélérer fortement l’arrivée de l’aide humanitaire », indique son porte-parole. M. Ban Ki-moon pourrait également rencontrer le N°1 de la junte. Ce serait un geste symbolique après la profonde dégradation des relations entre les deux administrations en raison, notamment, de la répression des manifestations du mois de septembre. Néanmoins, l’ONU continue de mobiliser des moyens, et le responsable des affaires humanitaires de l’organisation est sur place, depuis dimanche soir, pour des entretiens avec les responsables de la junte et pour évaluer les besoins. John Holmes s’est rendu dans la région du delta, ce lundi.
L’annonce de la conférence avait été précédée d’autres signes d’une reprise de la confiance. Dimanche, le responsable britannique pour l’Asie, Mark Malloch-Brown, avait anticipé les résultats de la conférence de l’ASEAN en expliquant à l’agence Reuters qu’un processus d’aide se mettait en place, à partir des pays asiatiques considérés comme amicaux par les militaires, et qui ont déjà des équipes sur place : la Thaïlande et Singapour notamment. Cette déclaration émanant d’un représentant officiel de l’ancienne puissance coloniale souligne l’engagement de Londres, depuis le début de cette affaire, et sa confiance dans l’aboutissement du processus diplomatique multilatéral engagé au lendemain du passage de Nargis, lorsqu’il est devenu évident que la junte resterait inflexible, même au prix de milliers de victimes supplémentaires.
Un cadre formel, sans les Occidentaux
Pour sa part, la junte a entamé, à sa manière, une campagne de communication. La télévision birmane a diffusé dimanche des images du général Than Shwe, ordinairement reclus dans sa résidence de Naypyidaw, la nouvelle capitale. La télévision le montre entouré des ministres concernés par les opérations de sauvetage. Des reportages sur le général en visite dans les zones affectées par la catastrophe ont également été diffusés. Par ailleurs, trois jours de deuil national ont été décrétés, mardi, mercredi et jeudi. Autant d’éléments qui évoquent une modification de l’attitude des généraux, à l’heure où la réprobation internationale sur leur cynisme reste toujours très vive. La junte, il est vrai, fait face à une échéance politique : samedi, les citoyens des municipalités du delta, balayées par Nargis, sont appelés aux urnes pour le référendum constitutionnel auquel ils n’avaient pas pu participer, en raison des événements.
Reste qu’à travers cette recherche en cours d’un cadre formel pour la distribution de l’aide humanitaire, on garde l'impression tenace que l’urgence demeure une préoccupation secondaire pour la junte, la principale étant de continuer de tenir à l’écart les étrangers, en particulier les Occidentaux. Et que ce dont il est surtout question en ce début de semaine, c’est de trouver les moyens de satisfaire les préoccupations humanitaires de la communauté internationale tout en limitant son champ d’activité directe dans le pays. Et, au train où vont les événements, il faut effectivement redouter une aggravation des bilans, alors que près de deux millions et demi de Birmans sont sinistrés. Nombre de bâtiments des marines internationales, parmi lesquels le navire français Le Mistral et ses 1000 tonnes d'aide humanitaire à bord, croisent toujours à la limite des eaux territoriales birmanes. Ils attendent une autorisation d'accoster, que les autorités birmanes leur refusent toujours.
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