Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France / Italie

L'ex-brigadiste Marina Petrella sera-t-elle extradée ?

par François Cardona

Article publié le 10/06/2008 Dernière mise à jour le 10/06/2008 à 23:36 TU

Revenant sur la parole donnée par François Mitterrand, le gouvernement français a signé lundi le décret d’extradition de Marina Petrella. Cette ex-brigadiste italienne, condamnée dans son pays à la prison à vie, s’était réfugiée en France il y a près de vingt ans.
Sigle des « Brigades Rouges », groupe de militants d'extrême gauche italienne principalement actif dans les années 70.

Sigle des « Brigades Rouges », groupe de militants d'extrême gauche italienne principalement actif dans les années 70.

Inexorablement, Marina Petrella est rattrapée par son passé. Ancienne militante d’extrême gauche et membre des Brigades Rouges italiennes, elle a fui son pays, l’Italie, recherchée pour des crimes commis entre 1977 et 1982. Comme des dizaines d’autres activistes italiens, elle a trouvé refuge en France. Marina Petrella y refait sa vie, comme assistante sociale. Mais loin de l’avoir oubliée, la justice italienne la condamne en 1992, par contumace, à la réclusion criminelle à perpétuité. L’ex-activiste est jugée responsable de l’assassinat à Rome en 1981 d’un commissaire de police, dont le chauffeur a été grièvement blessé pendant l’attaque. Marina Petrella a également été condamnée pour avoir séquestré un magistrat, commis des attentats et des vols à main armée, au nom du groupuscule « Brigades Rouges – Parti Guérilla ».

Protection de l’Elysée

L’ancienne brigadiste a réussi, pour l’instant, à échapper à la sentence de la justice italienne, car elle bénéficiait de la protection de la République française. Le président de l’époque, François Mitterrand, avait donné sa parole : aucun ex-brigadiste italien ne serait rendu à la justice de son pays. Une déclaration éminemment politique, verbale de surcroît (1), mais qui engageait l’Etat français et qui permit à de nombreux anciens activistes, repentis ou non, de trouver auprès de la France une inviolable terre d’accueil.

Cependant le passé refait surface. En 2002, le gouvernement français rompt pour la première fois avec la parole de François Mitterrand. En août, le Garde des Sceaux applique un décret d’extradition signé en 1994. Paolo Persichetti, ancien des Unités combattantes communistes des Brigades Rouges, est extradé vers l’Italie.

« Episode suicidaire majeur »

Fort de ce succès, la Péninsule accroît ensuite la pression sur la France. En 2006, la justice italienne demande l’extradition de douze anciens militants d’extrême gauche condamnés pour crimes de sang dans leur pays. Marina Petrella ainsi que Cesare Battisti (2) font partie des personnes visées. Elle est arrêtée en 2007, placée en détention. Fin 2007, la Cour d’appel de Versailles se prononce en faveur de son extradition. Lundi dernier, le Premier ministre français François Fillon tranche, en signant le décret d’extradition de Marina Petrella, aujourd’hui âgée de 53 ans et mère de deux filles.

L’avocate de l’ex-brigadiste a immédiatement déposé un recours devant le Conseil d’Etat français, en soulignant l’état de santé très fragile de sa cliente : « tous les médecins qui l’ont vue affirment qu’elle est dans un état psychique profondément dégradé et parlent ’’d’épisode suicidaire majeur’’ », déplore Me Irène Terrel, qui demande au gouvernement français l’application de la « clause humanitaire » prévue dans la convention d’extradition franco-italienne. Cette clause permet, selon l’avocat, de ne pas extrader une personne si cela devait entraîner des conséquences d’une « gravité exceptionnelle » sur sa santé.

(1) En 1985, à l'occasion du 65ème Congrès de la Ligue des droits de l'homme, le chef de l'Etat, François Mitterrand, affirmait : « Prenons le cas des Italiens, sur quelque trois cents qui ont participé à l'action terroriste en Italie depuis de nombreuses années, avant 1981, plus d'une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s'étaient engagés, le proclament, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont insérés dans la société française, souvent s'y sont mariés, ont fondé une famille, trouvé un métier... J'ai dit au gouvernement italien que ces trois cents Italiens... étaient à l'abri de toute sanction par voie d'extradition... ».

(2) Cesare Battisti, ex-brigadiste, dont l'Italie demande l'extradition, se trouve depuis un an dans une prison brésilienne. Cet ancien activiste d'extrême gauche, devenu romancier lors de son exil à Paris, a été condamné à la perpétuité en Italie, par contumace, pour plusieurs meurtres. Menacé d’extradition, il a fui la France en 2004, avant d'être arrêté par des policiers brésiliens et français, en mars 2007, à Rio de Janeiro. Il devrait être fixé sur son sort d’ici l’été.

A écouter

Patrick Delouvin, responsable du pôle « action sur la France » à Amnesty International

« Le statut de réfugié est une protection internationale, non pas une décision politique. »

11/06/2008 par Franck Alexandre