par Nicolas Falez
Article publié le 13/06/2008 Dernière mise à jour le 14/06/2008 à 03:55 TU
Le 14 juillet 2007, une délégation des 27 pays de l’Union européenne a participé à la Fête nationale.
(Photo: F.Delamure - MAE)
La Syrie n’a pas encore répondu à l’invitation. Mais la présence de Bachar El-Assad à Paris, le 14 juillet prochain, est défendue par le Premier ministre français François Fillon : « Ce qui devrait choquer, c’est qu’on ne tente rien pour essayer de créer les conditions de paix au Proche-Orient et dans la Méditerranée », a-t-il déclaré lors d’une émission sur la chaîne de télévision France 2. « La Syrie a tenu ses engagements dans le conflit libanais », a ajouté le chef du gouvernement, en faisant référence à l’élection de Michel Sleimane à la présidence libanaise en mai.
L’invitation a également été justifiée par le ministre français des Affaires étrangères : « Il est important de parler avec des gens qui s’opposent », selon Bernard Kouchner », qui nuance toutefois : « Ca ne m’amuse pas spécialement ». Au passage, le chef de la diplomatie française a éloigné la perspective d’un déplacement à Damas : « Je ne crois pas être très souhaité », a-t-il reconnu (alors que deux proches conseillers de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Jean-David Lévitte, doivent se rendre en Syrie prochainement). Autre membre du gouvernement à s’être exprimée, la secrétaire d’Etat française aux Droits de l’homme Rama Yade, pour qui l’invitation faite à Bachar el-Assad est « une main tendue » et « une chance pour la paix » mais « pas un quitus » à la politique syrienne.
Au Liban, une partie de la majorité parlementaire se sent trahie par cette invitation. « C’est une insulte faite aux Libanais et aussi aux Français», juge le chef druze Walid Joumblatt pour qui, « la Syrie c’est une chose, mais Bachar c’est autre chose… un régime tortionnaire, c’est autre chose ! ». Joint par RFI, le ministre libanais des Télécommunications et député sunnite Marwan Hamade préfère « laisser cette affaire aux Français. C’est à eux de s’exprimer. La France est un pays souverain ».
Embarras également dans la réaction de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, qui ne cachait pas son scepticisme en déclarant que le « message » importe plus que le « messager ». Le rapprochement franco-syrien ne soulève guère d’enthousiasme aux Etats-Unis, où l’on aurait préféré poursuivre la politique d’isolement de la Syrie.
« L’embarras que suscite, aux Etats-Unis, la reprise du dialogue franco-syrien s’ajoute à la gêne provoquée par la récente annonce de discussions entre Israël et Damas, sous médiation turque ».
En France, l’invitation adressée à Bachar El-Assad a entraîné des commentaires sévères dans l’opposition de gauche. Le Premier secrétaire du PS François Hollande dénonce « un symbole fâcheux ». Le N°1 socialiste évoque son déplacement à Beyrouth la semaine dernière, aux côté de Nicolas Sarkozy, pour saluer le nouveau président libanais Michel Sleimane : « Les Libanais qui composent la majorité nous ont dit ‘nous comprenons la présence de Bachar el-Assad le 13 juillet mais nous ne pourrions pas comprendre que la France envoie le pire des symboles avec la présence de Bachar el-Assad le 14 juillet’ ». Des propos très durs également dans la bouche du socialiste Pierre Moscovici : « La Syrie est un grand pays qui joue un rôle majeur dans la région, estime le secrétaire national du PS aux questions internationales ; en même temps c’est un pays qui a pu jouer un rôle assez sombre, notamment au Liban. La lumière n’a pas été faite sur les conditions de l’assassinat de Rafic Hariri, on a tout lieu de penser que la Syrie est étroitement impliquée ».
Toutefois, des voix divergentes se font entendre au sein même du PS. Comme celle du député Jack Lang, qui affirme son soutien à « l’initiative de paix » de Nicolas Sarkozy. Au passage, l’ancien ministre de la Culture s’en prend à ceux qui – dans son camp – « font la fine bouche ». Jack Lang se dit « en désaccord total avec certains dirigeants socialistes qui se complaisent dans une attitude politicienne ». En cela, il est rejoint par l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard. « Il fallait le faire », assure ce dernier, à propos de cette invitation. Selon l’ancien chef du gouvernement, la Syrie « aurait d’énormes avantages à jouer le jeu international normal, à respecter sa parole, à ne plus appuyer le terrorisme, à vivre en paix avec la communauté internationale ».
Enfin, Reporters Sans Frontières, organisation de défense des journalistes se dit « scandalisée ». « Après avoir accueilli à bras ouverts le président libyen et vanté les mérites tunisiens », la France, selon RSF, « s’apprête à commémorer le 14-Juillet aux côtés du président de l’un des régimes les plus répressifs du monde ». Et RSF rappelle que « les présidents Bachar el-Assad, Mouammar Khadafi et Zine Eel Abidine Ben Ali figurent sur la liste des prédateurs de la liberté de la presse ».
A écouter
Directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques
Comme les chefs d'Etat et de gouvernement qui sont invités pour le sommet du 13, sont également conviés aux festivités du 14 juillet, il n'était pas possible de faire une différence pour Bachar el-Assad.
14/06/2008 par Kamel Djaider
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