Article publié le 14/06/2008 Dernière mise à jour le 14/06/2008 à 15:22 TU
Avec notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet
Le «non» des Irlandais plonge l'Europe dans le doute quant à l'avenir de la Constitution.
(Photo : Reuters)
C’est effectivement une onde de choc, un « coup grave à la construction européenne », selon le ministre italien des Affaires étrangères, une « défaite personnelle » pour le Premier ministre portugais qui avait tout fait pour que le nouveau traité soit signé sous sa présidence de l’Union. La plupart des capitales étaient d’ailleurs vendredi soir au diapason de ce que le Premier ministre irlandais a qualifié « d’immense déception ».
Le son de cloche était le même au Parlement européen où seuls les communistes et les souverainistes affichaient leur satisfaction. Pour l’essentiel des responsables européens, la constatation est presque unanime, celle du fossé grandissant entre les projets établis pour l’Union européenne et la perception qu’en ont les citoyens.
Les premières conséquences du « non » irlandais
Première constatation, le Traité de Lisbonne est désormais très mal en point. Pour ses opposants, il est mort. Pour ses partisans, il est en tout cas certain, comme l’affirme le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qu’il n’entrera pas en vigueur à la date prévue, le 1er janvier prochain.
Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe
« Le peuple irlandais n'a pas rendu service, ni à son identité ni à l'Europe. »
Chez les dirigeants européens, l’unanimité est pour l’instant de mise : il faut de toute façon continuer le processus de ratification du Traité. Le moyen, peut-être, d’éviter de replonger dans une crise identique à celle qu'avait créée le double « non » franco-néerlandais. Le moyen en tout cas de compter les forces en présence et de voir si les Irlandais, qui sont les seuls à voter par référendum, comme les y contraint leur Constitution, seront aussi les seuls à avoir refusé ce traité.
Certains espèrent peut-être que, dans ce cas-là, l’Irlande s’obligerait à revoter comme pour le Traité de Nice..Un calcul très risqué, car rien ne garantit une victoire du « oui » lors d’un second référendum.
Eviter une nouvelle crise
Le Traité de Lisbonne « n'est pas mort », a affirmé le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
(Photo : Reuters)
Plusieurs solutions ont en tout cas été avancées et d’abord celle du statu quo. L’Union européenne fonctionne actuellement avec les outils que lui a donnés le Traité de Nice, considéré dès sa naissance comme un mauvais traité, très peu à même de permettre des décisions à 27. Il a cependant l’avantage d’exister et beaucoup de dirigeants européens n’ont pas envie de perdre à nouveau leur temps, leur énergie dans une nouvelle négociation compliquée et de remettre sur le métier le Traité de Lisbonne qui est déjà une refonte du traité constitutionnel.
L’idée d’une nouvelle convention a été mise en avant, hier: un grand exercice de démocratie impliquant les Etats membres de l’UE, les Parlements nationaux, le Parlement européen et des représentants de la société civile, c'est-à-dire ce qui a déjà été fait sous la direction de Valéry Giscard d’Estaing. Mais là encore, il est douteux qu’on puisse à nouveau mobiliser une telle énergie.
Et maintenant ?
Dès hier soir, les capitales et la Commission européenne ont entamé des consultations et les ministres des Affaires étrangères feront le point, lundi, lors d'une réunion déjà prévue à Luxembourg.
Mais surtout, à la fin de la semaine, les chefs d’Etat et de gouvernement vont tenir le sommet de clôture de la présidence slovène de l’Union, à Bruxelles: un sommet dont l’ordre du jour a d’ores et déjà été fondamentalement chamboulé pour laisser une large place à la recherche de réponses au référendum irlandais.
Une chose est en tout cas certaine : la France, qui prend la prochaine présidence tournante de l’Union européenne en juillet aura du pain sur la planche pendant les six mois qui viennent.
Député européen, membre du Parti populaire européen
« Il y a une sorte de tradition qui est assez logique : quand un pays est à l’origine d’une crise politique, c’est à lui de faire des propositions pour en sortir… ».
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A écouter
« La une de tous des quotidiens respectables britanniques est aussi réservée à ce que les journaux du groupe Murdock considèrent comme un acte de bravoure ».
14/06/2008 par Hervé Amoric