par Frédérique Misslin
Article publié le 08/07/2008 Dernière mise à jour le 08/07/2008 à 19:54 TU
Bachar el-Assad estime que sa visite en France est « historique ». Elle marque l’ouverture vers la France et l’Europe et semble signer la fin de l’isolement de Damas sur la scène internationale. Le président syrien sera à Paris le 13 juillet prochain, à l’occasion du sommet euro-méditerranéen qui doit se tenir dans la capitale française. Le dirigeant syrien précise dans une interview au quotidien Le Figaro : « ma visite est importante pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous assistons à une rupture entre la politique actuelle de la France et la politique du passé […] Ensuite parce qu’elle coïncide avec la relance de négociations avec Israël et la fin de la crise libanaise, dans laquelle la Syrie s’est impliquée ».
En quelques mots, Bachar el-Assad résume ce qui a été sa priorité ces derniers mois : rompre l’isolement auquel son régime était soumis depuis plusieurs années. Après un retrait humiliant du Liban en 2005, après l’assassinat de Rafic Hariri la même année, qui avait entraîné des suspicions à l’encontre de Damas, peu d’analystes auraient parié sur l’avenir du régime du « docteur Bachar ». Finalement le fils du « Lion de Damas » a rebondi, la Syrie revient sur le devant de la scène internationale. Denis Bauchard, de l’IFRI (l’Institut français des relations internationales), souligne que « la Syrie, malgré le camouflet de la résolution 1559 et ses problèmes de politique intérieure, demeure un acteur majeur au Moyen-Orient et développe une politique extérieure dont la lisibilité n’est pas toujours évidente. Il est clair qu’elle est plus pragmatique qu’idéologique avec comme objectif fondamental pour le régime dominé par un clan familial appartenant à la minorité alaouite : sa survie ». Au plan tactique on assiste donc depuis plusieurs mois à une politique qui alterne fermeté et ouverture.
Le premier signe de ce retour en grâce a été la présence de la délégation syrienne à Annapolis, aux Etats-Unis en novembre 2007. La conférence était consacrée au processus de paix israélo-palestinien, mais les Syriens ont réussi à imposer à l’agenda la question du Golan. Quelques mois plus tard, on apprend que des pourparlers de paix indirects ont repris entre les Syriens et les Israéliens par l’intermédiaire de la Turquie. Le 13 juillet prochain, Bachar el-Assad assistera au sommet euro-méditerranéen aux côtés d’Ehud Olmert, le Premier ministre israélien : c’est un véritable événement puisqu’officiellement les deux pays sont toujours en guerre.
La France doit jouer un rôle direct pour la paix au Proche-Orient
Arrivée à Paris en fanfare pour le président syrien, qui espère se donner une nouvelle crédibilité internationale. Il a plusieurs atouts dans son jeu. Tout d’abord, Damas accueille la plupart des mouvements palestiniens en exil, les Syriens estiment qu’ils ont leur rôle à jouer dans le cadre du processus de paix. La Syrie s’est beaucoup investie dans le règlement de la crise libanaise ces derniers mois, officiellement au titre de la Ligue arabe puisqu’elle en assure la présidence actuellement. Les médias libanais chuchotent d’ailleurs, depuis plusieurs jours, que la formation d’un gouvernement d’union nationale à Beyrouth est imminente, car Bachar el-Assad aimerait arriver en France avec cette nouvelle preuve de bonne volonté.
Une rencontre entre les présidents libanais et syrien est également au programme de l’étape parisienne. Un symbole fort, même si Bachar el-Assad le rappelle : « Michel Sleimane a toujours entretenu de bonnes relations avec le pouvoir syrien. Damas a soutenu sa candidature à la présidence ». Bachar el-Assad promet par ailleurs que l’ouverture d’une ambassade syrienne à Beyrouth sera évoquée, sitôt le gouvernement libanais formé. Cet échange d’ambassadeurs est une exigence de la communauté internationale en générale, et de la France en particulier. Il pourrait conditionner l’éventuelle visite du président Sarkozy en Syrie, au mois d’août prochain. Les relations entre Paris et Damas se dégèlent, Bachar el-Assad ne le dément pas et affirme que la France a un rôle à jouer au Proche-Orient.
Il faut dire que l’isolement international auquel était soumis Damas a montré ses limites. Cette stratégie, initiée par les Américains, visait surtout à affaiblir un axe Hezbollah-Syrie-Iran. De ce point de vue, les relations entre la Syrie et l'Iran pourraient effectivement évoluer. D’après un des négociateurs israéliens interrogé récemment par le Sunday Telegraph, les contacts entre Israël et la Syrie progressent et Damas serait prête à rompre ses relations avec l’Iran si les Etats-Unis acceptent de la soutenir économiquement et militairement. Mais Bachar el-Assad le répète dans Le Figaro : « Nous misons sur le prochain président américain ». Difficile d’être plus clair. La Syrie attend la nouvelle administration américaine pour transformer l’essai : le temps joue en faveur de Damas.
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