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Commerce mondial

OMC : les pays émergents prêts à en découdre

par Myriam Berber

Article publié le 21/07/2008 Dernière mise à jour le 22/07/2008 à 10:36 TU

Dans les négociations du cycle de Doha, Kamal Nath, le ministre indien du Commerce et de l’Industrie, s’est fait le champion des paysans pauvres menacés par l’ouverture des frontières.(Photo : Reuters)

Dans les négociations du cycle de Doha, Kamal Nath, le ministre indien du Commerce et de l’Industrie, s’est fait le champion des paysans pauvres menacés par l’ouverture des frontières.
(Photo : Reuters)

La conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'est ouverte, lundi 21 juillet 2008, à Genève. Les représentants d’une trentaine de pays du Nord et du Sud planchent sur les moyens de sortir le cycle de Doha sur la libéralisation du commerce mondial de l'impasse. Considérée comme la réunion de la dernière chance, cette conférence s'est ouverte sur de profondes dissensions entre les pays riches - principalement les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon -et les économies émergentes comme le Brésil, l’Inde et la Chine.

Un accord sur la libéralisation du commerce mondial pourra-t-il être trouvé cette semaine à Genève ? Rien n’est moins sûr. Lorsqu’il a convoqué cette réunion, le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, a évalué à « 50%, les chances de succès des négociations  », mais ces derniers jours, les joutes verbales et autres polémiques ont fusé de toutes parts. Il y a dans un camp, les pays développés qui veulent pénétrer les marchés des produits industriels et des services des grands pays émergents, et dans l’autre le Brésil, l’Inde ou encore la Chine qui réclament la baisse des subventions des pays du Nord à leurs agricultures.

Dès l’ouverture de la réunion lundi, l’Union européenne a ouvert le jeu des négociations. Peter Mandelson a proposé d’abaisser de 60% la moyenne des droits de douane agricoles de l'UE, contre les 54% précédemment annoncés. « Un chiffre qui ne peut pas être considéré comme une nouvelle proposition », a précisé par la suite la secrétaire d’Etat française au commerce extérieur, Anne-Marie Idrac. Il s’agit, en fait, du résultat de nouveaux calculs sur la base des négociations conclues la semaine dernière entre européens. Une annonce que les représentants brésiliens ont dès le début jugé peu crédible : « il ne s’agit pas d’une concession, mais la conséquence des négociations », a commenté l’un d’eux. Des négociateurs très remontés, dès ce week-end : ils ont fustigé l’accord actuellement sur la table à l’OMC qui obligerait le Brésil à réduire ses droits de douane sur la moitié de ses produits importés. Les dernières propositions se traduiraient par une réduction des droits de douane entre 11% et 12% en moyenne pour le Brésil et l’Inde.

« Il reste beaucoup à faire dans l’agriculture »

Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Celso Amorim, n’a pas hésité à comparer la stratégie des pays riches à celle de Goebbels, le chef de la propagande du IIIe Reich. Il a dénoncé, samedi, « le mythe » selon lequel le dossier agricole serait bouclé et qui voudrait que l’OMC n’attende plus que le bon vouloir des pays du Sud sur la question des produits industriels. « Il reste beaucoup à faire dans l’agriculture », a souligné Celson Amorim qui se dit prêt à attendre « trois ou quatre ans de plus » pour obtenir un meilleur accord que celui qui est sur la table actuellement.

Pour Celson Amorim, l’un des points cruciaux de la discussion est le niveau des subventions agricoles aux Etats-Unis. Le Farm Bill, une loi agricole renouvelée tous les ans, a permis ces dernières années une envolée des subventions versées par les Etats-Unis à leurs agriculteurs. Cette année, le Farm Bill a accordé 290 milliards de dollars aux agriculteurs, un montant sans précédent. Sur la question agricole, la position du géant indien est tout aussi tranchée. Le gouvernement a affirmé qu’il ne sacrifiera pas les intérêts de ses millions de petits paysans pour conclure un accord commercial mondial. Kamal Nath, le ministre indien du Commerce et de l’Industrie rejette les exigences d’ouverture des marchés formulées par les pays développés. En 2007, il a montré sa détermination en claquant la porte d’une réunion avec Susan Schwab, la représentante américaine pour le Commerce, et le négociateur européen Peter Mandelson.

La Chine condamnée par l’OMC

L’autre grande économie émergente, la Chine, s’est déclarée favorable à un accord mondial. Mais va-t-elle jouer le jeu à Genève ? Alors que débutent les négociations, le géant chinois vient d’être condamné par l’OMC suite à une triple plainte déposée fin 2006 par l’Union européenne, les Etats-Unis et le Canada. Pour la première fois depuis son entrée à l’OMC en 2001, la Chine a été condamnée pour des mesures jugées « incompatibles » avec les règles du libre-échange. En cause, son régime d'importations de pièces détachées automobiles. Pékin a 60 jours pour faire appel. La Chine doit encore faire face à deux autres plaintes, déposées en 2007. La première concerne les contrefaçons et la piraterie et l'autre les subventions à son industrie.

Dans cette série de passes d’armes entre pays riches et pays émergents, que vont devenir les pays les plus pauvres ? Les pays africains représentés par l'Egypte ont souligné l'importance des négociations pour faire face à la hausse aiguë des prix des biens alimentaires. « Si les pays riches échouent dans leur responsabilité à appliquer l'équilibre et la sensibilité face à la vulnérabilité des pays en développement, ce n'est pas seulement le système mondial du commerce qui est en danger, mais aussi la sécurité et la stabilité mondiale », a déclaré le ministre égyptien du Commerce Rachid Mohamed Rachid.

A cela, il faut ajouter des guerres sur des produits spécifiques comme le conflit sur la banane qui concerne les pays en développement dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). En vertu de préférences commerciales accordées à ses anciennes colonies, l’Europe ne fixe aucun droit de douane pour les bananes provenant des pays ACP. A l’inverse, les Etats-Unis et les pays latino-américains doivent payer 176 euros par tonne de bananes exportée vers l’UE. L’Europe se dit prête à accepter une baisse des tarifs douaniers qui passeraient de 176 euros par tonne à 116 euros d’ici 2015. Pour leur part, les pays ACP demandent que les protections sur leurs exportations de ces produits soient maintenues et que les barrières concernant les pays d'Amérique latine, si elles doivent être réduites, le soient très progressivement.