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Serbie/Justice internationale/UE

Arrestation de Karadzic : une page politique se tourne

par Oihana  Gabriel , François Cardona

Article publié le 22/07/2008 Dernière mise à jour le 23/07/2008 à 06:22 TU

Ce montage photo montre la transformation physique de Radovan Karadzic qui a pu vivre à Belgrade, sans être inquiété. La photo la plus récente non datée, à gauche ; et en février 1995, à droite.(Photo : Reuters)

Ce montage photo montre la transformation physique de Radovan Karadzic qui a pu vivre à Belgrade, sans être inquiété. La photo la plus récente non datée, à gauche ; et en février 1995, à droite.
(Photo : Reuters)

Après treize ans de cavale, Radovan Karadzic a été arrêté lundi soir à Belgrade. L'Union européenne et les Etats-Unis ont salué l'arrestation de Radovan Karadzic. Mais, la prudence est de mise à Bruxelles sur un rapprochement avec Belgrade, où a eu lieu mardi une manifestation d'ultranationalistes. Inculpé par le Tribunal pénal international pour génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre, Radovan Karadzic devrait être extradé vers La Haye, dans les jours qui viennent.
Des militants pro-Karadzic, ont affronté les forces de l'ordre lors d'un rassemblement dans les rues de Belgrade, le 22 juillet 2008.(Photo: Reuters)

Des militants pro-Karadzic, ont affronté les forces de l'ordre lors d'un rassemblement dans les rues de Belgrade, le 22 juillet 2008.
(Photo: Reuters)

Arrêté lundi soir à Belgrade par les services secrets serbes, Radovan Karadzic n’a opposé aucune résistance. Rasim Ljajic, ministre chargé de la Coopération avec le Tribunal pénal international a précisé que cette arrestation a eu lieu « alors qu’il se rendait d’une localité (où il se cachait) à l’autre ». Selon la presse, il aurait été arrêté dans un autobus.

L’ancien chef politique avait refait sa vie. Sous la fausse identité de Dragan Dabic, il vivait à Novi Beograd, un quartier moderne de la capitale serbe. Rasim Ljajic, ministre chargé de la Coopération avec le Tribunal pénal international a présenté une photo de l’inculpé. C’est un Radovan Karadzic transformé qui a été découvert : l’homme aux cheveux grisonnants et à la mèche rebelle est apparu très aminci, les cheveux longs et blancs, portant la barbe longue et de larges lunettes.

Une métamorphose plutôt efficace puisque le chef politique a longtemps réussi à dissimuler sa véritable identité. Il vivait à Belgrade, apparaissait dans des endroits publics de la ville sans être inquiété, et avait réussi à louer plusieurs appartements sans que les propriétaires ne découvrent son identité. Apparemment, l’homme recherché depuis treize ans se déplaçait dans Belgrade en transports en commun ; son avocat, Veselin Vujacic, ayant indiqué qu'il avait un abonnement mensuel pour le transport public.

Radovan Karadzic gagnait même sa vie, dupant ses employeurs. L’ancien psychiatre s’était reconverti et travaillait dans une clinique privée dans la médecine alternative. Selon la télévision B92, Karadzic aurait même fait des conférences sur le thème de la bioénergie et de la méditation. Et aurait aussi publié des articles dans le journal Zdrav zivot (Vie saine) sous sa fausse identité.

Du côté de sa famille, qui affirmait ne pas savoir où il se trouvait et n’avoir eu aucun contact avec lui au cours de ces dernières années, on se réjouit qu’il soit en vie. « Il a perdu beaucoup de poids, mais il est calme et raisonnable. Il sait à quel point il est coupable ou pas coupable », a précisé son frère, Luka Karadzic, après une heure d’entretien avec le criminel présumé.

Radovan Karadzic a été entendu par un juge d’instruction, dans la nuit de lundi à mardi. Son acte d’accusation lui a été remis tandis que l’inculpé est resté muet.

Olga Kavran

Porte-parole de Serge Brammertz, procureur du tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie.

« Nous allons apporter toutes les preuves nécessaires au réquisitoire, ce sera au juge de décider si Radovan Karadzic est coupable ou innocent ».

écouter 0 min 52 sec

22/07/2008 par Julie Lerat

Le juge d'instruction a annoncé que les conditions pour une extradition de Karadzic à La Haye étaient réunies. Son avocat, Me Svetozar Vujacic, a d’ores et déjà annoncé qu'il déposerait un recours contre cette décision. Précisant qu'il déposerait son recours « le dernier jour du délai, vendredi ». L’avocat a estimé que le transfert de Radovan Karadzic vers La Haye ne pourra intervenir « que vers la fin de la semaine prochaine ».

Des proches des victimes du massacre de Srebrenica perpétré en juillet 1995 qui avait fait 8 000 morts, au mémorial de Tuzla en Bosnie-Herzégovine après l'annonce de l'arrestation de  Karadzic.(Photo: Reuters)

Des proches des victimes du massacre de Srebrenica perpétré en juillet 1995 qui avait fait 8 000 morts, au mémorial de Tuzla en Bosnie-Herzégovine après l'annonce de l'arrestation de Karadzic.
(Photo: Reuters)

La prudence de Bruxelles

«Cette arrestation va dans la bonne direction, mais il y a encore quelques criminels en fuite». Voilà la réaction toute en nuance de Javier Solana, le chef de la diplomatie européenne. Deux hommes accusés de crimes de guerre sont effectivement toujours en cavale : Ratko Mladic, l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie et Goran Hadzic, l'ancien chef des Serbes de Croatie.

Pas question donc pour les Européens d'offrir sur un plateau l'accord d'association et de stabilisation signé en avril, mais bloqué depuis à cause du manque de coopération de Belgrade avec le Tribunal pénal international.

José Manuel Barroso s'exprime sur l'arrestation de Radovan Karadzic

«C’est un pas très important qui pourra confirmer [...] un avenir de la Serbie dans l’Union européenne quand toutes les conditions seront remplies, bien sûr».

écouter 0 min 24 sec

22/07/2008 par Pierre Benazet


Alors, si en guise de récompense après l'arrestation de Radovan Karadzic, la Commission européenne envisage de donner son feu vert aux avantages commerciaux prévus dans l'accord, les Pays-Bas et la Belgique ont d'ores et déjà annoncé que l'interpellation des 2 autres fugitifs était nécessaire pour que ces deux pays acceptent de considérer une éventuelle adhésion de la Serbie à l'Europe des 27.

Des réserves à Belgrade également

Après le succès de lundi soir, Belgrade s'est certes engagé à poursuivre la traque des deux fugitifs restants. Pour autant, le pays «ne cédera pas un millimètre de terrain» sur le Kosovo. L'expression est du ministre serbe des Affaires étrangères, pour qui, même si l'adhésion de son pays à l'Union européenne reste une priorité, il est hors de question de faire des compromis sur l'intégrité territoriale de la Serbie. Et donc de reconnaître l'indépendance du Kosovo. Quitte à retarder encore davantage la mise en oeuvre de l'accord signé avec Bruxelles.

Bernard Kouchner

Ministre des Affaires étrangères

« Je pense à l'histoire, on va enfin savoir ce qui s'est passé ».

écouter 1 min 8 sec

22/07/2008 par julie lerat

A écouter aussi

A Belgrade : manifestation d'extrémistes, et indifférence du plus grand nombre

« Les incidents ont éclaté quand quelques centaines de protestataires se sont rassemblées sur la place de la République en fin d'après midi dans le centre de Belgrade. »

23/07/2008 par Laurent Rouy

Deux autres responsables serbes recherchés

« Radovan Karadzic arrêté, l'attention se porte maintenant sur Ratko Mladic et Goran Hadzic, deux hommes toujours en fuite et activement recherchés par le Tribunal pénal international. »

23/07/2008 par Oihana Gabriel

Jacques Massey

Auteur du livre Nos chers criminels de guerre

« Le reformatage des services secrets est mené depuis deux ans. D'une certaine manière, ça a fini par payer au bénéfice des évolutions politiques des derniers mois. »

23/07/2008 par François Cardona