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Serbie / Justice internationale

Satisfaction générale après l'arrestation de Radovan Karadzic

Article publié le 22/07/2008 Dernière mise à jour le 22/07/2008 à 05:01 TU

L'arrestation de Radovan Karadzic, l'ancien président des Serbes de Bosnie recherché depuis 13 ans, fait la une des journaux à Belgrade.(Photo : Reuters)

L'arrestation de Radovan Karadzic, l'ancien président des Serbes de Bosnie recherché depuis 13 ans, fait la une des journaux à Belgrade.
(Photo : Reuters)

De l'ONU à la présidence européenne en passant par la Maison Blanche, les réactions sont unanimes après l'arrestation annoncée lundi soir de Radovan Karadzic. A Sarajevo, des centaines d'automobilistes ont fêté l'arrestation de l'ancien leader des Serbes de Bosnie à coups de klaxons. Mais à Belgrade, une cinquantaine d'extrémistes ont manifesté leur colère près du bâtiment où Radovan Karadzic était interrogé.

UN PROCES TRES ATTENDU

Par notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

Quelques jours après la commémoration du massacre de Srebrenica, les services secrets ont mis fin à la cavale de l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic. Traqué depuis treize ans, son arrestation dans une banlieue de Belgrade survient quinze jours après la formation d’un nouveau gouvernement en Serbie et met fin au premier volet d’une longue saga judiciaire.

L’accusé dispose de trois jours pour faire appel de son transfèrement vers La Haye et devrait donc rejoindre prochainement sa cellule de la prison du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), proche de la mer du Nord, dans laquelle il est attendu depuis sa première mise en accusation, le 24 juillet 1995. C’était quelques jours après la prise de Srebrenica par les forces serbes, placées sous les ordres du général Ratko Mladic, lui aussi inculpé mais toujours en cavale. En quelques heures, plus de 8 000 hommes, tous musulmans, avaient été assassinés au pistolet et au fusil. Les femmes, les vieillards et les enfants étaient eux déportés vers « les territoires libres » de Bosnie-Herzégovine, sous l’œil passif d’un bataillon néerlandais de casques bleus, pris entre la passivité de l’ONU sous les ordres de laquelle il était placé, et la brutalité des forces serbes.

Le procès de l’épuration ethnique

Outre sa responsabilité dans le massacre de Srebrenica, Radovan Karadzic est accusé de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis entre 1991 et 1995. Selon son acte d’accusation, le chef politique des Serbes de Bosnie a commandité les crimes dans l’objectif « de prendre le contrôle des régions de Bosnie-Herzégovine qui avaient été déclarées partie intégrante de la république serbe ». Pour mettre en œuvre sa politique d’épuration ethnique, Radovan Karadzic aurait, avec d’autres, « établi et mis en œuvre un plan d’action qui prévoyait la création de conditions de vie impossibles, se traduisant par des persécutions et des tactiques de terreur destinées à pousser les non-Serbes à quitter ces régions, l’expulsion des personnes peu disposées à partir et l’élimination des autres. » Il est aussi accusé pour les 44 mois de siège de Sarajevo.

Un dossier solide

Le procès de Radovan Karadzic devrait se dérouler dans des délais rapides. L’ONU impose au tribunal de fermer ses portes fin 2010. Mais depuis 13 ans, le procureur a eu le temps de construire son dossier. Il dispose de nombreuses pièces, solides. Plusieurs hommes ont déjà été jugés par le tribunal pour le drame de Srebrenica notamment, parmi lesquels le général Radislav Krstic, condamné à 35 ans d’emprisonnement. Dans leur jugement, les magistrats avaient qualifié de « génocide » le drame de Srebrenica. Par ailleurs, six responsables sont actuellement dans le box des accusés.

Au cours du procès de Slobodan Milosevic, des pièces transmises par la Serbie sous le sceau du secret défense avaient été présentées à huis clos. Les juges avaient cédé aux demandes de Belgrade, provoquant les protestations d’organisations de victimes et de défense des droits de l’homme. Classées confidentielles, elles n’avaient pu être utilisées dans une autre procédure, entendue devant la Cour internationale de justice, chargée, elle, de régler les différends entre Etats, et devant laquelle l’Etat bosniaque poursuivait l’Etat serbe pour génocide, sans succès. Les magistrats avaient dédouané Belgrade mais reconnu la responsabilité de Radovan Karadzic et du chef militaire de l’armée des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic. Ces pièces démontreraient l’implication directe de Belgrade dans les crimes commis en Bosnie-Herzégovine.

Après le décès de Slobodan Milosevic dans sa cellule de La Haye, à quelques mois de son jugement, l’arrestation de Radovan Karadzic donne un nouveau souffle au tribunal pour l’ex-Yougoslavie.

 

LA SATISFACTION DE L'ONU

Avec notre correspondant à New-York, Philippe Bolopion

Dans les corridors de l'ONU, la plupart des diplomates affichent leur satisfaction. Le Conseil de sécurité a créé le TPI pour l'ex-Yougoslavie, et c'est l'ONU qui l'a financé. Alors que le tribunal se prépare à conclure ses travaux, en 2010, il flottait un sentiment de devoir inaccompli. En décembre dernier, la procureur du TPI, Carla Del Ponte, avait conclu sa mission sur une note amère. Face au Conseil de sécurité, elle avait dénoncé l'obstruction délibérée de la Serbie à ses efforts pour arrêter Radovan Karadzic. Le fait qu'il soit en liberté sapait, selon elle, l'idée même de justice internationale.

Cette arrestation aura, selon des fonctionnaires onusiens, valeur d'exemple. Qu'ils soient présidents ou haut-gradés, les plus haut responsables qui pourraient être tentés de commettre des crimes de masse, savent désormais qu'ils risquent de finir derrière des barreaux à La Haye.

Il y a à peine plus d'une semaine, le président soudanais, Omar-El Béchir, a fait l'objet d'une demande de mandat d'arrêt du procureur de la cour pénale internationale. Le secrétaire général de l'ONU a de son côté salué une arrestation historique.

Mais Ban Ki-moon l'a rappelé : le travail du tribunal ne sera pas terminé tant qu'il y aura des fugitifs et notamment le complice de Radovan Karadzic, le général Ratko Mladic.

Michele Montas

Porte-parole de Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU

« C'est un moment historique pour les victimes... Mais il reste d'autres fugitifs à retrouver pour que le TPIY puisse finir son travail... »

écouter 00 min 53 sec

22/07/2008 par Philippe Bolopion

Des réactions unanimes

A Sarajevo, pour l'association des « Mères de Srebrenica », dont époux ou fils ont été tués, c’est le soulagement : « Justice a finalement été faite. Le criminel sera finalement confronté à ses faits », a déclaré une responsable de cette association, Kada Hotic.

Satisfaction partagée au plus haut niveau du pays : Aris Siladzic, à la tête de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, prédit que « cela aura un effet positif en Bosnie. Nous avons besoin de cet exutoire. Il faut que les gens sachent qu'il y a une justice ».

L’émotion a très vite gagné les Américains : selon la Maison Blanche, « il n’y a pas de plus bel hommage aux victimes des atrocités [d'une] guerre que d'amener leurs auteurs devant la justice ».

A l'Onu, le secrétaire général Ban Ki-moon a salué la capture de Karadzic comme « un moment historique pour les victimes ».

Un rapprochement confirmé vers l'UE

Face à cette annonce, l’Europe elle aussi s’est exprimée d’une même voix : Nicolas Sarkozy a déclaré, au nom de l’Union Européenne qu’il préside, que cette arrestation « constitue une étape importante dans la voie du rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne, (…) [et] manifeste clairement l'engagement du nouveau gouvernement de Belgrade de contribuer à la paix et à la stabilité dans la région des Balkans ». Un constat repris par Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, qui a déclaré mardi sur RTL: « Voilà un évènement qui rapproche évidemment la Serbie de l'Union européenne, (…) un obstacle supplémentaire se lève ».

Les autres pays européens partagent cette analyse de l’évènement. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, l’a qualifié de « très important pour les aspirations européennes de la Serbie », tandis que le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband espère qu’il « va ouvrir la voie à un meilleur avenir au sein de l'Europe, pour la Serbie et la région ».

Même les Pays-Bas, dernier Etat à geler, jusqu’ici, le rapprochement de la Serbie avec les 27, ont salué l' « immense pas en avant » accompli par Belgrade. « Il faudra voir dans les semaines à venir les conséquences que l'UE doit en tirer quant à ses relations avec la Serbie », anticipe déjà le ministère des Affaires étrangères.

Julia Lucas avec AFP

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