par Sophie Malibeaux
Article publié le 26/07/2008 Dernière mise à jour le 27/07/2008 à 11:05 TU
Un militant du PPC, le Parti du peuple cambodgien de Hun Sen, arbore un drapeau aux couleurs du parti dans les rues de Siem Reap.
(Photo : Reuters)
L’impasse militaire et diplomatique autour du temple de Preah Vihear à la frontière avec la Thaïlande, a quelque peu éclipsé les derniers jours d’une campagne un peu terne, entamée le 26 juin dernier. Le risque d’une désaffection des électeurs a été souligné notamment par le Comfrel, ONG d’observation du processus électoral. Mais un éventuel désintérêt des électeurs pourrait tout aussi bien venir du peu d’espace laissé à l’opposition pour s’exprimer.
Les atouts du Parti du peuple cambodgien
Le fait est qu’après des décennies de règne, le Parti du peuple cambodgien dispose d’une solide assise dans tout le pays. Le PPC compte 73 sièges dans l’Assemblée sortante, mais souhaite fixer la barre plus haut, pour s’assurer une majorité réellement confortable. Lors du dernier jour de campagne, ce vendredi 25 juillet 2008, le président du parti Chea Sim a déclaré devant une foule de plusieurs milliers de militants réunis à Phnom Penh, que le parti espérait gagner au moins huit sièges supplémentaires.
La formation politique de Hun Sen bénéficie d’une visibilité écrasante, grâce à de gros moyens dont les petits partis de l’opposition sont privés. Le plus important d’entre eux, le Parti Sam Rainsy (PSR) du nom de l’ancien ministre des Finances qui l’a fondé, n’a pas manqué d’attaquer le pouvoir sur ce thème, dénonçant notamment la corruption et les monopoles familiaux profitant aux dirigeants du pays et à leurs proches.
Militants du FUNCINPEC, le parti des royalistes et l'un des 10 partis de l'opposition. Au premier plan, la princesse Norodom Arun Rasmey, fille du roi Sihanouk et leader du parti.
(Photo : Reuters)
Quant à l’opposition, elle se présente en rangs dispersés, entre les fidèles de Sam Rainsy et ceux de l’ex-parlementaire royaliste Kem Sokha, à la tête du Parti des droits de l’homme (HRP). Au total, onze partis sont en lice, dont huit en mesure de présenter des députés dans tout le pays. Face à eux, le parti au pouvoir apparaît comme un rouleau compresseur.
Le PPC se targue notamment d’un bilan économique positif, avec une croissance à deux chiffres durant les cinq dernières années écoulées.
Boom économique sur fond d’inégalités
Il reste néanmoins difficile d’évaluer la réalité économique du pays. La vue des chantiers immobiliers qui se multiplient dans la capitale, les bons résultats du secteur touristique, les investissements des pays voisins d’Asie dans des projets d’infrastructure à grande échelle, tout cela plaide en faveur du gouvernement actuel, mais ces grands travaux ne disent rien du quotidien des Cambodgiens, surtout dans les campagnes où l’accès à l’électricité par exemple ne concerne pas plus de 10% des foyers.
Malgré une croissance officielle supérieure à 10%, le Cambodge reste l’un des pays les plus pauvres du monde. 35% des 14 millions de Cambodgiens vivent avec moins de 32 centimes d’euro par jour.
L’aide de la communauté internationale - évaluée à 600 millions de dollars par an - atteint difficilement les niveaux les plus bas de la société. Ces derniers sont même, paradoxalement, victimes du boom immobilier qui rend le prix des terrains de plus en plus cher et aboutit à l’expulsion forcée de paysans qui perdent ainsi leurs moyens de subsistance. Surtout, les catégories de la population les plus vulnérables subissent de plein fouet une inflation galopante. En janvier, la hausse des prix dépassait les 18%. Depuis, les autorités ont cessé de fournir les chiffres.
Les violences politiques en recul
Seul avantage au climat de résignation ambiante des populations, les actes de violence politique, très nombreux lors des précédents scrutins, ont enregistré un net recul. Six meurtres sont malgré tout à déplorer. Parmi les victimes, quatre étaient membres du PPC et deux appartenaient à l’opposition. Les observateurs dénoncent également des cas d’agression et d’intimidation encore trop nombreux, auxquels il faut ajouter les pressions exercées par les fonctionnaires et autres membres des forces armées parfois recrutés par le PPC dans le cadre d’opérations électorales.
Voilà qui pourrait faire pencher la balance encore un peu plus dans le sens d’une victoire du parti en place.
A l’issue du scrutin, la réélection de Hun Sen au poste de chef de l’exécutif ne semble pas non plus engendrer le moindre doute. C’est la raison pour laquelle l’équipe sortante a pu reporter au lendemain du scrutin les pourparlers avec la Thaïlande sur la portion de territoire (4,6 km²) que se disputent les deux pays, et pour lesquels des milliers de soldats ont été déployés depuis la mi-juillet, peu après l’inscription du temple de Preah Vihear sur la liste des monuments classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
Le gouvernement de Hun Sen se montre suffisamment confiant dans sa victoire électorale pour attendre la fin de l’élection avant de poursuivre les discussions. Entre temps, le PPC aura pu capitaliser la montée de fièvre nationaliste khmère résultant de la querelle avec la Thaïlande. A moins que ce nouveau motif de tension régionale n’incite les électeurs à rester chez eux.
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