par Julie Lerat
Article publié le 05/08/2008 Dernière mise à jour le 05/08/2008 à 22:44 TU
Marina Petrella est donc libre, mais elle a été placée sous contrôle judiciaire. Elle ne pourra donc pas quitter la région Ile-de-France et devra remettre son passeport aux autorités. Mais elle pourra être soignée sans être maintenue en détention. Présente lors de l’audience de la cour d’appel de Versailles, la fille aînée de Marina Petrella, Elisa Novelli, a déclaré que la levée de la détention de sa mère était la condition à une amélioration de son état de santé qui « lui permette de vivre ».
Depuis son arrestation en août 2007, l’état de santé de Marina Petrella se dégrade chaque jour un peu plus. Le 11 avril dernier, un médecin de la prison de Fresnes décrivait son cas dans une note : « état dépressif gravissime, douleur morale, idées de mort extrêmement prégnantes, angoisse avec vécu somatique, sensation d’avenir bouché, l’ensemble évoquant une crise suicidaire franche et très inquiétante ». Elle a, depuis, été admise en urgence à l’hôpital Sainte-Anne. « Je sais que ça va être dur, mais ils n’emporteront que mon cadavre et ils n’emporteront rien d’autre », a confié Marina Petrella à son compagnon, Hamed Merakchi, avec lequel elle a une fille de 10 ans.
Dernier recours devant le Conseil d’Etat
Suite à la décision de la cour d’appel de Versailles, les policiers placés devant la chambre de Marina Petrella seront retirés. Mais ce n’est pas la fin de ses problèmes avec la justice. Son extradition n’est pas annulée. Le seul espoir de Marina Petrella est de pouvoir bénéficier de la « clause humanitaire » prévue par la convention européenne d’extradition de 1957, qui autorise à ne pas extrader une personne « en raison de son âge ou de son état de santé ». Son avocate a déposé un recours devant le Conseil d’Etat.
L’ancienne militante des Brigades rouges est déterminée à ne pas retourner en Italie, où elle a été condamnée à la prison à perpétuité en 1992. A l’époque, Marina Petrella a assisté à son procès. Elle était en liberté, sous contrôle judiciaire, pour pouvoir s’occuper de sa fille Elisa, née en prison quelques années plus tôt. Une fois la condamnation prononcée, des mois ont passé, sans que les juges ne délivrent un mandat d’arrêt contre elle. En mai 1993, au moment de sa condamnation définitive, Marina Petrella avait quitté l’Italie pour la région parisienne.
Fin de la « doctrine Mitterrand »
Dans les années 1980, nombreux étaient les anciens activistes de l’extrême gauche italienne à avoir trouvé refuge en France. En 1985, le président français, François Mitterrand, leur avait garanti l’immunité, annonçant qu’il refuserait d’extrader les Italiens qui « ont participé à l’action terroriste en Italie depuis de longues années » mais « ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s’étaient engagés ». La « doctrine Mitterrand » a été suivie par neuf gouvernements de droite et de gauche, jusqu’en 2002. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a alors rompu avec cette politique et, le 25 août 2002, a autorisé l’extradition de Paolo Persichetti, condamné à vingt-deux ans de prison pour sa complicité dans l’assassinat d’un général.
Confiante dans la promesse faite par le président Mitterrand, Marina Petrella a toujours signalé sa présence aux autorités françaises. D’abord, à son arrivée, en envoyant une lettre au procureur de Paris – et aux autorités italiennes. Ensuite, en 2002, quand des policiers en civil frappent à sa porte. Ils viennent analyser son téléphone et son ordinateur, alors que l’extradition de Paolo Persichetti vient d’être confirmée. Marina Petrella écrit à la mairie pour expliquer qui elle est. La mairie lui répond que cela ne pose pas de problème.
L’extradition suspendue
A l’époque, Marina Petrella vit en France avec une carte de séjour, et ses filles sont scolarisées. Mais cinq ans plus tard, elle est convoquée au commissariat pour une banale histoire de carte grise. L’interrogatoire change très vite de ton et de nature. L’ancienne militante des Brigades rouges est menottée et incarcérée. La cour d’appel et la Cour de cassation confirment son extradition.
Au début du mois de juillet 2008, l’Elysée confirmait à son tour l’extradition de Marina Petrella, et le président français demandait sa grâce au Premier ministre italien pour des raisons de santé – en Italie, c’est en réalité le président qui a le droit de grâce. La décision de la cour d’appel de Versailles de remettre en liberté Marina Petrella devrait suspendre pour un temps son extradition. Mais elle ne l’annule pas.
Ce qu’on lui reproche |
Marina Petrella faisait partie de la direction romaine des Brigades rouges, auxquelles elle a adhéré à l’âge de 22 ans. Elle a été condamnée pour sept crimes, dont homicide sur agent de la force publique, tentative de séquestration et d’homicide, séquestration d’un magistrat, vol avec arme et attentats dans le cadre du procès Aldo Moro - du nom du leader du parti de la Démocratie chrétienne enlevé, détenu pendant 55 jours puis exécuté en 1978. Les Brigades rouges, groupe d’extrême gauche né au début des années 1970, sont responsables de la mort de plus de 400 personnes, et ont perpétré pas loin de 15 000 attentats dans les années 1970 et 1980. |
A écouter
Fille de Marina Petrella
« Cette bataille ne s'arrête pas là. Il faut oeuvrer pour que cette procédure d'extradition prenne un terme, et que ma mère puisse reprendre sa vie française. »
05/08/2008 par Mathieu Baratier
Avocate de Marina Pétrella
« C'est une initiative heureuse aujourd'hui. J'ai toute confiance et j'espère que nous irons, progressivement, vers un apaisement définitif dans ce dossier. »
05/08/2008 par Mathieu Baratier
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