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Mauritanie

La junte promet une élection présidentielle

Article publié le 06/08/2008 Dernière mise à jour le 07/08/2008 à 12:57 TU

Photo non datée du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Le chef d'état-major particulier du président et commandant de la garde présidentielle, que le président avait démis de ses fonctions dans la matinée de mercredi, est le nouvel homme fort de Nouakchott.(Photo : AFP)

Photo non datée du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Le chef d'état-major particulier du président et commandant de la garde présidentielle, que le président avait démis de ses fonctions dans la matinée de mercredi, est le nouvel homme fort de Nouakchott.
(Photo : AFP)

L’armée a repris le pouvoir mercredi en Mauritanie, moins d'un an et demi après l'élection d’un civil à la tête de l’Etat. Le président et le Premier ministre ont été arrêtés. Un « Conseil d'Etat » a été formé dans la foulée. Il est présidé par le général Ould Abdel Aziz, qui affirme dans une interview que l'état de droit sera préservé. Dans la nuit de mercredi à jeudi, dans un communiqué lu à la radio nationale la junte promet d'organiser une élection présidentielle « libre et transparente » dans « une période qui sera la plus courte possible ». L’Union européenne, l'Union africaine, l'ONU ainsi que les Etats-Unis et la France ont condamné ce coup d’Etat.

De notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière

Tout a commencé par un décret présidentiel, publié vers 8h (Temps universel) qui annonçait le limogeage de tous les dirigeants militaires importants du pays. Le chef d’état-major de l’armée, le chef d’Etat major particulier du président, le chef d’Etat major de la gendarmerie et le chef d’état-major de la garde nationale. Quelques minutes après la publication de ce décret, le président, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi a été arrêté à son domicile, dans l’enceinte du palais présidentiel. Selon sa fille, Amal, qui a très tôt alerté les médias, c’est son agent de sécurité le plus proche qui est venu, lui demandant de coopérer pour ne pas avoir à l’emmener de force.

« Nous sommes barricadés dans notre maison, avec des sentinelles dans la cuisine et dans les salles de bain, expliquait-elle tôt ce matin à RFI. Nous sommes séquestrés et des portables ont été confisqués. C'est un coup d'Etat en bonne et due forme ». Plusieurs sources font également rapidement état de l’arrestation du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur, par des membres de la garde présidentielle, sans que l’entourage de ses deux ministres ne soit en mesure de confirmer. « Ils sont tous les trois chez le directeur du BASEP, le Bataillon chargé de la sécurité présidentielle », affirmait de son côté un journaliste.

A 11h30 (TU), un premier communiqué émanant des militaires est lu à la télévision par deux ministres du gouvernement, le ministre du Tourisme et le ministre de la Culture. Ils ont indiqué la création d’un « Conseil d’Etat » présidé par le général Ould Abdelaziz, chef du BASEP. « Le Conseil a décidé de rendre nul et non avenu le décret de limogeage pris tôt ce matin par l'ex-président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi », indique encore le communiqué. La situation apparaît donc plus claire, il s’agit bien d’un coup d’Etat militaire.

Une crise larvée depuis plusieurs mois

Le président mauritanien, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, renversé le 6 août 2008.(Photo : Reuters)

Le président mauritanien, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, renversé le 6 août 2008.
(Photo : Reuters)

Pour beaucoup de Mauritaniens, ce dénouement était attendu. « Le président avait accumulé une série de mauvais choix politiques tout au long de l’année, estime un politologue qui requiert l’anonymat. Ce matin, il a joué son va-tout en limogeant les militaires et il a perdu le bras de fer ! »

Mauvaise appréhension de la menace islamiste, faiblesse de la réponse sécuritaire après les attentats d’Aleg et de Nouakchott, plusieurs éléments sont avancés par les détracteurs du président pour expliquer sa chute. « Il a aussi fait revenir les caciques de l’ancien système au pouvoir et bloqué le fonctionnement légal des institutions, avance un sénateur. Les militaires ne pouvaient rester indifférents à tout cela ! »

En crise ouverte depuis deux mois avec sa majorité présidentielle, le chef de l’Etat avait perdu lundi dernier la plupart de ses soutiens politiques au Parlement. Plus de 50 parlementaires, Sénat et Assemblée nationale confondus, ayant en effet ouvertement quitté son parti, (Pacte National pour la démocratie et le développement, PNDD-ADIL). En cause, officiellement, son refus de convoquer une cession parlementaire. Il faut savoir que les députés avaient inscrit à l’ordre du jour la constitution d’une commission d’enquête, visant à faire la lumière sur la gestion de la fondation caritative de Khattou mint Boukary, l’épouse du président.

Pour un député, cette issue est heureuse car « elle laisse supposer la formation d'un nouveau gouvernement, composé de personnalités du changement ». Pour cet élu, le Parlement ne devrait pas être menacé par le nouveau régime militaire, qui pourrait être désireux de maintenir les apparences républicaines.

Résistances au coup d’Etat

Autre son de cloche du côté des hommes politiques loyalistes, tout comme de l’opposition. Boydiel ould Houmeid, ministre secrétaire général de la présidence et vice-président du parti ADIL, s’insurge : « Les militaires sont venus ce midi nous déloger du siège du parti présidentiel à coup de matraques ». Pour lui, on assiste aujourd’hui à un coup d’Etat anticonstitutionnel puisque Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi a été élu légalement par le peuple mauritanien l’an passé.

Une patrouille de soldats devant le bâtiment de Radio Mauritanie, après l'arrestation du président mauritanien, à Nouakchott, le 6 août 2008.(Photo : AFP)

Une patrouille de soldats devant le bâtiment de Radio Mauritanie, après l'arrestation du président mauritanien, à Nouakchott, le 6 août 2008.
(Photo : AFP)

Les partisans du président renversé, qui ont tenté de lui manifester son soutien à la mi-journée dans les rues du centre ville, ont reçu en échange des jets de grenades lacrymogènes de la part des forces de l’ordre. « Moi, je ne souhaite pas une guerre civile, car notre pays est trop faible pour supporter cela ! Mais malheureusement, il faut reconnaître que c’est ce genre d’événement qui engendre généralement des manifestations de violences », ajoute encore Boydiel ould Houmeid.

Leader du parti islamiste modéré Tawassoul, Jemil Mansour, rejette lui aussi le principe d’un coup d’Etat militaire dirigé contre un président élu. « Nous demandons aux militaires de respecter l’unité et la stabilité de la Mauritanie et d’essayer de faire revenir les institutions démocratiquement élues au premier rang desquels le président de la République ».  Même tendance à l’UFP, l’Union des Forces de Progrès. « Nous condamnons cette fuite en avant des militaires, affirme le président de ce parti qui bien que longtemps dans l’opposition a toujours affirmé soutient à l’institution présidentielle. Nous pensons que ce coup de force ne sera pas accepté par les Mauritaniens, ni par la communauté internationale ».

Mohamed Ould Maouloud

Candidat de l’UFP à la présidentielle de mars 2007

« Ils viennent de faire un coup d'Etat contre la stabilité de la Mauritanie, la démocratie et l'espoir de justice. »

écouter 00 min 58 sec

06/08/2008 par Hélène Naah

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