Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Malaisie

L’opposant Anwar Ibrahim réélu au Parlement

Article publié le 26/08/2008 Dernière mise à jour le 26/08/2008 à 16:12 TU

Après dix ans d'absence, dont six en prison pour un crime dont il a été blanchi, Anwar Ibrahim a retrouvé son siège au Parlement malaisien. Selon des résultats officiels, il a remporté 27 977 suffrages contre 13 426 à son adversaire de la coalition au pouvoir. Son but déclaré est désormais de mener la charge des trois partis d'opposition pour renverser la coalition qui dirige le pays.

L'opposant malaisien Anwar Ibrahim a remporté ce mardi une élection législative partielle cruciale, le 26 août 2008.( Photo : Reuters )

L'opposant malaisien Anwar Ibrahim a remporté ce mardi une élection législative partielle cruciale, le 26 août 2008.
( Photo : Reuters )

De notre correspondante à Jakarta, Solenn Honorine

Il avait beau n'y avoir qu'un seul siège en jeu, qui ne pouvait pas changer l'équilibre des pouvoirs au Parlement national, la Malaisie s'est passionnée pour cette élection. Ce mardi, jour du scrutin, le site d'information en ligne Malaysiakini, le seul organe d'information indépendant qui donnait les résultats en direct, était tellement saturé par les connections d'internautes qu'il ne pouvait montrer qu'une plateforme réduite au minimum. Il faut dire que les enjeux de cette élection allaient bien au-delà du remplacement d'un député : c'était le retour officiel sur la scène politique de l'ancien enfant chéri du Barisan National, la coalition au pouvoir, alors que son but affiché est, désormais, de la renverser.

Sa victoire était quasiment assurée : la circonscription était son bastion depuis son heure de gloire, dans les années 1990, lorsqu'il était le vice-Premier ministre et tout le monde s'attendait, un jour, à voir remplacer le Dr Mahatir à la tête du pays. Depuis sa disgrâce et sa période d'emprisonnement, en 1998, c'était sa femme Azizah qui assumait le rôle de députée ; elle avait démissionné dès que son mari avait recouvré son éligibilité et pouvait se représenter. L'enjeu, pour son camp, c'était sa marge de victoire : il lui fallait dépasser le score d'Azizah. C'est chose faite, et largement, ce qui lui assure un retour triomphal au Parlement national.

L'intérêt national pour cette élection était d'autant plus grand qu'elle constitue un nouvel épisode du feuilleton qui passionne le pays grâce à sa formule à succès : vengeance, pouvoir, et sexe. Anwar Ibrahim est sous le coup d'une enquête pour sodomie envers un de ses anciens assistants – un crime qui peut entrainer jusqu'à 20 ans de prison. En 1998, Anwar avait été incarcéré pendant six ans pour avoir sodomisé son chauffeur… crime pour lequel il a déjà été blanchi en 2004. A l'époque, Anwar clamait son innocence et dénonçait une machination dont le but était de l'écarter du pouvoir. Aujourd'hui, alors que les attaques du passé se répètent, les défenses restent les mêmes : le camp d'Anwar assure qu'il ne s'agit que de manœuvres politiques pour détruire sa carrière ; et ce sentiment est partagé par six électeurs sur dix, selon un récent sondage. D'ailleurs les attaques semblent ne pas avoir eu d'incidence sur les résultats du vote.

Enjeux importants

La circonscription de Permatang Pauh, d'habitude assoupie, s'est réveillée ce mardi matin sous une forte présence policière et avec la mobilisation des partisans d'Anwar qui scandaient : « Reformasi ! Reformasi ! » (réforme). La coalition gouvernementale n'y est pas allée de main morte pour soutenir le challenger : ministres et personnalités en vue ont été envoyées dans la circonscription pour rameuter les troupes – jusqu'à Lee Chong Wei, médaillé d'argent de badminton aux JO de Pékin et, comme son nom l'indique, d'origine ethnique chinoise.

Car l'enjeu racial, qui reste très prégnant dans la vie politique malaisienne, a été fortement mis en avant lors de la campagne. Le Barisan national a d'ailleurs joué la carte du nationalisme malais durant la campagne, en accusant par exemple Anwar de sympathie envers Israël, Etat qui n'est pas reconnu par la Malaisie, pour détourner les Malais musulmans du candidat de l'opposition.

En mars dernier, la coalition politique au pouvoir, le Barisan national, a reçu une gifle sans précédent depuis 1969. L'opposition avait arraché plus de 30% des sièges au Parlement (contre moins de 10% auparavant) ainsi que la direction de 5 des 13 Etats fédérés, dont celui de Penang, où se trouve la circonscription de Permatang Pauh. Au cœur du mécontentement populaire qui nourrit les progrès de l'opposition : la flambée des prix, mais aussi la question raciale – particulièrement parmi les minorités ethniques chinoises et indiennes qui forment 40% de la population et souffrent des mesures de discrimination positive envers la majorité malaise mises en place depuis 40 ans. L'opposition politique, le parti d'Anwar en tête, promet de raboter les privilèges accordés aux Malais musulmans.

Mais la large victoire d'Anwar, plus de 70% des votes, dans cette circonscription majoritairement malaise est un signe fort de la volonté de changement politique en Malaisie. A présent, le but avoué d'Anwar, qui, grâce à son succès dans les urnes, peut prétendre au titre de chef de l'opposition, est de gagner une motion de censure contre le gouvernement qui devrait être présentée au Parlement le mois prochain. Mais il lui faut pour cela séduire 30 élus du Barisan national pour qu'ils alignent leur vote avec ceux de l'opposition. S'il y parvient, il mettrait fin à une domination politique de 50 ans sur le pays, dans laquelle lui-même a joué, historiquement, un rôle de premier plan.