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Mexique

Marche contre l’insécurité

Article publié le 31/08/2008 Dernière mise à jour le 31/08/2008 à 13:48 TU

Pour la 3e fois en onze ans, les Mexicains sont descendus dans la rue en masse pour dire au gouvernement « Ya Basta » ( Ça Suffit ! ). En 11 ans, les bonnes promesses des autorités n’ont pas porté leurs fruits et l’escalade de la violence enregistrée ces derniers mois ne laisse pas présager un tournant décisif.

De notre correspondant à Mexico, Patrice Gouy

Place de l'Ange de l'Independance, point de départ de la Marche blanche à Mexico, le 30 août 2008.(Photo : P. Gouy/RFI)

Place de l'Ange de l'Independance, point de départ de la Marche blanche à Mexico, le 30 août 2008.
(Photo : P. Gouy/RFI)

« Nous marchons aujourd’hui pour Fernando Marti, pour Silvia Vargas, pour Alberto, Juan, Maria, Luis  et pour toutes les victimes de la délinquance, quelque soit notre origine sociale ou politique. Comme vous pouvez le voir, ceux qui défilent aujourd’hui, ce sont les Mexicains », déclare Araceli, venue des beaux quartiers et qui n’avait jamais manifesté de sa vie. Une bougie à la main pour illuminer Mexico, des centaines de milliers de personnes se sont regroupées à l’Ange de l’Indépendance, sur le Paseo de la Reforma pour une marche vers le Zocalo, la Place de la Constitution. Manifestation silencieuse en mémoire des disparues.

La foule était telle qu’il n’était pratiquement pas possible d’avancer, tout le parcours de la marche était plein. L’ambiance était bonne enfant mais les slogans étaient très durs pour les autorités. Sur des pancartes, les noms des milliers de victimes. Les manifestants retrouvaient une solidarité que certains appellent fraternité. « Je suis très touché de voir que de nombreuses mères de famille sont descendues dans la rue, comme moi, car nous avons tous peur pour nos enfants quand ils sortent dans la ville, déclare Clara, la cinquantaine, encadrée par son fils et sa fille. J’ai peur que l’un des deux ne soit la prochaine victime. Nos enfants ne méritent pas de vivre dans un pays aussi terrible ! ».

Sous un ciel menaçant, des centaines de milliers de Mexicains sont descendus dans la rue pour exiger de mesures pour lutter contre l'insécurité.(Photo : P. Gouy/RFI)

Sous un ciel menaçant, des centaines de milliers de Mexicains sont descendus dans la rue pour exiger de mesures pour lutter contre l'insécurité.
(Photo : P. Gouy/RFI)



Une police corrompue

Certains étaient là poussés par la peur, d’autres par la hargne qu’ils ont contre les hommes politiques, contre le gouvernement, contre la police et les juges qui ont laissé faire. « Regardez, dit Elena juriste, habillée tout en blanc pour marquer sa non appartenance à un parti politique, il existe à peu près 360 000 policiers dans le pays. 3 % ont une licence ou un diplôme supérieur, leur niveau de formation est donc très bas et leur capacité à enquêter quasiment nulle. Ils sont très mal payés – entre 200 et 300 euros par mois - comment voulez-vous qu’ils ne soient pas corrompus et la police se garde bien d’avoir un système de contrôle interne ». Pour cette universitaire, condamner la violence est stérile si on ne l’accompagne pas de réformes structurelles.

De nombreuses photos d'enfants assassinés par les kidnappeurs.(Photo : P. Gouy/RFI)

De nombreuses photos d'enfants assassinés par les kidnappeurs.
(Photo : P. Gouy/RFI)

« Le Mexique est pourri jusqu’à la moelle, dit Francesca qui porte le portrait de son fils Luis assassiné il y a 3 ans,  parce que plus personne ne travaille : les gens gagnent de l’argent pour survivre  mais  plus personne n’est fier de sa profession. Pourquoi ? Parce que le Mexique est un pays assisté par l’argent du pétrole, par l’argent du blanchiment de la drogue, par les dollars qu’envoient les migrants et ceux des investisseurs étrangers. On a un gouvernement et des partis  moralement corrompus qui ne cherchent pas à développer le pays mais à permettre à quelques uns de maintenir leurs prébendes et celles de ceux qui sont au pouvoir depuis la révolution (de 1910) ».

Menaces de la société

Certaines personnes estiment même que si rien n’est fait d’ici 2010, date anniversaire du bicentenaire de l’indépendance et du centenaire de la Révolution mexicaine, il pourrait bien y avoir des troubles. Pour Francisco Solis, industriel dont le fils à été kidnappé et assassiné, il faut que les gens bougent et demandent des comptes au gouvernement : « Il ne faut pas craindre de lui dire ou tu fais quelque chose ou tu t’en vas. Si rien n’est fait d’ici 4 ans, on verra ce qui se passera aux élections. Les gens ne voudront plus des partis politiques. Peut-être qu’apparaîtra un homme fort, un leader qui puisse nous sortir de là. »

C’est la 4e grande marche à laquelle participent des centaines de milliers de Mexicains. Jusqu’alors les promesses du gouvernement et des députés n’ont pas été tenues.

Des milliers de bougies pour illuminer Mexico.(Photo : P. Gouy/RFI)

Des milliers de bougies pour illuminer Mexico.
(Photo : P. Gouy/RFI)

Cette fois-ci, le problème est tellement  aigu que le gouvernement ne pourra pas rester inactif. Cependant on ne voit pas comment il pourrait d’un coup de baguette magique et sans réformes structurelles éliminer la corruption endémique de la police et de la justice.

Cette manifestation, fortement médiatisée et retransmise sur les principales chaines de télévision, s’est terminée sur la place de la Constitution dans la nuit illuminée  par les petites lueurs de bougies. La foule a entonné l’hymne national. Alors, la pluie a commencé à tomber, dispersant la multitude.