par RFI
Article publié le 03/09/2008 Dernière mise à jour le 04/09/2008 à 09:04 TU
L'opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparu depuis le 3 février après l'attaque rebelle sur Ndjamena, a été arrêté ce jour-là à son domicile par des militaires tchadiens, et serait « désormais décédé », selon le rapport de la commission d'enquête rendu public ce mercredi. C'est la première fois que l'hypothèse de sa mort est évoquée officiellement. Le fils de l’opposant a mis en cause directement le président tchadien Idriss Déby. Le gouvernement de Ndjamena souligne que ce rapport ne permet pas d’identifier les responsables de l’arrestation de l’opposant disparu.
Le rapport qui avait été remis le 5 août dernier au président Idriss Déby Itno attribue l’arrestation d’Ibni Oumar Mahamat Saleh à des éléments des « forces de défense de sécurité portant des uniformes avec taches de camouflage ». Le rapport conclut qu’« aucune information ou élément de preuve n'ont pu être obtenus sur le lieu ou les lieux de sa détention et les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée ».
Plusieurs pistes sont ainsi avancées. Les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les évènements survenus pendant l'attaque rebelle de février dernier apportent de nombreuses pistes sur la disparation de l'opposant Ibni Mahamat Oumar Saleh, mettant en cause les forces régulières dans cette disparation. Pas de preuves, mais un « faisceau de présomptions graves ». C'est en ces termes que le rapport de la commission d'enquête met en cause les autorités tchadiennes dans la disparition des opposants en février dernier et notamment d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, dont le possible décès est pour la première fois évoqué.
La commission d'enquête parle de constantes qui permettent de conclure, « au-delà de tout doute raisonnable », à l'implication de l'Armée nationale tchadienne (ANT) dans ces disparations, avec, tout de même, plusieurs éléments de preuves à l'appui. Premièrement, la certitude qu'un des opposants détenus, l'ancien président tchadien Lol Mahamat Choua, n'a pu être transféré de son premier lieu de détention jusqu'au Camp des Martyrs, qu'avec un équipage militaire dirigé par un gradé tchadien encore inconnu. Autre élément, selon le rapport, les arrestations des quatre opposants se seraient déroulées le dimanche 3 février, au moment même où les rebelles étaient déjà repliés et que les forces gouvernementales avaient repris le contrôle de Ndjamena.
Icham Ibni Oumar, le fils de l'opposant tchadien, a réagi, ce mercredi, à l'annonce du décès probable de son père et a accusé le président Déby d’en être le commanditaire.
Fils de l'opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh
« Si cette commission n'évoque pas la responsabilité d'Idriss Deby c'est qu'elle n'est pas allée très loin. [...] si mon père est mort, c'est Idriss Deby qui l'a abattu. »
Du côté gouvernemental, le ministre de la Communication, Mahamat Hissène, a affirmé que le rapport ne donne pas trop d’informations concernant l’identité des militaires qui ont arrêté l’opposant Ibni Oumar Saleh, tout en reconnaissant qu’il y a pu avoir des excès de la part de l’armée gouvernementale et une rupture de la chaîne de commandement lors des attaques rebelles.
Ministre tchadien de la Communication
« Le rapport de la commision accuse des militaires mais aucun élément ne permet d'identifier ces militaires. »
Pour la Coordination des partis pour la défense de la Constitution (CPDC), dont Ibni Oumar Mahamat Saleh était le porte-parole, le rapport a été amputé des informations les compromettantes pour le pouvoir. C'est ce qui expliquerait, toujours selon la CPDC, le retard entre la remise du rapport au président et sa publication. Le gouvernement tchadien, lui, a une toute autre explication à ce délai d'un mois : un problème de traduction en français et de photocopies. Pour la CPDC, le rapport de la commission d'enquête est un « moyen d'endormir la communauté internationale ».
L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l'Union européenne (UE) regrettent que « la manifestation de la vérité » n'ait pu être établie sur « le cas emblématique de la disparition de l'opposant politique Ibni Oumar Mahamat Saleh, en dépit du travail rigoureux et minutieux qui a été mené ». Un communiqué conjoint des observateurs internationaux de l’OIF et de l’UE au sein de cette commission, estime que « les travaux de la commission d’enquête ne doivent constituer qu’une première étape de cette recherche de la vérité et de la justice » et appellent « les autorités tchadiennes à engager de nouveaux efforts dans ce sens ».
Cette commission d'enquête avait été mise en place à la demande du président français Nicolas Sarkozy, lors de sa visite éclair à Ndjamena le 27 février. Ibni Oumar Mahamat Saleh avait été arrêté dans des conditions similaires à celles de deux autres figures de l'opposition tchadienne : l’ancien président Lol Mahamat Choua et le député fédéraliste Ngarlejy Yorongar. Ceux-ci ont recouvré la liberté quelques semaines plus tard dans des conditions controversées.
A écouter :
Avocat d'Ibni Mahamat Saleh
« Je crois que le rapport n'apporte aucun élément nouveau. Il répète cette évidence qui est connue de tous les Tchadiens qu'Ibni a été arrêté par les forces tchadiennes. »
04/09/2008 par Marie-Pierre Olphand
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