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Arménie / Turquie

Match diplomatique : Turquie et Arménie ex aequo

Article publié le 07/09/2008 Dernière mise à jour le 07/09/2008 à 08:48 TU

La politique était bien au menu de ce match à haut risque entre l’Arménie et la Turquie. Un match comptant pour la qualification au Mondial 2010. L’équipe turque l’a emporté 2 à 0 sur l'Arménie. Mais la rencontre a surtout été l'occasion d'une première prise de contact entre deux états, sans relations diplomatiques, mais ouverts à la reprise d'un dialogue. Le président Abdullah Gül a invité son homologue arménien, Serge Sarkissian, à assister en octobre 2009 au match retour en Turquie.


Avant et pendant le match, les suporters arméniens se sont ralliés pour protester contre la venue du président Turc Abdullah Gul, à Erevan, le 6 septembre 2008.(Photo: Reuters)

Avant et pendant le match, les suporters arméniens se sont ralliés pour protester contre la venue du président Turc Abdullah Gul, à Erevan, le 6 septembre 2008.
(Photo: Reuters)

Avec notre correspondante à Erevan, Laurence Ritter

Drapeau arménien sur les épaules, Goriun parle sans hésitation. Pour lui, les choses sont claires : « Sur un plan politique, disons que c’est un premier pas… mais n’oublions pas notre grande douleur, n’oublions pas non plus que finalement, le premier pas vient de nous ». A la recherche de leurs places, des supporters turcs égarés expliquent que pour eux, seule compte l’amitié entre les deux pays.

Tigran, la quarantaine, se cantonne à quelques mots convenus : il n’est là que pour le football. L’hymne arménien est chanté par tous les supporters du stade - mais les tribunes sont loin d'être toutes occupées. Le moindre mouvement d’un joueur arménien vers le camp turc est encouragé par des hurlements. Mais rien n’y fait. La Turquie, au cours de la deuxième mi-temps, marque deux buts. Zéro pour l'Arménie.

Reconnaissance, réparation, restitution

Lors du coup d’envoi à 21 heures, les bannières, pourtant interdites, ont bien été dépliées, chacune faisant directement référence au génocide. « Réparation » sur l’une, « Reconnaissance » sur l’autre et « Restitution » sur une troisième : le tryptique de ce que souhaient les Arméniens.

Le génocide est là, bien présent, au milieu des gradins. Personne n’attendait vraiment qu’Abdullah Gül aille s’agenouiller au mémorial du génocide, qui, ironie de l'histoire, domine le stade. Pas plus qu’on ne pronostiquait de déclarations fracassantes du coté arménien sur une solution au Karabagh.

Le football comme prétexte

Entre les deux pays, le chemin à accomplir reste très long. Pour Varoujan, un Arménien du Liban qui vit entre la France et l’Arménie, « ce match est une sorte de geste de bonne volonté. Le football est devenu un prétexte, et tout ce qu’on peut dire, c’est que le président Sarkissian a eu le courage de lancer cette invitation au président Gül pour assister à la rencontre, et que le président Gül a eu le courage de l’accepter ». Un de ses collègues, lui aussi du Liban, est beaucoup plus nuancé : pour lui, à travers cette visite, c’est plus la Turquie que l’Arménie qui a marqué un point diplomatique.

Coté ministère des Affaires étrangères arménien, un officiel estime, en apparté, que cette rencontre « ouvre la possibilité de dialoguer sur la possibilité d'ouvrir des relations diplomatiques entre les deux pays ». Elles sont, aujourd'hui, inexistantes.

La discorde : Le Karabagh, le génocide

Plus concrètement, derrière la ferveur patriotique, une idée fixe revient: celle de l'ouverture de la frontière commune. Voulue par beaucoup, coté arménien comme turc, décriée par d'autres - certains estiment que les Arméniens ne seraient « pas économiquement prêts ».

Coté turc, on objecte le non règlement du conflit du Karabagh entre l'Arménie et l'Azerbaidjan, dans lequel Ankara soutient Bakou. Cette question là semble la plus urgente. La plus lourde est celle de la mémoire arménienne face au génocide.

Les modalités d'un rapprochement diplomatique entre les deux pays restent inconnues, tant dans ses modalités politiques qu’au niveau des relations entre des populations qui n’ont plus aucun lien depuis bientôt cent ans.

Un stade loin d’être comble

Si l’on s’avisait de sortir, à la mi-temps, du stade Hrzadan, rénové et pouvant accueillir 52 000 spectateurs, on pouvait voir, tassés contre les grilles ou perchés sur une petite colline qui surplombe le stade, des centaines de jeunes, tentant malgré tout de suivre le match en direct plutôt que devant la télévision. Raison possible : le prix des places. De 3 000 à 10 000 Drams (près de 6 euros à 21 euros). Un tarif élevé dans un pays qui reste pauvre.

Par ailleurs, de service de sécurité était drastique : axes menant au stade bouclés dès 19h30, accès possible uniquement aux piétons, fouille à l’entrée des grilles principales, nouvelle fouille au moment d’accéder aux tribunes, confiscation de tout projectile potentiel, à commencer par les bouteilles d’eau en plastique.

Le mot d’ordre était clair coté arménien : éviter tout risque de dérapage, au-delà des huées, et toute provocation pour ce match à haute teneur diplomatico-sportive.

 

Bilan du match Arménie - Turquie

« Au moment du coup d'envoi et bien qu'elles aient été théoriquement interdites les banderoles ont été dépliées sur le stade ; chaque mentions visant à rappeler le génocide arménien toujours nié par la Turquie.»

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07/09/2008 par Laurence Ritter