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Arménie/Turquie

La diplomatie du foot

par Pierre Pinto

Article publié le 04/09/2008 Dernière mise à jour le 06/09/2008 à 11:40 TU

La rencontre Arménie-Turquie comptant pour les éliminatoires du Mondial 2010 aura lieu samedi à Erevan.(Photo : Montage RFI)

La rencontre Arménie-Turquie comptant pour les éliminatoires du Mondial 2010 aura lieu samedi à Erevan.
(Photo : Montage RFI)

C’est un premier pas symbolique. Samedi, dans les tribunes d’un stade d’Erevan, le président turc Abdullah Gül assistera à un match aux côtés de son homologue arménien Serge Sarkissian. Ce match de football, Arménie-Turquie, compte pour les qualifications pour le Mondial de 2010. C’est la première fois depuis l’indépendance de l’Arménie qu’un chef de l’Etat turc se rend à Erevan. Les deux dirigeants se déclarent désormais prêts à ce que leurs deux pays renouent des liens diplomatiques… mais il faudra surmonter une histoire commune difficile.

« La diplomatie du foot rappelle la diplomatie du ping-pong en 1972 entre les Etats-Unis et la Chine. » C’est ce que note le quotidien turc Radikal. La presse turque a salué ce jeudi comme « historique » la visite du président Abdullah Gül en Arménie samedi, la première d’un chef d’Etat turc dans la petite république du Caucase depuis son indépendance en 1991.

A l’invitation de son homologue arménien Serge Sarkissian, le président Gül se rend à Erevan pour assister au match de football Arménie-Turquie, qualificatif pour le Mondial 2010. « Une visite effectuée dans le cadre de ce match est considérée comme susceptible de créer un nouveau climat d’amitié dans la région. C’est donc dans cette optique que notre président a accepté l’invitation » souligne la présidence dans son communiqué.

Silence diplomatique

Accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, Abdullah Gül ne passera que quelques heures dans la capitale arménienne, mais sa présence revêtira une haute valeur symbolique. Elle devrait permettre de mettre un terme à plus de 15 ans de silence diplomatique.

Depuis quelques mois déjà, les signes de rapprochement entre la Turquie et l’Arménie se sont multipliés. En février, lors de son accession, émaillée de manifestations, à la présidence arménienne, Serge Sarkissian reçoit un message de félicitation de son homologue turc qui évoque la possibilité de normaliser les relations entre leurs deux pays.

En mai et en juillet, des contacts secrets ont lieu entre diplomates turcs et arméniens à Berne en Suisse. Puis le 23 juillet, Abdullah Gül se rend symboliquement sur le site d’Ani, qui abrite les ruines de la capitale de l’ancien royaume arménien, datant du XIe siècle, dans l’est de l’Anatolie. La machine est en marche.

Parmi les signes encourageants intervenus à la veille de la visite du président turc en Arménie, il y a l’accueil fait par le chef de l’Etat arménien Serge Sarkissian à une proposition turque pour apaiser les tensions dans cette région du Caucase.

Dans le contexte de crise russo-géorgienne, Ankara a appelé à la création d’un forum pour encourager la coopération dans le Caucase… Un forum qui inclurait les pays de la région et la Russie.

Pommes de discorde

Plusieurs pierres d’achoppement empêchent toutefois la normalisation des relations entre Ankara et Erevan. En premier lieu, les divergences sur le caractère génocidaire des massacres d’Arméniens commis entre 1915 et 1917. Pour les Arméniens, l’empire Ottoman est directement responsable des tueries qui ont fait un million et demi de morts, et qui sont précisément un génocide ; position d’ailleurs adoptée par plusieurs pays.

La Turquie, de son côté rejette catégoriquement ce qualificatif et considère que 250 000 à 500 000 Arméniens et au moins autant de Turcs, ont été tués dans des combats lorsque les Arméniens ont pris les armes pour créer leur Etat indépendant.

Autre contentieux : Ankara a fermé sa frontière avec l’Arménie en 1993. Mesure de rétorsion prise pour soutenir l’Azerbaïdjan turcophone dans son conflit avec l’Arménie au sujet de l’enclave du Nagorny-Karabakh. En 1991, cette région montagneuse peuplée de 150 000 habitants, essentiellement arméniens, mais située en territoire azerbaïdjanais, proclame son indépendance à la suite d’un conflit armé impliquant les troupes d’Erevan. Une guerre qui fait 30 000 morts et provoque l’exode de près d’un million de personnes.

Une classe politique critique

Dans la classe politique turque, l’annonce de la visite présidentielle à Erevan suscite les critiques de l’opposition. La principale formation d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP) estime que ce déplacement n’a pas lieu d’être. « L’Arménie ne reconnaît pas les frontières turques et accuse la Turquie d’avoir perpétré un génocide » a souligné un responsable du parti Mustafa Özyürek.

Pour le vice-président du parti nationaliste MHP, Tunca Toskay, «cette visite est totalement injustifiée alors que le peuple est injustement accusé de manière mensongère d’avoir commis un génocide et que l’Arménie ne montre aucun signe de renoncer à sa politique à cet égard. »

De son côté, le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, a semblé prendre ses distances avec la visite annonçant qu’aucun député de ses députés n‘accompagnerait le président.

Quant au Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, il a qualifié la décision de « positive ». Le chef du gouvernement a par ailleurs rejeté les spéculations selon lesquelles le voyage à Erevan d’Abdullah Gül vexerait l’Azerbaïdjan. « J’avais évoqué le sujet avec mon frère [le président azerbaïdjanais] Ilham Aliev » a souligné le Premier ministre turc sans donner davantage de précisions.

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