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Egypte

Eboulement de terrain au Caire : après le drame, les questions

par Nicolas Falez

Article publié le 08/09/2008 Dernière mise à jour le 08/09/2008 à 17:46 TU

Des policiers se tiennent prêts à intervenir après les ravages de l'éboulement.(Photo: Reuters)

Des policiers se tiennent prêts à intervenir après les ravages de l'éboulement.
(Photo: Reuters)

Quelles sont les causes de l’éboulement qui a fait des dizaines de victimes dans un quartier défavorisé du Caire, Manchyiet Nasser ? Le drame pouvait-il être évité ? Une cinquantaine de morts et des dizaines de blessés. C’est le bilan officiel de l’éboulement qui a enseveli une partie du quartier de Manchyiet Nasser, dans le secteur de Doueika, dans l’est de la capitale égyptienne. Ce n’est pas la première fois qu’un quartier pauvre de ce secteur connaît une telle catastrophe.

La fragilité du terrain

C’est une chute de blocs de pierre – parfois énormes – qui a partiellement enseveli le quartier de Manchiyet Nasser, samedi matin. Les énormes rochers se sont détachés d’une falaise de la colline du Moqattam écrasant une trentaine d’habitations en contrebas. Culminant à 200 mètres au dessus du niveau moyen du Caire, la colline est un relief calcaire très sensible à l’eau. Selon le géologue égyptien Tarek Hafez, interrogé par RFI, ce sont les eaux usées du quartier construit au dessus de la colline qui ont provoqué la désagrégation de la roche : « les gens n’ont pas d’égouts mais un système de tranchées assez primitif », explique Tarek Hafez. Ce sont donc ces infiltrations, liées à l’urbanisation de la zone qui seraient à l’origine de la catastrophe.

Tarek Hafez, géologue

« Les couches sédimentaires se gonflent au contact de l'eau et rétrecissent quand elles sèchent...»

écouter 00 min 39 sec

08/09/2008 par Alexandre Buccianti


Pourquoi le quartier a-t-il été construit à cet endroit ?

Le quartier en partie détruit par l’effondrement est un des nombreux « quartiers-champignon » du Caire (environ 17 millions d’habitants). L’urbaniste Jean-Luc Arnaud (Maison Méditerranéenne des sciences de l’homme) rejette catégoriquement  l’appellation de « bidonville » parfois utilisée pour décrire le secteur touché par l’éboulement : « ce sont des maisons en dur, plutôt pas mal construites… mais construites illégalement, en l’occurrence sur des terres appartenant à l’Etat ». Ce sont des familles pauvres qui s’installent sur ce genre de sites, sans permis de construire et en dépit des risques inhérents à la nature du sol et du relief. Interrogé sur RFI, l’urbaniste Jean-Luc Arnaud se souvient « Il y a 20 ans au Caire, je prenais des photos de ce quartier en me disant : un jour, ça va tomber ! »

Jean-Luc Arnaud, urbaniste

« On a une extrême densité dans ces quartiers, 35 petits immeubles au Caire, ce n'est pas rien en terme de population...»

écouter 3 min 14 sec

08/09/2008 par Frédérique Misslin


Une femme constate l'ampleur des dégâts de sa maison en ruines.(Photo: Reuters)

Une femme constate l'ampleur des dégâts de sa maison en ruines.
(Photo: Reuters)


La réponse des autorités a-t-elle été à la hauteur ?

En 1993, plusieurs milliers de tonnes de roche s’étaient déjà détachés de la colline de Moqattam, écrasant des habitations et tuant une cinquantaine de personnes. C’est donc un scénario connu qui vient de se répéter, à l’identique. « Je ne suis pas surprise » admet Laila Skandar, qui travaille auprès des ONG dans plusieurs quartiers défavorisés du Caire, « les habitants  savaient  eux-aussi, poursuit-elle, mais ils n’avaient aucun autre endroit où aller ».

Layla Skandar

« On envoie déjà de l'eau, de la nourriture et on commence à chercher des matelas, des couvertures et des tentes, beaucoup de gens aident. »

écouter 01 min 01 sec

08/09/2008 par Nicolas Falez


Samedi, dès l’effondrement des blocs rocheux, les opérations de déblaiement ont commencé dans la confusion. La physionomie des lieux et la taille des roches éboulées n’a pas facilité l’arrivée des engins mécaniques sur le site. Correspondant de RFI au Caire, Alexandre Buccianti raconte, plus de 48 heures après le drame : « les engins mécaniques sont enfin entrés dans le quartier de Doueika. Mais ce ne sont que des pelleteuses de taille moyenne qui doivent faire de la place aux grues géantes de l’armée ». Rapidement, l’ambiance est devenue électrique dans le quartier, les policiers ont fait face à la colère de certains habitants. Des pierres ont été jetées sur les forces de l’ordre.

Des soldats égyptiens courent aux côtés d'un des nombreux bulldozers.(Photo: Reuters)

Des soldats égyptiens courent aux côtés d'un des nombreux bulldozers.
(Photo: Reuters)

Si les autorités égyptiennes n’ont pas su interdire la construction de ce quartier dans une zone à risque, elles tentent à présent de reloger les survivants dont l’habitation a été détruite. Une soixantaine de tentes ont ainsi été dressées dans un jardin public proche du quartier dévasté. Une solution déjà rejetée par certaines familles qui demandent un nouveau logement.  Le président Hosni Moubarak a ordonné l'ouverture de centres d'hébergement pour les familles sinistrées et le versement d'indemnisations. De son côté, le Premier ministre Ahmed Nazif a annoncé que le gouvernement allait inspecter toutes les zones d'urbanisation sauvage que compte le pays.

La presse réagit

Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti

La presse égyptienne est partagée. Les journaux d’opposition tirent à boulets rouges sur la gestion de la catastrophe. Al-Wafd critique  « la lenteur des secours », tandis qu’Al-Doustour parle de « farce ». Al-Akhbar quant à lui demande : « le limogeage du Premier ministre et le jugement du gouverneur du Caire et du ministre de l’Habitat ». Al-Badil rapporte « des accrochages entre les habitants et les forces de l’ordre » et indique que « les opérations de secours dureront au moins dix jours ». Du côté de la presse officielle, on souligne par contre « les efforts du gouvernement ». Al-Akhbar indique que « 110 familles sinistrées ont été relogées, dans le camp installé, dans le jardin voisin d’Al-Fustat ». Al-Ahram précise que    « l’armée qui a dressé les tentes s’est aussi occupée de nourrir et de soigner les sinistrés ». Le journal souligne aussi que « le gouvernement a débloqué l’équivalent de 650 euros pour chaque famille de victimes ». Ghouzal Youssef indique enfin que « 93 familles vivant sur les bords du Moqattam ont été déménagées vers des camps en attendant leur relogement ».

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