par Frédérique Misslin
Article publié le 27/10/2008 Dernière mise à jour le 27/10/2008 à 19:06 TU
L’instabilité du système politique israélien se confirme. Des élections générales devraient être convoquées en février prochain puisque Tzipi Livni n’a pas réussi à mettre sur pied une coalition qui lui permette de diriger le pays. L’Etat hébreu entre en campagne électorale dans un contexte de crise économique mondiale, l’annonce d’un scrutin législatif anticipé signe également la fin du processus de dialogue entamé avec les palestiniens il y a un an, à Annapolis.
Tzipi Livni, chef du parti israélien Kadima (d), le Premier ministre israélien Ehud Olmert (g), le ministre de la Défense israélien Ehud Barak (d) et le chef du parti israélien des retraités Rafi Eitan, lors de la session d’hiver de la Knesset, à Jérusalem, le 27 octobre 2008.
(Photo : Reuters)
« Je n’ai pas peur des élections », Tzipi Livni a tiré la conclusion de plusieurs semaines de tractations stériles. La dirigeante du parti Kadima, désignée Premier ministre il y a un mois, avait pour mission de former un gouvernement d’union. Elle a échoué, un fait rarissime. Le dernier scénario de ce type avait eu lieu en 1990. A l’époque, c’est l’actuel président Shimon Peres qui, pour les travaillistes, n’avait pas réussi à rassembler autour de son programme. L’échec de Tzipi Livni met surtout en lumière la difficulté à gérer le système politique israélien, un système parlementaire reposant sur un vote à la proportionnelle quasi-absolue.
Cette configuration a permis au parti ultra-religieux Shas qui dispose de 12 sièges seulement au Parlement de jouer les arbitres et de faire monter les enchères. Le mouvement séfarade est habitué des marchandages, il réclamait en échange de sa participation au gouvernement un engagement écrit de Tzipi Livni à ne mener aucune négociation avec les Palestiniens sur la question de Jérusalem-Est (occupée et annexée par les Israéliens depuis 1967). Le Shas voulait également une forte augmentation des allocations familiales. Le parti avait déjà obtenu cette année 100 millions de dollars pour financer par exemple des écoles religieuses mais, quand il a exigé une augmentation de 30% soit 260 millions de dollars, Tzipi Livni a arrêté toute discussion. « Les négociations menaient à des exigences exorbitantes tant au niveau économique que politique. Il y a un prix que je ne suis pas disposée à payer », a martelée la dirigeante de Kadima.
Que va-t-il se passer maintenant ?
« Dans les prochains jours, Israël va entamer une campagne électorale cruciale », a déclaré le président Shimon Peres à l’ouverture de la session d’hiver de la Knesset, ce lundi. En pleine crise financière internationale et juste avant la présidentielle américaine, Israël entre donc dans une période d’incertitude politique. En attendant, c’est un gouvernement de transition qui assurera la gestion des affaires courantes, un gouvernement toujours dirigé par un Premier ministre soupçonné de corruption à savoir Ehud Olmert. Son cabinet ne sera pas à prendre des décisions cruciales pour l’avenir du pays et le Premier ministre aura sans doute du mal à faire adopter la loi de finances 2009.
Parallèlement, Kadima, en tant que parti majoritaire à la Knesset, va déposer un texte de loi suggérant l’autodissolution du Parlement. Officiellement, pendant une période de trois semaines, n’importe quel député peut tenter à son tour de former une coalition mais ce scénario semble plus qu’improbable. Qui pourrait réussir aujourd’hui à rassembler alors que Tzipi Livni a échoué et lorsqu’on sait que son principal rival Benjamin Netanyahu n’a pas de mandat parlementaire. Selon la législation israélienne, à moins que les députés ne parviennent à s’entendre dans les trois prochaines semaines sur une date de scrutin, le Parlement devra s’auto-dissoudre et les élections se tiendront 90 jours plus tard, c'est-à-dire probablement à la mi-février 2009.
La campagne a déjà démarré
Tzipi livni s’engage dans la course certes avec l’image de son échec mais elle espère transformer ce handicap en avantage puisqu’elle n’a rien cédé aux religieux. Difficile de dire si cette stratégie lui sera profitable. Les derniers sondages réalisés en Israël contredisent en effet les précédentes enquêtes d’opinion. Kadima pourrait ainsi décrocher 29 des 120 sièges de la Knesset contre 26 pour le Likoud de Benjamin Netanyahu. Ces chiffres témoignent de la popularité persistante de Tzipi Livni qui soigne son image de « femme de principes ». Elle reste la mieux placée pour barrer la route à Benjamin Netanyahu qui l’accuse de vouloir brader « la Judée Samarie » (les colonies de Cisjordanie) et de vouloir partager Jérusalem avec les Palestiniens en faisant le jeu des « gauchistes ».
En face donc, le Likoud est déjà entré en campagne soulignant que le parti a démontré son pragmatisme par le passé et affirmant qu’il va s’attacher à préserver les intérêts en matière de sécurité mais aussi à veiller sur « son héritage national ». Un discours ancré à droite et susceptible de séduire l’électorat des colons. Benjamin Netanyahu est convaincu de l’emporter, a promis un gouvernement d’union.
Quand aux travaillistes membres de la coalition sortante, ils apparaissent comme les grands perdants de cette valse politique. Ils affirment être les seuls à pouvoir apporter aux Israéliens la paix et la sécurité mais les sondages leur prédisent une chute vertigineuse. Le parti d’Ehud Barak passerait ainsi de 19 à 11 sièges au Parlement.
La fin d’Annapolis
Quelle que soit l’issue des prochaines élections israéliennes, l’instabilité du système politique israélien est chronique. Le Parlement compte 120 sièges et tout gouvernement doit avoir au moins 61 députés de son côté pour agir. Les coalitions peuvent être diverses. Le professeur Dan Ben David, qui enseigne l’économie à l’université de Tel Aviv, constate : « Alors qu’Israël est confronté à la menace iranienne et à la crise financière mondiale, les tractations de ces dernières semaines ont tourné autour de la défense d’intérêt sectoriels ». Pour Kadima, un échec aux prochaines élections signerait la fin de l’aventure pour ce tout jeune parti centriste qui rassemble d’anciens travaillistes et membres du Likoud. En février prochain, les cartes seront donc redistribuées : l’Etat hébreu aura un nouveau Premier ministre, les Américains un nouveau président… restent les Palestiniens. Pour la plupart des commentateurs, l’annonce d’élections anticipées en Israël signe surtout l’arrêt de mort du processus d’Annapolis qui avait été lancé par George Bush il y a un an.
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