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Kosovo

Tensions et confusion pour l’arrivée de la mission Eulex

Article publié le 08/12/2008 Dernière mise à jour le 09/12/2008 à 14:49 TU

C’est avec beaucoup de retard et dans un climat très tendu que la nouvelle mission Eulex va finalement se déployer au Kosovo. Cette mission européenne, qui s’inscrit dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense (PESD), a une vocation « technique », puisqu’elle doit appuyer les institutions du Kosovo dans les secteurs cruciaux de la police, de la justice et des douanes.

Manifestation contre le déploiement de la mission Eulex, à Pristina, la capitale du Kosovo, le 2 décembre 2008.(Photo : Reuters)

Manifestation contre le déploiement de la mission Eulex, à Pristina, la capitale du Kosovo, le 2 décembre 2008.
(Photo : Reuters)

 
De notre envoyé spécial à Pristina
, Jean-Arnault Dérens

Coup d'envoi pour la mission Eulex

« La nouvelle mission n’est pas accueillie dans l’enthousiasme, les Albanais considèrent que les conditions posées par Belgrade reviennent à remettre en cause l’indépendance du Kosovo le 17 février dernier ».

09/12/2008

La mission, qui comptera près de 1200 agents sur le terrain, aurait dû se déployer dès les lendemains de l’indépendance proclamée par le Kosovo le 17 février dernier, mais son déploiement a nécessité de longues négociations politiques. Il y a encore quelques semaines, l’UE envisageait la date du 2 décembre, qui a été repoussée d’une semaine. Pourtant, tous les cadres de la mission sont en place au Kosovo depuis de longs mois. Reste à savoir dans quelles conditions elle pourra fonctionner.

Dimanche soir, trois membres serbes de la police du Kosovo (KPS) étaient de faction au poste-frontière de Lesak, entre le nord du Kosovo – majoritairement serbe – et la Serbie. Goguenards, les trois hommes s’exclament « bienvenue dans l’État indépendant du Kosovo ! », sans même regarder les passeports des voyageurs.

Ce poste-frontière avait été incendié par des manifestants serbes hostiles à l’indépendance du Kosovo, au lendemain de la proclamation de celle-ci, le 17 février dernier. La mission Eulex devrait reprendre le contrôle de ces postes frontaliers, alors que le nord du Kosovo, du fait de l’absence de douanes, est devenu un paradis pour la contrebande, notamment celle des produits pétroliers. Les marchandises sont détaxées en sortant de Serbie, et ne paient aucun droit pour entrer au Kosovo : c’est à Mitrovica que l’on trouve l’essence la moins chère d’Europe.

La Serbie a donné son accord au déploiement d’Eulex, mais en fixant de strictes conditions politiques. Elle a insisté pour que la mission soit placée sous la tutelle des Nations unies, et surtout qu’elle reste « neutre » quant au statut du Kosovo. La Serbie a obtenu gain de cause sur ces points cruciaux devant le Conseil de sécurité des Nations unies, et a finalement donné son accord au déploiement d’Eulex, qui doit envoyer dès mardi près d’une centaine d’agents dans la zone serbe du nord du Kosovo.

Le plan négocié entre Belgrade et les Nations unies a bien sûr suscité l’ire des Albanais, qui craignent que la « neutralité » proclamée de la mission ne revienne à annuler la reconnaissance de l’indépendance.

Conflits de compétences

Sur le terrain, la situation est hautement paradoxale. Pressés par Belgrade, les dirigeants serbes du Kosovo ont finalement assuré qu’ils ne s’opposeront pas au déploiement d’Eulex, même s’ils répètent que celui-ci devra se faire « très progressivement ». Seuls les éléments les plus radicaux continuent de s’opposer à son déploiement, mais leurs capacités de mobilisation sont désormais limitées. Par contre, le mouvement Vetëvendosje (« Autodétermination ») appelle les Albanais à manifester contre la mission. Ces dernières semaines, plusieurs manifestations de ce mouvement ont déjà rassemblé des milliers de personnes à Pristina.

Les dirigeants de Pristina avaient rejeté le plan négocié par les Nations unies, mais ils n’entendent pas s’opposer au déploiement d’Eulex, reconnaissant la « nécessité » de cette mission. Le mouvement Vetëvendosja concentre donc ses critiques contre ces dirigeants qu’il accuse de « trahir » l’indépendance du Kosovo.

Victor Reuter

Porte-parole de la mission Eulex

« Je crois que les gens ont parfaitement compris que l'état de droit ouvrira des voies de prospérité et des voies d'amélioration de la vie quotidienne. »

08/12/2008 par Heike Schmidt

Eulex devra également trouver sa place dans le maquis des missions internationales au Kosovo. Son activité sera « coordonnée » par la Mission des Nations unies (MINUK), tandis que le statut du Bureau civil international (ICO), prévu par le plan Ahtisaari – rejeté par la Serbie – n’est toujours pas clarifié. Le plan de « reconfiguration » des missions internationales accepté par le Conseil de sécurité ne fait aucune mention du plan Ahtisaari ni du Bureau civil. Pourtant, le chef de ce Bureau, l’Autrichien Pieter Feith, porte aussi la casquette de Haut représentant de l’Union européenne. À ce titre, il est le supérieur du chef de la mission Eulex, le Français Yves de Kermabon.

Ces derniers jours, les dirigeants de ces missions ont d’ailleurs accumulé les déclarations contradictoires. Ainsi, le chef de la MINUK, l’Italien Lamberto Zannier, a récemment déclaré que le plan des Nations unies pourrait être « réinterprété ». Les conflits de compétences ne font probablement que commencer…