Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Kosovo

L’ONU donne son feu vert à la mission Eulex

Article publié le 27/11/2008 Dernière mise à jour le 27/11/2008 à 16:49 TU

Le Conseil de sécurité des Nations unies a finalement avalisé le plan de « reconfiguration » des missions internationales au Kosovo, ouvrant la voie au déploiement de la mission européenne Eulex. Cependant, pour parvenir à ce résultat, les Européens ont dû négocier ferme avec Belgrade, qui estime avoir remporté une grande victoire diplomatique.

Eulex prendra progressivement la relève de la Mission de l'ONU au Kosovo (Minuk), le 27 novembre 2008.( Photo : AFP )

Eulex prendra progressivement la relève de la Mission de l'ONU au Kosovo (Minuk), le 27 novembre 2008.
( Photo : AFP )


De notre correspondant à Belgrade
, Jean-Arnault Dérens

Après des mois d’incertitude, la mission technique Eulex, qui doit « assister » les institutions du Kosovo dans les domaines cruciaux de la justice, la police et les douanes, pourra enfin se déployer, mais au prix de sérieux compromis avec Belgrade.

En effet, le plan en six points présenté par le Secrétaire général Ban Ki-moon garantit que la mission européenne sera « neutre » quant au statut du Kosovo, ne s’inscrira pas dans le cadre prévu par le plan de Martti Ahtisaari, rejeté par Belgrade, mais respectera, au contraire, la résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui stipule l’appartenance du Kosovo à la Serbie. Les six points négociés avec Belgrade prévoient notamment que les policiers serbes du Kosovo resteront sous le contrôle de la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) et non pas sous celui des autorités de Pristina. Il en va de même pour les postes de douane situés dans le secteur serbe du nord du Kosovo et le tribunal de Mitrovica. Jeudi matin, le quotidien serbe Blic titrait : « Le nord du Kosovo échappe à l’autorité de Pristina ».

Le plan prévoit aussi la poursuite du dialogue entre Belgrade et Pristina sur la protection des lieux de culte orthodoxes. Il prévoit donc une reprise des négociations et enterre virtuellement le plan présenté en février 2007 par l’émissaire des Nations unies Martti Ahtisaari.

Les différentes missions internationales seront « coordonnées » par la MINUK, désormais dirigée par l’Italien Lamberto Zannier, tandis que nul ne sait quel sera l’avenir du Bureau civil international (ICO), dirigé par l’envoyé spécial de l’Union européenne Pieter Feith, et qui devait exercer la « tutelle » politique de l’indépendance du Kosovo, dans le cadre du plan Ahtisaari. Cette mission, qui compte déjà des dizaines de fonctionnaires mais qui ne peut bien sûr pas se déployer dans les zones serbes, n’est même pas évoquée dans le plan de « reconfiguration ». D’ailleurs, si tous les États membres de l’UE soutiennent la mission Eulex, ceux qui ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo, comme l’Espagne, la Grèce ou la Roumanie, ne participent pas non plus à la mission ICO.

Près de 10 000 manifestants dans les rues de Pristina

Vuk Jeremic, le ministre des Affaires étrangères de Serbie, a donc pu adopter un ton triomphant lors de la résolution de mercredi après-midi au Conseil de sécurité, en affirmant même que la Serbie « avait défendu sa souveraineté et son intégrité territoriale » et intègrerait dans les prochaines années l’Union européenne, avec le Kosovo…

Bien évidemment, ce plan en six points a été rejeté par les dirigeants kosovars, qui voudraient au contraire que la mission Eulex se déploie « en conformité avec le plan Ahtisaari et dans le respect de la Constitution du Kosovo ».

C’est la première fois que les dirigeants de Pristina se trouvent en conflit ouvert avec les Nations unies, mais leur position paraît extrêmement inconfortable. Alors que le président Fatmir Sejdiu et le Premier ministre Hashim Thaçi n’ont guère l’intention d’engager un véritable bras de fer avec leurs « mentors » occidentaux, qui ont tous accepté le nouveau plan des Nations unies, ils doivent tenir compte d’une protestation populaire qui grandit.

Le 19 novembre, une large coalition d’ONG, conduite par le mouvement Vetëvendosja (« Autodétermination ») a fait descendre près de 10 000 manifestants dans les rues de Pristina, pour dénoncer le plan des Nations unies et la logique de partition territoriale dans laquelle le Kosovo semble s’engager pour de bon. Selon l’analyste Besnik Pula, c’est la première fois que la société civile du Kosovo se fait entendre aussi fortement et remet en cause des dirigeants politiques habitués à obéir fidèlement aux injonctions occidentales.

Le déploiement de la mission Eulex devrait s’effectuer rapidement dans le courant du mois de décembre, car tous les préparatifs techniques pour cette mission, dirigée par le Français Yves de Kermabon, sont achevés depuis des mois. Sur le terrain, cette mission risque fort de présenter deux visages différents, dans les zones albanaises et dans les zones serbes, encore que l’hypothèse d’une confrontation directe entre la société albanaise et une mission qui ne reconnaît officiellement pas l’indépendance du Kosovo ne puisse plus être écartée.