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Kosovo

Nouvelle étape vers une pleine souveraineté

Article publié le 14/06/2008 Dernière mise à jour le 14/06/2008 à 21:49 TU

La Constitution entre en vigueur ce dimanche, 120 jours après la proclamation d’indépendance du territoire, le 17 février dernier. Dans le même temps, les missions civiles et militaires internationales vont être «reconfigurées». Une étape essentielle, vivement dénoncée par Belgrade et ses alliés.

De notre correspondant à Pristina,  Jean-Arnault Dérens

La Constitution du Kosovo a été adoptée en avril par le Parlement kosovar. Elle prend effet le dimanche 15 juin 2008.(Source: www.kosovoconstitution.info)

La Constitution du Kosovo a été adoptée en avril par le Parlement kosovar. Elle prend effet le dimanche 15 juin 2008.
(Source: www.kosovoconstitution.info)

La nouvelle Constitution du Kosovo, adoptée par le Parlement le 9 avril dernier, entre officiellement en vigueur ce dimanche. Les Albanais y voient bien sûr une étape importante dans la marche du Kosovo vers une pleine souveraineté, tandis que Belgrade s’est contentée de dire que l’adoption de cette Constitution était un geste nul et non avenu.

La Constitution, qui a reçu l’aval de Pieter Feith, le chef du Bureau civil international, qui doit exercer la « supervision » internationale de l’indépendance du Kosovo, reprend l’essentiel des dispositions prévues dans le plan de Martti Ahtisaari, l’ancien envoyé spécial des Nations unies chargé de mener les négociations sur le statut du Kosovo.

D’ailleurs, depuis la proclamation d’indépendance, le Parlement du Kosovo a adopté un ensemble de lois à une vitesse quasiment frénétique. Il s’agissait de faire entrer dans la législation l’essentiel des dispositions prévues par l’ancien émissaire Martti Ahtisaari. Ainsi, les Albanais ont dû renoncer à beaucoup de dispositions symboliques prises depuis 1999. Par exemple, certaines villes dont le nom fleure trop une origine toponymique serbe avaient été rebaptisées : depuis l’indépendance, elles ont retrouvé leur ancien nom, dans une forme serbe « albanisée ».

« Les Albanais jouent le jeu », reconnaissent, unanimes, les fonctionnaires internationaux. Les deux partis de la coalition au pouvoir, le Parti démocratique du Kosovo (PDK) du Premier ministre Hashim Thaçi et la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) ont compris que ces mesures déplaisantes étaient le prix à payer pour concrétiser « l’indépendance sous supervision internationale ».

Le plus difficile reste cependant à faire. Le Parlement devra adopter les mesures de décentralisation, qui se traduiront par la création de nouvelles communes serbes, alors que les Serbes du Kosovo boycottent toutes les nouvelles institutions. La situation est d’ailleurs devenue kafkaïenne dans les communes serbes actuellement existantes, qui disposent à la fois de conseils municipaux albanais élus le 17 novembre 2007, qui ne sont pas reconnus par la population, et de conseils municipaux serbes « illégaux » élus le 11 mai.

L'entrée en scène d'EULEX

Visite du général Yves de Kermabon en mars 2008. Il est chargé par Bruxelles de surveiller et d'encadrer l'indépendance du Kosovo, dans le cadre de la mission EULEX.(Source: Eufor)

Visite du général Yves de Kermabon en mars 2008. Il est chargé par Bruxelles de surveiller et d'encadrer l'indépendance du Kosovo, dans le cadre de la mission EULEX.
(Source: Eufor)

Dans le même temps, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a donné son feu vert au déploiement de la nouvelle mission européenne EULEX, dans une lettre adressée jeudi aux dirigeants kosovars et serbes, ainsi qu’aux responsables européens.

La mission EULEX reprendra une partie des compétences dévolues depuis 1999 à la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK), dans les domaines essentiels que sont la justice, la police et le contrôle des frontières. Les autres compétences actuelles de la MINUK seront confiées aux autorités élues du Kosovo, tandis que la Mission onusienne, dont la présence est garantie par la résolution 1244 du Conseil de sécurité – toujours formellement en vigueur – conservera un rôle essentiellement symbolique de coordination.

La « reconfiguration » de la présence internationale au Kosovo affectera aussi la sécurité et la défense, même si ces domaines demeurent à la charge de la KFOR, la mission de l’OTAN. Celle-ci, cependant, formera une nouvelle « Force de sécurité du Kosovo » (KSF), embryon potentiel d’une future armée.

Les choix de Ban Ki-moon ont bien sûr provoqué la colère de Belgrade, qui s’oppose toujours à l’indépendance du Kosovo et au déploiement de la mission EULEX. Le président serbe Boris Tadic a répondu par une fin de non-recevoir à la lettre du secrétaire général. Pour Belgrade, Ban Ki-moon outrepasse ses fonctions, puisque seul le Conseil de sécurité pourrait décider d’une éventuelle « reconfiguration » de la MINUK.

De toute manière, le Kosovo est entré dans une logique de partition, que semblent même accepter, au moins pour le moment, les organisations internationales. Ainsi, tout déploiement de la mission EULEX est pour l’instant exclu dans les zones serbes, notamment au nord du Kosovo, où la KFOR a relevé ses derniers jours son niveau de sécurité.

Mercredi dernier, le Parlement du Kosovo avait aussi adopté le nouvel hymne du pays. Un hymne sans paroles, pour ne pas heurter la sensibilité des différentes communautés nationales du pays. Aura-t-il du succès ? Samedi soir et dimanche, beaucoup d’Albanais ont prévu de fêter la Constitution. Cependant, il y a fort à parier que, comme toujours, ce sera l’hymne national albanais qui sera entonné, et pas le nouvel hymne sans paroles du Kosovo.