Article publié le 17/02/2008 Dernière mise à jour le 17/02/2008 à 22:01 TU
Le Premier ministre Hashim Thaçi (g) et le président Fatmir Sejdiu à côté du nouveau drapeau du Kosovo présenté au Parlement à Pristina, le 17 février 2008.
(Photo : Reuters)
De notre envoyé spécial à Pristina et Mitrovica, Jean-Arnault Dérens
Pristina a vécu un week-end exceptionnel, et tout avait été prévu pour que la fête soit réussie. Le centre de la ville était interdit aux voitures, tandis qu’une foule compacte s’est pressée tout l’après-midi, célébrant dans la liesse la réalisation du vieux rêve albanais d’indépendance. Des cortèges de voiture n’ont cessé de converger vers la capitale du nouvel Etat, même si des célébrations étaient également organisées dans toutes les autres villes. De nombreux Albanais d’Albanie, de Macédoine ou de la Vallée de Presevo, dans le sud de la Serbie, sont également venus fêter l’indépendance, ainsi que des Albanais de la diaspora : des charters étaient organisés depuis la Suisse ou l’Allemagne.
Dans l’après-midi, la séance exceptionnelle de l’Assemblée a été suivie avec passion, au moins sur les écrans de télévision, car les abords du Parlement étaient inaccessibles.
Une « statue de l’indépendance » a été érigée dans le centre de Pristina
Les véhicules et les maisons arborent des drapeaux albanais et américains. Ceux de l’Union européenne ou de pays comme la Suisse, qui a été la première à envisager officiellement l’indépendance du Kosovo, sont beaucoup plus rares. Le nouveau drapeau du Kosovo, officiellement adoptée par le Parlement dans l’après-midi, était également invisible : le drapeau rouge à l’aigle noir est le symbole de tous les Albanais des Balkans depuis 1912, et c’est avec ce drapeau que les Kosovars voulaient fêter leur nouvelle indépendance.
Alors que Pristina est également submergée par une foule de journalistes étrangers, les festivités et les célébrations ont suivi leur déroulement bien réglé : un immense gâteau a été partagé sur le boulevard Mère Theresa, une « statue de l’indépendance » a été érigée dans la soirée dans le centre de Pristina, avant que le Premier ministre Hashim Thaçi et le président Fatmir Sejdiu ne s’adressent à la foule.
La foule amassée autour du nouveau monument érigé à l'occasion de l'indépendance à Pristina le 17 février.
(Photo : Reuters)
Ambiance bien différente à Mitrovica
L’ambiance était bien différente à Mitrovica, où prévaut un calme tendu et précaire. Du côté serbe du pont qui symbolise la division du Kosovo, quelques dizaines de jeunes Serbes sont restés groupés autour d’un drapeau toute la journée de dimanche, mais les journalistes étaient encore plus nombreux. L’annonce de l’indépendance du Kosovo, saluée par un concert de sifflets, de klaxons et de pétards sur l’autre rive d’Ibar, a été accueillie par des commentaires plutôt blasés.
Depuis plusieurs jours déjà, de nombreux Serbes ont mis leurs familles à l’abri en Serbie, craignant les provocations qui pourraient éclater. Pourtant, le Premier ministre Vojislav Kostunica a appelé les Serbes du Kosovo à ne pas abandonner leurs foyers, et le gouvernement de Belgrade a dépêché plusieurs de ses ministres dans les enclaves serbes du Kosovo : Slobodan Samardzic, le ministre en charge du Kosovo, était à Mitrovica, le vice-Premier ministre Bozidar Djelic dans l’enclave méridionale de Strpce.
Une manifestation serbe est convoquée lundi à Mitrovica
Alors que la fête battait son plein côté albanais, des blindés de la KFOR ont pris position sur les routes menant du secteur albanais au secteur serbe de Mitrovica, mais sans bloquer la circulation. Dans la ville, la présence des militaires de l’OTAN était plutôt discrète. A Mitrovica, on ne voyait aucun uniforme de la police du Kosovo, le KPS, dans laquelle servent de nombreux Serbes, qui devraient refuser de prêter allégeance aux nouvelles autorités indépendantes de Pristina.
Ces derniers jours, les dirigeants du Conseil national serbe du Kosovo et Metohija ont annoncé qu’ils allaient convoquer des élections pour désigner un Parlement serbe du Kosovo. Alors que les Serbes considèrent comme nulle et non avenue la proclamation d’indépendance, on ignore encore jusqu’où pourrait aller leur réaction. Proclamer la sécession de la zone serbe du nord du territoire mettrait en situation très périlleuse les enclaves du Sud, à majorité albanaise, et reviendrait à reconnaître implicitement l’indépendance du territoire.
Cependant, tout au long de la journée de dimanche, des signaux inquiétants n’ont cessé de se multiplier. En début d’après-midi, un millier de réservistes serbes, armés et en uniforme, se sont massés près du poste de Merdare, entre la Serbie et le Kosovo, sur la route qui conduit à Pristina. Ils ont été immédiatement bloqués par les policiers du KPS. Cette initiative n’était-elle qu’un baroud d’honneur, ou laisse-t-elle présager une explosion de violence ? L’avenir le dira vite. Dans l’immédiat, une manifestation serbe est convoquée lundi midi à Mitrovica.
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