Article publié le 10/12/2008 Dernière mise à jour le 10/12/2008 à 16:50 TU
Les talibans contrôlent-ils les trois quarts de l'Afghanistan ? C'est ce qu'affirme le Conseil international pour la sécurité et le développement, un centre de réflexion européen. Une conclusion vivement contestée par les forces de la coalition internationale et le gouvernement afghan. Ils ne peuvent toutefois nier l'avancée des talibans vers Kaboul.
De notre correspondant à Kaboul, Luc Mathieu
"Nous allons intensifier les attaques contre l'Otan et les forces américaines basées en Afghanistan et contre leurs approvisionnements depuis le Pakistan", a déclaré un chef taliban ( 2e en partant de la gauche ), Hakeemullah, le 26 novembre 2008.
( Photo : AFP )
Rarement un rapport aura suscité autant de polémiques à Kaboul. Lundi 8 décembre, le Conseil international pour la sécurité et le développement (ICOS, ex-Conseil de Senlis) publie un document intitulé Lutte pour Kaboul : l'avancée talibane. Principale conclusion de ce rapport de 40 pages : les talibans ont une présence permanente sur 72% du territoire afghan cette année, contre 54% en 2007. Autrement dit, ils gagnent du terrain et la stratégie menée par la coalition internationale et le gouvernement afghan vire à l'échec.
« Les talibans sont seulement présents dans le sud et l'est, ce qui ne représente déjà que moins de 50% du pays », a aussitôt répliqué le porte-parole de l'OTAN, James Appathurai. Le ministère afghan des Affaires étrangères a quant à lui déclaré que l'insurrection talibane se limitait « à quelques districts le long de la frontière avec le Pakistan ». Interrogé ce matin par RFI, un diplomate européen affirme sous couvert d'anonymat que le document de l'ICOS contient beaucoup de postulats non vérifiés et qu'il est donc « très contestable ».
De fait, la méthodologie utilisée par les analystes de l'ICOS est pour le moins bancale. Selon eux, une « présence permanente » correspond à au moins une attaque par semaine des insurgés. Qui sont les insurgés ? « Les talibans, les forces anti-gouvernementales et les bandes criminelles », répond le porte-parole de l'ICOS.
C'est dans cet amalgame que réside la faiblesse du rapport. A Kaboul, par exemple, la grande majorité des enlèvements sont le fait de bandes criminelles. Même si des liens peuvent apparaître avec les talibans, notamment quand un otage leur est revendu, ces bandes agissent pour l'argent, comme n'importe quel groupe criminel, et non pour les motifs idéologiques des talibans afghans.
Attaques quasi-quotidiennes
En outre, la présence de talibans dans une zone ne signifie pas qu'ils la contrôlent. La guerre qu'ils mènent contre l'armée afghane et les forces étrangères ne comporte pas de ligne de front fixe. Ils posent des mines, lancent des attaques et mènent des embuscades mais se replient lorsque les militaires réinvestissent la zone.
Reste que la violence de la polémique s'explique aussi par l'autre conclusion du rapport de l'ICOS : les talibans s'approchent de la capitale. Ce constat embarrasse la coalition internationale. « D'accord, certains sont peut-être proches de Kaboul. Mais ils ne sont ni nombreux ni efficaces. La situation est difficile aujourd'hui mais elle s'améliorera dans les prochains mois », a concédé le général français Michel Stollsteiner, commandant de la région de Kaboul et de ses provinces, lors d'une conférence de presse dans la capitale afghane le 31 novembre dernier.
Au sud, les talibans multiplient les incursions à la frontière de la province du Logar, à vingt kilomètres seulement de Kaboul. A l'ouest, dans le Wardak, les attaques sont quasi-quotidiennes. Au nord-est, en Kapisa, les militaires français essuient en moyenne un incident par jour. A l'est, les attaques se multiplient sur la route de Jalalabad contre les convois de ravitaillement en provenance du Pakistan.
L'armée américaine vient de réagir. La majorité d'une brigade de 3500 à 4000 hommes devrait arriver en janvier prochain de Fort-Drum (Etats-Unis) et se déployer dans les provinces du Logar et du Wardak, frontalières de Kaboul. Cette décision n'a pas suscité de polémique.
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