par Sophie Malibeaux
Article publié le 05/11/2008 Dernière mise à jour le 06/11/2008 à 11:48 TU
Ces derniers mois, la situation n’a cessé de se dégrader aussi bien en Afghanistan qu’au Pakistan voisin. Barack Obama, président élu, va donc se trouver confronté à un énorme défi. Il lui faudra dans un premier temps instaurer une relation de confiance avec les leaders des deux pays les plus concernés par la lutte contre al-Qaïda et la traque contre ben Laden et ses principaux soutiens.
Au premier jour de son élection, la déclaration du président Karzai donne le ton : « Notre première et plus importante demande (au nouveau président), notre priorité, c’est de mettre fin aux frappes visant les civils en Afghanistan. La guerre contre le terrorisme ne doit pas être livrée dans les villages afghans ».
Reconnaissant le message d’espoir contenu dans l’élection d’Obama, Hamid Karzai se devait cependant de réagir à une nouvelle bavure de l’armée américaine sur le sol afghan, après le bombardement qui a frappé les participants à un mariage, peu après une attaque d’insurgés contre des soldats étrangers.
Même si la visite d’Obama le 19 juillet 2008 avait pour but de jeter les bases d’une relation solide, le dirigeant afghan garde peut-être à l’esprit les critiques du candidat Obama qui n’avait pas hésité à stigmatiser le gouvernement afghan pour son inaction, lors d’une interview diffusée par CNN : « Le gouvernement afghan, (n’est) pas sorti de son bunker pour aider à organiser l’Afghanistan et le gouvernement, la justice, les forces de police, de manière à redonner confiance aux gens ».
Obama n’en convenait pas moins que son pays lui-même avait commis l’erreur de se laisser « distraire » par l’Irak, au lieu d’achever la tâche entreprise en Afghanistan, dans la foulée des attaques contre les tours jumelles de New York.
Le changement...
Pour reprendre le terrain laissé aux insurgés, Obama a promis l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan, dans des proportions plus importantes que celles mentionnées par la présente administration. En septembre 2008, il évoquait un renfort d’au moins deux brigades de combat », soit environ 10 000 hommes. Cela reste néanmoins –selon les généraux américains en poste en Afghanistan- un effort relativement limité face à la dégradation de la situation sur le terrain afghan.
Les attentes des militaires américains portent d’ailleurs également sur un effort généralisé de la part de leurs alliés au sein de la coalition. De ce point de vue, le discours d’Obama, rejoint celui de ses prédécesseurs. Lors de sa tournée dans la région, il en appelait à un engagement plus important des européens et de l’OTAN, sur le terrain des opérations ainsi que pour la formation de l’armée et de la police.
Reste à savoir à quel rythme pourra procéder le nouveau président américain. Dans la plupart de ses déclarations, le candidat Obama a lié l’envoi de renforts sur le théâtre afghan avec la fin de la guerre en Irak. Ce qui n’est pas encore le cas.
Là où le changement est également attendu, c’est dans les domaines non militaires de la reconstruction du pays et notamment la consolidation des institutions démocratiques. Un premier test majeur l’attend d’ici un an, avec l’élection présidentielle afghane. Celle-ci se déroulera dans un contexte beaucoup plus difficile qu’en 2004.
Depuis quelques mois, on assiste déjà à un changement de cap. Les discussions entre le gouvernement afghan et des représentants talibans sont encouragées, dans une certaine limite, car les plus radicaux restent à l’écart du processus. L’administration américaine et ses alliés dans la région prônent l’isolement des extrémistes par une politique visant à gagner les populations et certains leaders plus ou moins impliqués dans l’insurrection.
Mais deux écueils attendent le nouveau président. D’une part, comme le souligne le président Karzai ce mercredi, les bavures militaires contribuent à retourner les populations contre les troupes étrangères. D’autre part, la stratégie américaine au Pakistan est jugée contre-productive par les autorités de ce pays. La position de Barak Obama sur cette question ne semble pas de nature à changer le rapport de force.
…et la continuité
Ce que reprochent les autorités pakistanaises aux Américains, ce sont les multiples interventions armées sur leur sol, sans concertation. Depuis le 1er septembre 2008, le Pakistan déplore dix-sept attaques par des drones américains (avions sans pilotes), à partir de l’Afghanistan, sur les territoires frontaliers des zones tribales pakistanaises.
Le gouvernement d’Islamabad qui vient de recevoir la visite du nouveau Centcom (United States Central Command) américain, le général David Petraeus a martelé à son interlocuteur américain les accusations formulées à plusieurs reprises, selon lesquelles ces frappes ne font que développer le sentiment anti-américain à travers le pays et gêne le processus de dialogue souhaité par le nouveau gouvernement pakistanais, en particulier dans la Province Frontière du Nord-Ouest (NWPF). Nombre d’analystes ont d’ailleurs estimé que cette stratégie avait pour le moins hâté la chute de la précédente équipe au pouvoir au Pakistan.
Pourtant, Barack Obama, en pleine campagne électorale, promettait de poursuivre cette stratégie. Il déclarait en août 2007 : « Si nous avons des informations exploitables sur des cibles terroristes importantes et que le président Musharraf n’agit pas, nous le ferons ».
Musharraf n’est plus aux commandes, mais les frappes se poursuivent et le gouvernement pakistanais ne peut que déplorer, missile après missile, le viol de la souveraineté pakistanaise sur son territoire.
Là aussi, l’aide non-militaire pourrait faire la différence. Barack Obama s’est engagé à fournir des centaines de millions de dollars comme l’ont fait ses prédécesseurs, à condition de voir fermer les camps d’entraînements islamistes et d’observer des résultats dans la lutte contre les groupes traversant la frontière avec l’Afghanistan pour y mener leurs opérations.
A écouter
Barack Obama a joué les vases communiquants en disant «Je me retirerai d'Irak mais je renforcerai l'armée américaine en Afghanistan.» Je crois que c'est une erreur.
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