par Julie Lerat
Article publié le 14/01/2009 Dernière mise à jour le 14/01/2009 à 18:22 TU
Manifestation à Washington devant les bureaux de Barack Obama pour la fermeture de la prison de Guantanamo, le 13 janvier.
(Photo : Reuters)
Parmi les quelque 250 personnes toujours détenues sur la base américaine, Mohamed al-Kahtani fait partie de ceux que l’administration américaine juge « dangereux ». Pourtant, il ne pourra pas être jugé devant un tribunal militaire. Susan Crawford, qui supervise les tribunaux militaires mis en place pour juger les personnes incarcérées à Guantanamo, a décidé de ne pas transférer son dossier au juge car, selon elle, Mohamed al-Kahtani a été torturé. Ses aveux ne sont donc pas recevables devant la justice.
Privé de sommeil, menacé par un chien
Pendant 160 jours, Mohamed al-Katahni n’a été en contact qu’avec ses interrogateurs. Il a subi de 18 à 20 heures d’interrogatoire par jour pendant 48 jours, a été privé de sommeil, forcé à porter un soutien-gorge et menacé par un chien. « Debout et nu devant des agents de sexe féminin, il a été soumis à des fouilles corporelles, et a subi des insultes à l’égard de sa mère et sa sœur », précise Susan Crawford.
« Les techniques qui ont été utilisées sont autorisées par la loi, mais elles l'ont été de manière excessivement agressive et répétée », poursuit Susan Crawford, qui est le premier haut responsable de l’administration Bush a reconnaître qu’il y a bien eu au moins un cas de torture à Guantanamo. En conséquence des traitements qu’il a subis, Mohamed al-Kahtani a dû être hospitalisé à deux reprises, présentant une bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque pouvant causer la mort). « C’est cet impact sur sa santé qui m’a convaincue de franchir le pas », et de parler de « torture », explique Susan Crawford.
Que faire des 250 personnes toujours détenues ?
La décision de Susan Crawford de ne pas traduire Mohamed al-Kahtani devant la justice militaire révèle toute la difficulté de la tâche qui attend Barack Obama. Le président élu a promis de fermer Guantanamo, mais son administration va devoir décider de ce qui sera fait des prisonniers qui y sont toujours enfermés. Selon Amnesty International, une cinquantaine de détenus sont libérables immédiatement, parce qu’aucune charge ne peut être retenue contre eux. Mais que faire des autres ? Les juger, les relâcher ?
Dimanche 11 janvier, dans une interview à la chaîne ABC, Barack Obama a déclaré qu’il faudrait sans doute plus de temps que les cent jours initialement prévus, pour fermer Guantanamo. « Le problème, c'est que nous avons là des hommes qui ont été détenus sans jamais avoir été traduits devant la justice, a expliqué le président élu. Certains d'entre eux sont très dangereux, et si les preuves retenues contre eux sont viciées, cela n'empêche pas qu'elles soient vraies. Donc, il faut mettre en place un processus qui respecte les principes essentiels du droit, mais qui ne nous conduise pas à relâcher des gens qui veulent nous détruire. C'est un vrai défi », a conclu Barack Obama.
Selon un porte-parole du Pentagone, depuis 2002, 61 ex-détenus de Guantanamo ont commis de nouvelles attaques après avoir été relâchés. Le cas de Mohamed al-Kahtani illustre bien le problème. S’il ne peut être jugé parce que ses aveux ont été obtenus sous la torture, il faudra trouver une alternative. « C'est un homme dangereux, commente Susan Crawford, je n'ai aucun doute quant au fait qu'il aurait été à bord de l'un des avions le 11 septembre s'il avait pu entrer dans le pays. Mais que faire si on ne l'accuse pas et si on ne le traduit pas devant la justice? J'avoue que j'hésiterai à le laisser partir ». Si le problème se pose avec Mohamed al-Kahtani, il se posera pour bien d’autres encore, car la plupart des personnes détenues à Guantanamo disent avoir été torturées.
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