Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Salvador / Elections

L'ex-guérilla de gauche aux portes du pouvoir

par  RFI

Article publié le 18/01/2009 Dernière mise à jour le 18/01/2009 à 17:10 TU

Quelque 4,2 millions d'électeurs salvadoriens sont appelés à élire leurs députés et conseillers municipaux. Le scrutin se déroule sous haute surveillance, le plus surveillé par les observateurs internationaux depuis la fin de la guerre civile en 1992. Quelque 17 000 policiers sont déployés également dans ce petit pays d'Amérique centrale pour éviter tout incident lors des opérations de vote. L'ancienne guérilla de gauche du Front Farabundo Marti pour la libération nationale semble en bonne position de l'emporter sur la droite qui gouverne le pays depuis 20 ans.

Les électeurs salvadoriens se sont rendus aux urnes dès les premières heures de la matinée, dimanche 18 janvier 2009.(Photo : AFP)

Les électeurs salvadoriens se sont rendus aux urnes dès les premières heures de la matinée, dimanche 18 janvier 2009.
(Photo : AFP)


Présentation des deux principaux partis en lice : l'ARENA, de droite, et le Front Farabundo Marti de libération nationale, de gauche.

L'ARENA, parti de l'actuel président Antonio Saca, domine la vie politique depuis 20 ans au Salvador. Il a été aux commandes avant même les accords de paix qui ont mis fin en 1992 à la guerre civile qui faisait rage dans ce petit pays d'Amérique centrale. C'est dire si l'ARENA passe, d'une certaine façon, pour être l'héritier du régime militaire qui s'était retrouvé en guerre ouverte contre la guérilla marxiste. Ce sont les auxiliaires de ce régime militaire qui avaient mis le feu aux poudres en 1980 en assassinant en pleine cathédrale de San Salvador l'archevêque Oscar Romero. Donc l'ARENA, même s'il n'a plus rien à voir avec les escadrons de la mort, est incontestablement un parti très à droite, et d'ailleurs très proche des Etats-Unis.

Le Front Farabundo

De la même façon, le Front Farabundo Marti est l'héritier du mouvement de guérilla qui a fait sombrer le pays dans une longue période de violence, une période qui a duré une bonne douzaine d'années.

Farabundo Marti était l'ancien chef du parti communiste salvadorien mort en 1932. Une figure historique que se sont appropriée les cinq petits groupes révolutionnaires qui se sont regroupés en 1980 sous le nom Front Farabundo Marti.

Après les accords de paix de 1992, la guérilla dépose les armes et se transforme, tout en conservant son nom, en parti politique. Un parti politique qui va devenir l'autre force salvadorienne. Force très à gauche, bien sûr, fidèle à ses racines.

On voit bien que la vie politique reste, aujourd'hui encore, très polarisée au Salvador.  

C'est la première fois que les anciens guérilleros s'approchent vraiment du pouvoir au Salvador

Pour la première fois les élections législatives et municipales d'une part et l'élection présidentielle d'autre part ont lieu presque en même temps. Ce dimanche donc pour les premières, et le 15 mars pour le scrutin présidentiel qui est le plus important parce que c'est l'exécutif qui a vraiment le pouvoir.

Jusque-là, elles avaient lieu à des dates relativement éloignées. Or là, hasard du calendrier, les élections législatives et municipales qui se déroulent aujourd'hui font un peu figure de primaires, ou de premier tour pour l'élection présidentielle dans moins de deux mois.

Il est déjà arrivé au Front Farabundo Marti de remporter les législatives. En 2000 et en 2003, il s'est retrouvé premier parti au Parlement. Et puis il a connu aussi de beaux succès municipaux. Par exemple, c'est lui qui est aux commandes à San Salvador, la capitale, depuis plus de 10 ans. C'est une femme, Violeta Menjivar, qui est actuellement maire de San Salvador. Mais l'opposition de gauche n'avait encore jamais remporté la présidentielle.

L’autre raison pour laquelle l'ancienne guérilla pourrait faire cette fois coup double et donc gagner aussi la présidentielle, c'est qu'il y a une nouvelle figure à la tête du FMLN qui n'est pas liée directement à la guerre civile. En effet, jusque-là, c’était d'anciens combattants, d'anciens chefs de l'insurrection armée, qui avaient porté les couleurs du Front Farabundo Marti à la présidentielle. Mais, changement de génération oblige, c'est maintenant un journaliste de télévision, très populaire au Salvador, qui est le candidat de l'opposition, après avoir dû renoncer à son métier parce qu'il était très critique à l'égard du gouvernement. Il s'appelle Mauricio Funes. Il affrontera le 15 mars Rodrigo Avila, le candidat de l'ARENA, qui n'est pas lui très charismatique.    

Au-delà du Salvador, quelle serait la portée d'une telle victoire du parti héritier de l'ancienne guérilla ?

D'une part sur les Etats-Unis : nul doute que Washington surveille de près les élections salvadoriennes. L'actuel président Saca s'est montré un si fidèle allié des Etats-Unis qu'il a envoyé, et renouvelé, un contingent de l'armée salvadorienne en Irak. Il a été le seul dans ce cas en Amérique latine. En plus, le Salvador a beaucoup de liens de toutes sortes avec les Etats-Unis. Son économie est dollarisée, c'est à dire que le dollar y fait fonction de monnaie nationale officielle. Il y a aussi un accord de libre-échange en vigueur entre les deux pays. Et puis les immigrés salvadoriens aux Etats-Unis – très nombreux parce que c'est un tout petit pays qui a une population relativement importante – ont une sorte de statut de faveur aux Etats-Unis. Ils bénéficient de ce qu'on appelle le TPS, le statut temporaire de protection, c'est-à-dire que même s'ils sont arrivés clandestinement, ils ont droit à un permis de séjour et de travail temporaires, parce que le Salvador a souffert il y a quelques années du passage d'ouragans très destructeurs.

Le contexte aujourd'hui n'est plus celui du temps de la guerre civile, où l'aide militaire des Etats-Unis avait été très importante pour aider, dans les années 80, le pouvoir au Salvador à contenir la guérilla et à empêcher qu'elle remporte une victoire, comme les Sandinistes au Nicaragua. Mais c'est un pays de cette fameuse arrière-cour que l'Amérique centrale représente pour les Etats-Unis, et même sans George Bush, il est probable qu'une victoire de l'ancienne guérilla ne ferait pas plaisir au Département d'Etat. 

D'autre part, un tel succès serait révélateur d'une tendance actuelle de l'Amérique latine non seulement à se doter de gouvernements de gauche ou de centre-gauche – il n'y a décidément plus beaucoup de présidents de droite dans la région – mais en plus ça confirmerait qu'à la faveur de ce grand mouvement de balancier vers la gauche, il y a de plus en plus d'anciens guérilleros qui arrivent au pouvoir en Amérique latine. Il y en a en Uruguay, en Argentine ; il y a aussi au Brésil, des ministres de Lula qui ont apparemment joué un rôle dans le fait que, par exemple, l'ancien militant d'extrême-gauche italien Cesare Battisti ait pu tout récemment se voir accorder l'asile politique au Brésil.