Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Gaza

Réouverture des tunnels de contrebande

par Frédérique Misslin

Article publié le 23/01/2009 Dernière mise à jour le 23/01/2009 à 21:50 TU

Les galeries de contrebande qui relient la bande de Gaza à l’Egypte reprennent du service. Ces tunnels étaient une des cibles de l’armée israélienne ; lors de l’offensive « Plomb durci », 60% d’entre eux ont été bombardés. Les Palestiniens sont à pied d’œuvre pour les réparer car s’ils servent à faire transiter une partie de l’arsenal militaire du Hamas, ils permettent aussi à la population, qui vit sous blocus depuis 2007, de se ravitailler.

L'entrée d'un tunnel à Rafah, près de la frontière avec l'Egypte, le 22 janvier 2009. (Photo : Reuters)

L'entrée d'un tunnel à Rafah, près de la frontière avec l'Egypte, le 22 janvier 2009.
(Photo : Reuters)

Au premier jour de cessez-le-feu, ce sont des réchauds à kérosène qui sont entrés en contrebande dans la bande de Gaza. En provenance d’Egypte, ils sont arrivés sur les marchés de Rafah via les fameux tunnels clandestins. Dès que la trêve a été annoncée, les Palestiniens ont immédiatement entrepris de remettre en service les galeries qui leur permettent de contourner un peu le blocus israélien imposé en 2007. Creusés le long des 14 km de frontière entre la bande de Gaza et le territoire égyptien, ces tunnels forment un véritable labyrinthe et représentent surtout une activité économique très rentable. Longs de 300 à 500 mètres, creusés à 10, 20 parfois 30 mètres de profondeur, ils permettent de faire passer à peu près tout ce qui manque aux Palestiniens : des vivres, de l’essence, des ordinateurs, du bétail et même des motos, sans parler des armes… 

A Rafah, les ouvriers palestiniens sont donc à pied d’œuvre pour réparer, déblayer, étayer les boyaux. « D’ici un mois ou deux, tous les tunnels seront à nouveau opérationnels, il y a une telle demande que rien n’empêchera de recreuser », peut-on entendre à proximité de ces mini chantiers. Il faut dire qu’au fil des années le « business » des tunnels est devenu très lucratif. Les contrebandiers se groupent souvent pour investir et financer les travaux. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, touche une forme de taxe et les Palestiniens achètent aussi le silence des fonctionnaires égyptiens, de l’autre côté de la frontière.

Une véritable industrie

Le tunnel doit être creusé mais aussi étayé, entretenu, surveillé… Les « propriétaires » emploient donc une armée de petites mains chargée, entre autres, de faire passer la marchandise à pied ou à l’aide de wagonnets tirés par des câbles et des treuils. Quelque 20 000 Palestiniens travailleraient dans cette industrie clandestine. Ceux qui gèrent les galeries affirment qu’elles sont uniquement à usage commercial et précisent que le Hamas disposerait de ses propres tunnels, aux entrées secrètes, pour faire passer des armes. C’est précisément ce trafic que les Israéliens veulent démanteler et cela ne date pas d’hier.

Les tunnels de Rafah existent depuis des années. Avant la seconde Intifada, ils étaient tenus par des proches de l’Autorité palestinienne et permettaient de faire entrer à Gaza des cigarettes, des vêtements, de la drogue, des pièces détachées de voitures. En 2000, les choses changent et des armes transitent. A l’époque, l’armée israélienne ne s’est pas encore retirée de Gaza et elle patrouille. Les entrées des galeries sont discrètes et le trafic se fait en cachette, nuitamment. En effet, lorsque les militaires israéliens découvrent un tunnel, il est immédiatement inondé ou bouché avec parfois des passeurs à l’intérieur. Aujourd’hui, le trafic s’organise presque au grand jour.

La sécurité à la frontière au cœur des négociations

Les Israéliens estiment avoir détruit 60 à 70% des tunnels (500 environ) qu’ils avaient répertoriés mais ils ont promis de recourir de nouveau à la force si le Hamas tente de reconstituer son arsenal. L’état hébreu affirme, en effet, que le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) se fait livrer des armes via ces tunnels et notamment des missiles de moyenne portée de fabrication iranienne. « S’il faut mener de nouvelles opérations militaires pour faire cesser la contrebande, ce sera fait (…) Israël se réserve le droit d’agir contre la contrebande, un point c’est tout », a martelé Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères.

La destruction de ces tunnels était donc un des objectifs de l’offensive israélienne à Gaza. La sécurité à la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza constitue également l’un des principaux points de négociation dans le cadre d’un éventuel accord à long terme entre Israéliens et Palestiniens.

Pour l’instant, les discussions achoppent sur cette question. Depuis les accords de Camp David, 750 militaires égyptiens sont déployés à la frontière. L’Egypte souhaiterait que la communauté internationale lui donne plus de moyens mais refuse le déploiement dans la région d’une force internationale. Quant aux Israéliens, ils excluent de renégocier l’accord initial.

L’Egypte a été accusée, ces derniers mois, de fermer les yeux sur le trafic qui se déroule à Rafah. Le Caire tente de prouver sa bonne volonté. Selon des sources de sécurité égyptiennes, anonymes, des maisons, des immeubles et des fermes ont donc été inspectées ces derniers jours pour trouver les entrées des tunnels côté égyptien. Pour les spécialistes, envisager la fin des tunnels sans accord politique et sans levée du blocus, est tout simplement illusoire.

A écouter

Le coût de la guerre au Moyen Orient

« Etabli avant les récents combats sur la bande de Gaza, le bilan en vie humaine fait état de 5 000 Palestiniens tués et de 10 000 emprisonnés depuis l’an 2000… ».

23/01/2009

Francis Wurtz

« Je retrouve ici, à l’échelle de toute la bande de Gaza, le spectacle de désolation que j’avais trouvé en 2002 à Djénine, après le massacre ».

23/01/2009