Article publié le 13/02/2009 Dernière mise à jour le 13/02/2009 à 20:55 TU
Les nouveaux ministres du gouvernement d'union ont prêté serment devant le chef de l'Etat lors d'une cérémonie officielle dans les jardins de la présidence, le 13 février 2009.
De notre correspondante à Johannesburg, Valérie Hirsch
Morgan Tsvangirai, le chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a beau parler de « tournant historique », les premiers signes ne sont pas encourageants. Mercredi, les généraux de l’armée ont refusé d’assister à l’investiture du Premier ministre et vendredi, le trésorier du MDC, Roy Bennett a été arrêté une heure avant la cérémonie où il devait prêter serment comme nouveau ministre adjoint à l’Agriculture. Bennett venait de rentrer au Zimbabwe, après avoir passé trois ans en Afrique du Sud pour échapper à une inculpation pour une soi-disant «tentative d’assassinat» du président Mugabe. « Cette arrestation témoigne des divisions au sein des dirigeants du régime an place, affirme Daniel Makina, de l’université d’Afrique du Sud. Certains sont contre le changement ». Quelques heures plus tard, Roy Bennet a été inculpé de trahison.
A son retour d'exil, Roy Bennett nommé vice-ministre de l'Agriculture, a été arrêté et inculpé de trahison.
(Photo: Reuters)
Même si Tsvangirai dispose (avec l’appui de la faction dissidente du MDC dirigée par Arthur Mutambara) du soutien de la moitié des 34 ministres et d’une courte majorité au Parlement, il devra composer avec un chef d’Etat hostile, aux pouvoirs étendus. Tsvangirai peut proposer et appliquer les politiques. Mais Mugabe reste le chef du gouvernement et de l’Etat : «Le président peut révoquer un ministre, y compris le Premier, et continue à commander les forces de sécurité, même s’il devra consulter Tsvangirai», note George Katato, de l’Institut sud-africain des relations internationales.
De plus, Mugabe a choisi de s’entourer de durs, en nommant notamment Emmerson Mnangagwa (qui avait dirigé la sanglante répression après la victoire de Tsvangirai au premier tour de l’élection présidentielle en mars 2008) à la Défense. Complexes, les mécanismes de fonctionnement du nouveau gouvernement risquent d’aboutir à d’incessants conflits entre les deux hommes qu’un mur de méfiance sépare.
Une situation économique très sombre
Tsvangirai sera aussi jugé sur sa capacité à améliorer la vie des Zimbabwéens et à redresser l’économie. Alors que 94 % des écoles n’ont pas rouvert à la rentrée de janvier et que l’épidémie de choléra a fait plus de 3 500 morts, le Premier ministre a enjoint les enseignants et le personnel de santé à reprendre le travail dès lundi. Il a promis de payer tous les agents de l’Etat – y compris les militaires - en devises étrangères d’ici la fin du mois. Mais il a admis qu’il ne savait pas où trouver l’argent. Les coffres sont vides, la dette externe atteint 4,7 milliards de dollars et le dollar zimbabwéen a sombré avec l’hyperinflation astronomique. «Mon travail est le pire au monde ! », avoue le nouveau ministre des Finances et homme fort du MDC, Tendai Biti. Jeudi, Tsvangirai a lancé un appel à l’aide internationale : il a besoin de 100 millions de dollars par mois. L’Union africaine a demandé, de son côté, la levée des sanctions internationales.
Pour les Occidentaux, pas question toutefois de donner un chèque en blanc : la nouvelle équipe devra d’abord « donner des preuves tangibles de respect des droits de l’homme, de l’état de droit et de la stabilisation macro-économique », avertit l’Union européenne. « Il faut un véritable partage du pouvoir de la part de Mugabe avant que nous nous engagions », ajoute le porte-parole du département d’Etat, Robert Wood. Jusqu’à présent, les signes ne sont pas encourageants mais il est encore trop tôt pour déchanter.