Article publié le 18/02/2009 Dernière mise à jour le 18/02/2009 à 14:59 TU
Avec notre envoyé spécial à Phnom Penh, Stéphane Lagarde
L’audience a commencé à huis clos. Avocats et procureurs souhaitant en effet établir la liste des témoins sans la présence du public, car certaines victimes disent avoir encore peur des Khmers rouges. « Tant qu’une évaluation des risques n’a pas été arrêtée, aucun nom ne sera prononcé », a insisté le président du tribunal, ce qui a donné l’occasion d'un curieux spectacle.Cinq cents personnes peuvent assister au débat derrière une immense vitre qui protège la cour. Le président a égrené le nom de code des témoins, façon bataille navale : témoin D4, témoin CPPP 22, témoin KW18 et ce, pendant plusieurs dizaines de minutes. Au final, le procureur a demandé 35 témoins pour 40 jours d’audience estimés.
La défense ne s'est pas privée de pointer la longueur des délais. De son côté, elle soumet 13 témoins et avance que pour les interroger, seuls quatre jours lui seront nécessaires. Pour François Roux, défenseur du droit romano-germanique, toutes les questions de procédure ne sont pas tranchées. Certaines mesures d’exception soulevées par la défense seront discutées au moment du deuxième procès.
Une question a été à l’origine d’effets de manches. François Roux, l’un des avocats de Duch et l’un des avocats des parties civiles, se sont tous les deux levés pour défendre le droit romano-germanique. Rappelons qu’il s’agit d’un tribunal mixte, composé de Cambodgiens, d’avocats et de procureurs internationaux.
Les Britanniques, quant à eux, souhaitent que les parties civiles puissent se prononcer sur les peines. Par exemple, avoir des dédommagements, alors qu’une seule réparation collective est possible devant ce tribunal. « Donner ce droit serait une terrible régression de notre droit pénal », insiste François Roux. « Cela nous ramènerait à l’époque de la vengeance ». L'avocat en a appelé à une expertise de Robert Badinter, ancien ministre français de la Justice, pour trancher cette question.
Un procès historique à plus d'un titre |
« Historique », le mot a été employé par l’un des co-procureurs et répété ce mercredi par les avocats de la défense et les avocats des victimes. « Historique » parce qu’il aura fallu dix ans de batailles juridiques pour arriver à ce tout début de procès. Et puis « historique » surtout parce que pour la première fois les victimes ont les mêmes droits que les avocats ou les procureurs dans ce tribunal : « Ce n’est jamais arrivé avant, a rappelé l’avocat de l’accusé, même dans le dossier Lubanga où des parties civiles sont présentes devant la Cour pénale internationale. Même là, celles-ci ne peuvent faire valoir que de leurs préoccupations ». Il n’en reste pas moins que les visages étaient groggy, un peu sonnés, à la sortie de l’audience. Cet après-midi, de nombreuses victimes ont eu droit à des séances d’explications avec leur avocat. Beaucoup d’entre elles nous ont dit être impatientes d’entrer dans le vif du sujet, mais reconnaissaient en même temps qu’elles n’avaient pas tout compris à ces débats très touffus, très techniques. A la nuit tombée, beaucoup sont repartis avec des montagnes de questions qui seront abordées justement lors de la seconde partie du procès. Stéphane Lagarde RFI |
Bruno Carette s’intéresse à ce drame :
Journaliste et documentariste
« Jusqu’à l’arrestation des chefs, le discours des paysans, des Khmers rouges était “fidèle aux chefs”, en disant que les chefs avaient agi pour le bien du peuple. Le discours a un petit peu changé depuis leur arrestation. »