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Chine/France

L’acheteur chinois des bronzes refuse de payer

par Sophie Malibeaux

Article publié le 02/03/2009 Dernière mise à jour le 02/03/2009 à 18:18 TU

La vente spectaculaire des collections de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent vient de connaître un nouveau rebondissement. L’homme qui avait emporté la vente de deux bronzes chinois au cœur d’une polémique avec la Chine -un acheteur chinois- a dévoilé son identité tout en refusant de payer. Tout indique, dans les déclarations du collectionneur chinois, un acte purement nationaliste.

C’est Cai Mingchao, collectionneur et conseiller du Fonds chinois des trésors nationaux qui a acheté les bronzes. (Photo : Reuters)

C’est Cai Mingchao, collectionneur et conseiller du Fonds chinois des trésors nationaux qui a acheté les bronzes.
(Photo : Reuters)

Le voile de mystère qui entourait la vente des deux têtes de bronze dérobées en 1860, lors du sac du Palais d’Eté de Pékin, se déchire avec l’entrée en scène de Cai Mingchao. Le collectionneur chinois a donné ce lundi à Pékin une conférence de presse pour expliquer son geste. « Je l’ai fait au nom du peuple chinois », a-t-il déclaré. « Chaque chinois aurait aimé faire ce que j’ai fait à ce moment là. J’ai l’honneur d’avoir pu remporter l’enchère. » Mais monsieur Cai ajoute qu’il n’est pas question de débourser la somme engagée, à savoir 31,49 millions d’euros pour la tête de rat et la tête de lapin autrefois attachées à une fontaine du Palais d’Eté.

Une manœuvre dilatoire ?

Si comme il l’affirme aujourd’hui, l’acquéreur n’acquitte pas la somme prévue et ne vient pas prendre possession du bien acquis lors de la vente, celle-ci devrait être annulée. En vertu d’un accord passé entre la maison de vente Christie’s et le détenteur des biens, Pierre Bergé, les acheteurs qui se sont manifestés lors de la vente ont un délai de sept jours pour payer et prendre alors possession de l’objet. Au-delà de ce terme, si l’acheteur se défausse, la maison de vente n’a aucun recours contre l’acheteur et la vente peut se voir tout simplement annulée.

Suite à ce coup de théâtre, Christie’s n’a pour l’instant pas souhaité s’exprimer, affirmant que la politique de la maison était généralement de s’abstenir de tout commentaire sur les vendeurs et acheteurs potentiels. Pas davantage d’information sur les suites que le vendeur et la maison de vente envisage de donner à l’affaire. Pierre Bergé pourrait donc se retrouver avec ses bronzes invendus, et éventuellement les remettre sur le marché. Mais tout peut encore arriver avant le 4 mars, date de l’échéance fixée par la maison de vente.

Initiative privée au service de la Chine

Si l’on connaît dorénavant l’identité de l’homme qui participait à la vente, son lien avec les autorités chinoises apparaît également au grand jour. Cai Mingchao se présente comme un acteur privé, mais il est également « conseiller du Fonds des Trésors Nationaux ». Le China Daily précise que ce fonds a été créé en 2002 sous la tutelle de la China Foundation for the development of Social Culture, elle-même enregistrée au ministère de la Culture avec pour mission le rapatriement des antiquités chinoises victimes du pillage.

Le quotidien chinois, qui établit ce lien, cite le directeur adjoint du fonds Niu Xianfeng, selon lequel « le Fond a pris de gros risques et s’est soumis à de fortes pressions en enchérissant pour les deux sculptures ». Et il se félicite : « Ce sont des méthodes extraordinaires prises dans une situation extraordinaire, qui ont permis d’arrêter la vente ». 

Les deux sculptures réclamées par Pékin, une tête de rat et une tête de lapin en bronze, datant du XVIIIe siècle, ont été volées lors du pillage et de l'incendie du palais d'été des empereurs chinois par une expédition franco-anglaise en 1860, lors des guerres de l'opium.  ( Photo : François Guillot/AFP )

Les deux sculptures réclamées par Pékin, une tête de rat et une tête de lapin en bronze, datant du XVIIIe siècle, ont été volées lors du pillage et de l'incendie du palais d'été des empereurs chinois par une expédition franco-anglaise en 1860, lors des guerres de l'opium.
( Photo : François Guillot/AFP )

Un contentieux de plus dans les relations sino-françaises ?  

L’implication de l’Etat chinois dans l’affaire s’est par ailleurs illustrée dans les déclarations à répétition du ministère chinois des Affaires étrangères quelques jours avant le début de la vente. Un communiqué était posté le jour de la vente – mercredi 25 mars – sur le site internet de l’ambassade de Chine à Paris sous le titre : « La Chine s’oppose à la vente aux enchères des biens culturels du Yuanmingyuan. » Les autorités chinoises en profitaient pour rappeler leur attachement à la « récupération des biens culturels illicitement sortis du territoire ». Et de conclure : « Nous espérons que le sentiment et la revendication légitimes du peuple chinois feront l’objet de la compréhension et du respect des parties concernées, et que les objets en question seront restitués à la Chine ».

Interrogé sur ces pressions formulées par le gouvernement Chinois, le ministère français des affaires étrangères a affirmé ne pas avoir de réponse à apporter, dans la mesure où aucune démarche diplomatique n’a été entreprise par les autorités de Pékin auprès de la France.