par Frédérique Misslin
Article publié le 06/03/2009 Dernière mise à jour le 06/03/2009 à 19:11 TU
La secrétaire d'Etat Hillary Clinton (c) en compagnie du chef de la diplomatie européenne Javier Solana (g) et du ministre tchèque des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg à Bruxelles, le 6 mars 2009.
(Photo : Reuters)
L’idée d’impliquer l’Iran dans les efforts de stabilisation en Afghanistan gagne du terrain et apparaît comme un moyen pour la nouvelle administration américaine d’ouvrir le dialogue avec Téhéran sur un sujet moins épineux que le nucléaire. Une stratégie qui n’est pas nouvelle puisque la France a récemment convié les Iraniens à se joindre à une réunion sur l’Afghanistan mais Téhéran a décliné l’invitation. Cette fois, Hillary Clinton espère que l’Iran acceptera de participer à la grande conférence internationale prévue le 31 mars prochain, sans doute aux Pays-Bas ou à Bruxelles.
Au moment où Washington annonce l’envoi en Afghanistan de 17 000 soldats supplémentaires, la secrétaire d’Etat américaine veut croire que les Iraniens viendront « avec des solutions des idées constructives ». La rencontre, qui doit réunir près d’une cinquantaine de pays, sera organisée sous l’égide de l’ONU, ce qui permet à Washington de sauver la face si l’Iran joue la politique de la chaise vide. En revanche, si les Iraniens acceptent, le contact pourra être établi.
Les Américains et les Iraniens discutent déjà sur l’Irak par exemple mais les deux pays n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis la crise des otages en 1980. Pourtant, depuis l’été dernier, la rumeur circule quant à l’ouverture à Téhéran d’un « bureau » américain à l’instar de ce qui existe à Cuba où les diplomates américains travaillent sous pavillon suisse.
Une stratégie régionale
L’Iran a de nombreuses raisons d’accepter l’invitation des Etats-Unis, c’est en tout cas l’analyse d’Hillary Clinton, qui souligne que Téhéran « s'inquiète beaucoup, par exemple, de l'importation dans le pays de drogues en provenance de l'Afghanistan voisin ». La question des réfugiés est également au cœur de la problématique. Près d’un million d’Afghans sont officiellement enregistrés en Iran après avoir fuit la guerre dans leur pays, sans compter les clandestins. Ce que ne dit pas Hillary Clinton mais que laisse entendre l’ambassadeur afghan aux Etats-Unis, Said Tayeb Jawad, c’est que l’influence iranienne se fait de plus en plus forte dans son pays : « l’Iran y joue un jeu tout à fois constructif et destructeur », précise le diplomate.
Soutien historique des forces de l’Alliance du nord, Téhéran a applaudi lorsque le régime des talibans est tombé mais George Bush a très vite inclus les Iraniens dans « l’axe du mal » au lendemain des attentats du 11-Septembre. Alors, depuis 2002, les Iraniens aident et investissent en Afghanistan, ils construisent des routes, des hôpitaux, des écoles mais des armes traversent aussi la frontière et, selon les Américains, elles sont ensuite utilisées contre les forces de la coalition. L’Afghanistan est aujourd’hui coincé entre deux feux : sa sécurité dépend de l’OTAN et des Etats-Unis mais il partage une très longue frontière avec l’Iran qui restera un voisin, quoi qu’il arrive.
La carotte et le bâton
L’administration Obama semble se lancer dans une vaste révision de sa tactique dans ce pays. Hillary Clinton souligne qu’il convient désormais d’englober Afghanistan et Pakistan dans une même approche stratégique. « Nous devons reconnaître qu’un tout petit coin reculé du monde –les frontières du Pakistan- est le centre nerveux des extrémistes qui ont conçu les attentats du 11-Septembre ceux de Madrid et Londres et le récent massacre de Bombay », a affirmé la secrétaire d’Etat américaine à ses alliés de l’OTAN. Alors pourquoi ne pas en profiter pour établir le dialogue avec Téhéran ? En invitant les Iraniens à participer à cette conférence internationale, les Etats-Unis concrétisent leur politique annoncée de main tendue mais avec prudence et sans naïveté.
Washington reste ferme sur le dossier du nucléaire mais pas seulement. Hillary Clinton a accusé cette semaine le guide suprême iranien Ali Khamenei d’ingérence dans les affaires palestiniennes. Elle a aussi exprimé son inquiétude quant au sort de la jeune américano-iranienne Roxanna Saberi. Cette journaliste indépendante est détenue depuis plus d’un mois par les autorités iraniennes. Téhéran affirme aujourd’hui que la libération de la jeune femme est imminente.
Si Téhéran accepte de participer à la conférence internationale sur l’Afghanistan ce sera évidemment un signe de décrispation dans les relations américano-iraniennes mais, une fois les contacts engagés, comment amener l’Iran à renoncer à son programme nucléaire ? La question reste entière. Les Etats-Unis placent leurs pions en attendant le résultat de l’élection présidentielle qui doit avoir lieu en juin prochain en Iran mais aussi en Afghanistan.
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