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Salvador

La présidentielle ravive des rivalités datant de la guerre civile

par Frédérique Misslin

Article publié le 13/03/2009 Dernière mise à jour le 15/03/2009 à 06:42 TU

La campagne électorale a été brutale. La droite craint de perdre le pouvoir dans un pays qu’elle dirige depuis 20 ans. L’Alliance nationale républicaine (ARENA) ne peut revendiquer qu’un bilan mitigé, elle a donc axé sa communication sur un objectif : « Barrer la route aux Rouges ». Les anciens guérilleros du FMLN tentent eux d’adoucir leur image, de rassurer les électeurs avec un slogan : « Le changement dans la sécurité ». Dimanche, la gauche salvadorienne a des chances de l’emporter, mais a-t-elle vraiment abandonné le modèle autoritaire ?

Le candidat de gauche du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN) aux élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu de ses partisans, à La Herradura, le 10 mars 2009.(Photo : Reuters)

Le candidat de gauche du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN) aux élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu de ses partisans, à La Herradura, le 10 mars 2009.
(Photo : Reuters)

 
Mauricio Funes, ancienne vedette du petit écran et candidat à la présidence du Salvador, s’est voulu rassurant pendant toute la campagne. Au nom de l’ancienne guérilla de gauche du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN), il a d’ores et déjà promis que le Salvador demeurerait un allié convaincu de Washington s'il devenait président, et non un « satellite » du Venezuela et des autres forces de gauche de la région, comme l'affirment ses adversaires de droite.

L’ARENA, l’Alliance nationale républicaine, n’a pas ménagé ses efforts pour effrayer l’électorat : la télévision diffuse en boucle depuis des semaines des scènes de guerre urbaine et des soldats en tenue de camouflage. Sans subtilité, le message prend la forme d’un avertissement : si Mauricio Funes devient président, le pays sera happé par le  « camp socialiste » latino-américain. L’ancien présentateur du journal télévisé a pourtant deux atouts : il est très populaire, et ne ressemble pas à un militaire. L’ARENA a choisi de lui opposer l’ancien chef de la police nationale : Rodrigo Avila.

Des relents de Guerre froide

Ce que craignent finalement les Salvadoriens, c’est la réédition de la guerre civile qui a ensanglanté leur pays pendant 12 ans. Soixante-quinze mille victimes, des cas de torture, des escadrons de la mort…L’accord de paix de Chapultepec, en 1992, permet de mettre fin au carnage, et au FMLN de déposer les armes et de participer au processus politique.

Les anciens guérilleros ont remporté les dernières élections législatives et municipales mais la présidence leur a toujours échappé. Ils se disent aujourd’hui persuadés que le parti au pouvoir à l’intention de bourrer les urnes dimanche.

Le candidat de droite de l’Alliance nationale républicaine (ARENA) aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009.(Photo : Reuters)

Le candidat de droite de l’Alliance nationale républicaine (ARENA) aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009.
(Photo : Reuters)

 
L’ARENA, elle, s’appuie sur l’élite économique du pays, mais ses programmes sociaux lui ont permis de remporter les 4 dernières présidentielles. Rodrigo Avila a passé une grande partie de sa campagne à inaugurer des centres de santé et des logements sociaux. Pourtant, le bilan politique des années de pouvoir de l’ARENA reste mitigé : la pauvreté affecte la moitié des Salvadoriens, 40% de la population est au chômage, et dans les quartiers défavorisés, ce sont les gangs, les fameux « Maras », qui font la loi sur fond de violence et de trafic de drogue.

En 2001, les autorités salvadoriennes ont décidé d’abandonner la monnaie nationale (le colon) au profit du dollar. La gauche a dénoncé cette dollarisation mais n’envisage pas aujourd’hui de la remettre en cause. Il faut dire que la crise internationale offre peu d’options aux Salvadoriens. Ils sont nombreux à avoir choisi d’émigrer aux Etats-Unis, l’argent qu’ils renvoient au Salvador représente 18% du produit intérieur brut.

L’ombre d’Hugo Chavez

Les Etats-Unis, dont l'intervention avait été décisive en faveur du pouvoir actuel dans la guerre civile et qui pèsent sur l'économie « dollarisée » du pays, sont directement intéressés par les résultats de l’élection. L’ARENA a reçu le soutien de 46 congressistes américains qui ont écrit à Hillary Clinton : « La victoire de Funes serait porteuse de menaces potentielles pour nos intérêts de sécurité nationale ».

La droite accuse en effet Mauricio Funes d’être une marionnette aux mains des anciens guérilleros. Les partisans de l’ARENA répètent que « sous la droite, le pays a connu la liberté, notamment religieuse et la prospérité économique ».

A gauche, avec autant de ferveur, on rétorque : «  Les patrons ont peur, ils pensent que nous allons devenir comme Cuba ou le Venezuela, mais c’est un mensonge ». Mauricio Funes revendique en effet une filiation plus brésilienne (même si Hugo Chavez a apporté son soutien financier à la campagne du FLMN).  « La gauche que je représente est la gauche salvadorienne », martèle-t-il. Le FMLN a « évolué », selon lui et il en veut pour preuve son slogan : « Le changement dans la sécurité ». Mauricio Funes promet de « construire des ponts avec l’élite économique conservatrice », comme le président Lula, mais sera-t-il suivi par la direction de son parti ?

Les derniers sondages donnaient Rodrigo Avila et Mauricio Funes au coude à coude. Le vainqueur de cette élection présidentielle devra prendre en compte un élément majeur lors de son entrée en fonction : au sein du Parlement salvadorien, aucun parti ne dispose d’une majorité claire. Le scrutin aura valeur de test démocratique.

Mauricio Funes, candidat de la gauche, et favori du scrutin : Le mauvais bilan de l'ARENA, même en matière de criminalité

« L'ARENA a fait du Salvador le pays le plus violent de la région latino-américaine... Quand nous disons que son candidat été deux fois directeur de la police, et qu'il a échoué... on ne le dénigre pas et on ne le diffame pas...»

15/03/2009 par Mauricio de la Torre