par Frank Weil-Rabaud
Article publié le 09/04/2009 Dernière mise à jour le 09/04/2009 à 16:08 TU
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad (c), lors de l'inauguration d'une usine de combustible nucléaire à Isfahan, le 9 avril 2009.
(Photo : AFP)
Inculpée d’espionnage, la journaliste américano-iranienne Roxana Saberi risque désormais la peine de mort. Cette décision apparaît comme un rejet du geste d’ouverture qu’avait constitué les vœux adressés au peuple et aux dirigeants iraniens à l’occasion de Nowruz, le nouvel an perse. Elle indique surtout que le régime de Téhéran n’a toujours pas tranché la question délicate de ses rapports avec la nouvelle administration américaine. Car dans le même temps, en acceptant de participer fin mars à La Haye à la conférence internationale consacrée à l’Afghanistan, l’Iran avait semblé prête à entamer une nouvelle coopération sur des questions régionales. Mais l’essentiel est ailleurs. C’est bien sur le dossier nucléaire que se joue véritablement la possibilité d’une reprise du dialogue entre la République islamique et les Etats-Unis.
La diplomatie à tout prix
En invitant l’Iran à un dialogue direct sans poser en préalable la suspension du programme d’enrichissement d’uranium, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne rompent avec une politique en vigueur depuis plus de trois ans.
C’est le 29 mars 2006 que l’ONU s’est officiellement saisie du dossier nucléaire iranien. La présidence du Conseil de sécurité avait alors appelé les autorités de Téhéran à suspendre l’enrichissement d’uranium et les activités qualifiées de douteuses dans un rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique daté du 27 février 2006. Mais aucune menace de sanctions n’était encore brandie.
Ce n’est que le 23 décembre 2006 que le Conseil de sécurité impose un premier volet de sanctions. Il prévoit alors le gel des avoirs financiers de certains responsables iraniens ainsi qu’un embargo sur tout matériel pouvant servir à un programme nucléaire militaire ou balistique. Ces sanctions seront renforcées et couplées avec un embargo sur les ventes d’armes le 24 mars 2007. La Russie, principal fournisseur de l’Iran, obtient toutefois que l’embargo sur les armes ne s’applique pas aux contrats déjà signés et qu’il n’interdise pas formellement la vente de matériel militaire.
Toutes ces sanctions ne semblent guère influencer le régime iranien. Le 24 mars 2007, le ministre iranien des Affaires étrangères Manoucher Mottaki qualifie la résolution de l’ONU « d’illégale, d’inutile et d’injustifiable ». Depuis, l’Iran n’a pas varié dans sa volonté de poursuivre son programme d’enrichissement, affirmant ne poursuivre que des objectifs à caractère civil.
En renonçant à leur préalable, les six pays en pointe dans cette négociation offre à la République islamique un moyen de sortir de l’impasse. Sans compter que le président Barack Obama, dans ses vœux à l’Iran, a clairement laissé entendre que son pays n’envisageait plus l’éventualité de recourir à l’option militaire pour régler ce contentieux.
Cette hypothèque levée, les Etats-Unis peuvent ainsi s’assurer du soutien, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, des deux alliés de l’Iran que sont la Chine et la Russie. Par la voix de son chef de la diplomatie, la Russie a d’ailleurs montré son attachement à la recherche d’une solution diplomatique sur ce dossier nucléaire. Sergueï Lavrov a estimé que « l'Iran doit tous nous convaincre du caractère exclusivement pacifique de son programme nucléaire. Il n'existe aucune preuve de l'existence d'une dimension militaire de ce programme. Mais beaucoup de pays et l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) ont des questions à propos desquelles l'Iran doit apporter des éclaircissements ».
La proposition des Occidentaux d’une rencontre directe pourrait être l’occasion pour l’Iran d’apporter ses éclaircissements. Les autorités de Téhéran laissent d’ailleurs entendre leur intérêt pour une telle réunion. « Cette proposition doit être examinée. Mais il s'agit d'une proposition constructive et d'un changement d'attitude. La République islamique d'Iran examinera cette proposition et donnera sa réponse », a déclaré à l’Agence France presse Ali Akbar Javanfekr, un proche conseiller du président Mahmoud Ahmadinejad.
Parallèlement, ce jeudi, à l’occasion de la journée du nucléaire en Iran, Mahmoud Ahmadinejad a inauguré à Ispahan la première usine de production de combustible. L’Iran contrôle désormais l’ensemble de la chaîne nucléaire. Avec cette question en suspens depuis des années : la République islamique est-elle en mesure de produire suffisamment de combustible enrichi pour envisager la production d’une arme atomique ?
Les experts internationaux divergent sur ce point mais ils s’accordent pour reconnaître que l’opacité entretenue par les autorités iraniennes ne plaide guère en leur faveur. Le président Ahmadinejad a toutefois assuré ce jeudi à Ispahan que « l’Iran n’a jamais cherché à avoir la bombe. Le temps des bombes et des armées est révolu ».
Une fois encore, l’offre de dialogue présentée par les puissances occidentales constitue une occasion unique pour l’Iran de faire la preuve de sa bonne foi. Reste à savoir si la République islamique saisira cette occasion. Le guide suprême de la Révolution, qui concentre l’essentiel du pouvoir en Iran pourrait choisir de temporiser jusqu’à l’issue de l’élection présidentielle iranienne en juin prochain.