par Sophie Malibeaux
Article publié le 13/04/2009 Dernière mise à jour le 13/04/2009 à 20:39 TU
Manifestation de la diaspora sri-lankaise devant la résidence du gouverneur général australien et non loin de celle du Premier ministre, dans le but d'obtenir du gouvernement australien qu'il demande au gouvernement sri-lankais un cessez-le-feu durable, à Sydney, le 13 avril 2009.
(Photo : AFP)
Sans aucune solution politique en vue, le gouvernement de Colombo tente d’isoler les derniers combattants LTTE retranchés sur une bande de terre d’une quinzaine de kilomètres carrés dans le nord-est du Sri Lanka. Le président Rajapakse qui se faisait fort d’éliminer les dernières résistances du mouvement séparatiste avant le tournant de l’année 2008, éprouve des difficultés inattendues. Après la prise de Kilinochi, le 2 janvier, puis de Mullaittivu le 25 janvier 2009 – la dernière ville garnison des LTTE – l’armée sri-lankaise a désormais le contrôle des axes d’approvisionnement et peut organiser un véritable blocus autour du dernier bastion rebelle. Mais la présence de dizaines de milliers de civils gêne l’avancée des troupes sri-lankaises.
Les populations civiles prises entre deux feux
Dans un premier temps, les autorités ont commencé par contester les évaluations des Nations unies sur le nombre de civils tués et menacés par les tirs de l’armée et des rebelles dans la zone dite « démilitarisée ». Quand les autorités admettent la présence de quelques 70 000 civils, les Nations unies avancent, elles, le chiffre de 150 000 voire 180 000 personnes. Surtout, les déclarations (le 13 mars 2009) de Navi Pillay, Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, sur la mort de quelques 2 800 civils (et 7 000 blessés) depuis le 20 janvier 2009 ont fait l’effet d’une bombe, le gouvernement sri-lankais déclinant toute responsabilité dans ce massacre, et retournant l’argument contre les Tigres tamouls, accusés de se servir des civils comme de bouclier humains.
La responsable onusienne n’exclut pas cette hypothèse, mais ses déclarations incriminent les deux parties. Navi Pillay fait remarquer que la communauté internationale s’inquiète de ce qui pourrait bien apparaître comme la perpétration de « crimes contre l’humanité ». Le mot est lâché, mais les hostilités ne cessent pas pour autant.
Les autorités dénoncent la propagande tamoule
Le jeudi 9 avril 2009, le site d’information en ligne Tamilnet.com en appelle de nouveau à la communauté internationale pour faire cesser les bombardements de l’armée sur la zone démilitarisée. Le site tamoul indique que les bombes sri-lankaises seraient tombées à proximité d’un centre pour l’alimentation des enfants et auraient fait 129 morts. Le gouvernement réfute ces allégations. « Il s’agit d’inventions de la part des LTTE afin d’attirer l’attention de la communauté internationale et de faire monter la pression pour un cessez-le-feu qui permettrait aux leaders des Tigres d’échapper à l’armée », déclare le 9 avril 2009 le porte-parole de l’armée Udaya Nanayakkara. De fait, le cabinet du président Rajapakse se réunit et décide finalement d’instaurer une trêve provisoire.
Même s’il est impossible de savoir si les civils pourront ainsi quitter la zone à la faveur de cette accalmie, les autorités pourront –elles- se targuer d’avoir fait une concession. Pourtant, les humanitaires en témoignent, l’accès aux déplacés demeure extrêmement restreint, alors que les besoins sont énormes. Avant même d’envisager l’arrivée des derniers civils retenus dans l’enclave démilitarisée, ils sont déjà près de 60 000 entassés dans des camps, entourés de barbelés dans le Wanni, la région où se déroulent les derniers combats, et plus précisément à Vavunia, une localité qui ne dispose pas des infrastructures suffisantes.
« Cette trêve doit permettre aux civils de quitter la zone de conflit. »
Le « non » à la médiation norvégienne
Preuve que ce cessez-le-feu n’est en aucun cas une tentative en vue de la reprise du dialogue avec la rébellion, les autorités sri-lankaises ont également choisi ce lundi 13 avril 2009 de remercier définitivement les Norvégiens, sous l’égide desquels un accord de cessez-le-feu avait été conclu en février 2002. « La Norvège n’a plus sa place pour agir en tant que médiateur pour la paix », a affirmé un responsable gouvernemental à l’Agence France Presse, précisant qu’un courrier officiel avait été remis à l’ambassadeur de Norvège à Colombo. Ce sont des incidents ce week-end à Oslo qui semblent avoir précipité la décision sri-lankaise. Les manifestants pro-Tamouls ayant réussit à pénétrer dans l’ambassade du Sri Lanka à Oslo. Les excuses du ministre norvégien des Affaires étrangères n’y ont rien fait.
De longue date, Colombo se plaint de l’attitude des Norvégiens et autres médiateurs scandinaves, qu’ils accusent de faire le jeu des séparatistes. De fait, cette médiation était devenue pratiquement caduque depuis la dénonciation de l’accord par le gouvernement sri-lankais le 2 janvier 2008.
Désormais, Colombo n’affiche qu’un seul objectif : venir à bout de la rébellion par la force. C’était une promesse électorale de Mahinda Rajapakse en 2005 et c’est notamment sur ce thème qu’il a remporté la dernière échéance présidentielle de novembre 2005. Un scrutin boycotté par les populations tamoules sur injonction des Tigres qui avaient eux-mêmes décidé d’en découdre.
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