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Sri Lanka

Les combats reprennent après la trêve

Article publié le 15/04/2009 Dernière mise à jour le 15/04/2009 à 21:06 TU

Les combats ont repris de plus belle au Sri Lanka. Après un cessez-le-feu de 48 h, l’armée a poursuivi son offensive dans le nord de l’île où sont retranchés les rebelles des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et avec eux des dizaines de milliers de civils pris au piège.

Un soldat dans une des rues de Colombo, le 15 avril 2009.(Photo : Reuters)

Un soldat dans une des rues de Colombo, le 15 avril 2009.
(Photo : Reuters)

Dossier préparé par Sophie Malibeaux, Mélanie Delaunay, Nicolas Vescovacci et Stéphane Lagarde

La trêve n’aura duré que le temps des fêtes bouddhiques célébrées par la majorité cinghalaise (bouddhiste) et la minorité tamoule (hindouiste). Le chef de l’Etat a accordé « deux jours de vacances à l’armée», ironisaient les rebelles. A peine la nouvelle année enterrée, les canons se sont donc remis à tonner. La marine a ouvert le feu sur deux embarcations de la guérilla qui tentaient de s’approcher des côtes, affirment les militaires. Dix hommes du LTTE ont été tués précise le communiqué. Ils tentaient certainement de rejoindre cette très fine bande de terre dans le département de Mullaittivu. Une lagune de 15 km2 où sont retranchés les derniers combattants tamouls.

Civils pris au piège

Les Tigres ont perdu la guerre contre l’armée gouvernementale, mais pas encore la bataille. Depuis des semaines, Colombo parle de la fin d’une offensive. Une « der des ders » qui s’éternise et s’explique en partie par la présence des civils piégés dans la zone de conflit. « Sur le plan conventionnel, nous sommes entrés dans la dernière phase des combats, explique Paikiasoty Saravanamuttu. Mais celle-ci s’éternise à cause du nombre très élevé de civils qui sont pris au piège dans cette zone de quelques kilomètres carrés, poursuit le directeur du Centre de politique alternative de Colombo. De plus, les belligérants sont incapables de se mettre d’accord sur une sorte de cessez-le-feu  pour permettre l’évacuation des civils. Alors l’armée grignote chaque jour un peu de terrain et se rapproche de la soit- disant zone protégée. Nous sommes dans la dernière phase de la guerre. Seulement, personne ne peut dire combien de temps cela va durer. » Selon les Nations unies près de 100 000 personnes seraient toujours prises entre deux feux, coincées sur ce dernier carré de jungle au nord-est de l’île.

La communauté internationale ne cache pas son inquiétude. Ce mercredi, plusieurs organisations des droits de l’homme ont redemandé l’intervention du Commonwealth afin de faire cesser les hostilités. « En ce moment, la situation humanitaire se détériore confie Sarasi Wijeratne, porte-parole de la Croix Rouge Internationale au Sri Lanka. Il y a des dizaines de milliers de personnes qui ont été déplacées. Elles sont confinées sur une bande de terre le long de la côte et ces personnes sont en situation de danger physique…il y a un risque d’épidémie dû à la rareté de l’eau potable et des conditions sanitaires ».

Belligérants jusqu'au-boutistes 

Appuyés par la mobilisation d’une forte diaspora qui multiplie les manifestations et notamment à Londres où 100 000 personnes ont défilé ce week-end, les rebelles tamouls se disent prêts à conclure un cessez-le-feu sous l’égide de la communauté internationale mais refusent de se rendre. Le président Mahinda Rajapakse est un nationaliste cinghalais fervent. Il a promis de se débarrasser de la rébellion.

Pour les autorités de Colombo, la trêve réclamée par les humanitaires donnerait à la guérilla l’occasion de reconstituer ses forces. Les Tigres utilisent les civils comme bouclier humain et retiennent les populations en otage ressassent les médias. « Il n’y a pas de problème, insiste Palitha Korona, le secrétaire d’Etat sri-lankais aux Affaires étrangères. Nous prenons grand soin de tous les réfugiés, d’accord ! Qu’est-ce que vous voulez de plus ? Demandez aux Tigres de faire la même chose, nous, nous avons fait le cessez-le-feu. Nous avons fait notre travail. »

Cette vision n’est évidemment pas partagée par les rebelles. Selon le Tamil net, l’armée gouvernementale aurait tiré au canon de mortier et à la mitrailleuse sur les zones dites « sécurisées » entre 7h40 et 10h40 heure locale. Il y aurait eu un « carnage » affirme le site d’information des Tigres, au moins 180 civils ont été tués.

Guerre des communiqués. Pour les autorités cinghalaises au contraire ce sont des snipers rebelles dissimulés dans la population qui ont tiré sur les réfugiés qui fuient par centaines via les zones démilitarisées. « Ces deux dernières semaines, 1000 personnes arrivent par jour dans les camps de déplacés mis en place par l’armée sri-lankaise, explique une responsable d’organisation non gouvernementale sous couvert d’anonymat. Ils  viennent par bus de la zone de conflit. Ils se retrouvent dans des camps entourés par des barbelés. Ils ne peuvent pas sortir et c’est très difficile pour les ONG d’obtenir des autorisations d’accès. »    

Une guerre sans observateur 

Difficile de savoir ce qui se passe dans les camps de réfugiés. Les journalistes comme les humanitaires peuvent difficilement approcher de la zone de combats. Colombo a par ailleurs fait savoir lundi que la Norvège ne pourrait plus servir d'intermédiaire entre le gouvernement et les  Tigres du LTTE. Dans son message de Nouvel an, le chef de l’Etat a pourtant promis « la liberté et la prospérité » à ses concitoyens tamouls. Ce n’est pas la réalité que semble vivre cet avocat tamoul joint par RFI à Vavuniya où se trouveraient près de 60 000 déplacés. « Les écoles les plus grandes de la ville ont été transformées en camps par l’armée, explique notre interlocuteur qui se dit sur écoute. Les gens sont installés provisoirement par les autorités gouvernementales  dans ces écoles. Il y a foule. Nous n’avons pas le moindre espace privé. Personne n’est autorisé à quitter ces endroits surpeuplés. Ils manquent de capacités d’accueil en particulier pour les femmes et les enfants. Ils souffrent dans ces camps. Ils manquent de toilettes, de nourriture. Il n’y a pas  les équipements de base, regrette encore cet avocat qui reconnait dans le même temps que les Tigres tamouls retiennent en otage les civils.

Les populations n’ont ainsi plus qu’à espérer une fin rapide des hostilités. « Si l’armée sri-lankaise conquiert la dernière bande de territoire contrôlée par les Tigres (…) cela signifiera la défaite des Tigres tamouls et une sorte de réédition, conclut Paikiasoty Saravanamuttu, le directeur du Centre de politique alternative de Colombo. Ensuite, la priorité sera de s’occuper des civils pris au piège, qui vivent depuis plus de deux mois dans des conditions terribles.C’est à ce moment là que nous entrerons dans un scénario d’après-guerre. Ce qui ne veut pas dire la fin du conflit. La fin du conflit viendra lorsqu’il y aura des négociations entre les deux parties. Y’a-t-il un petit espoir ? J’aurai tendance à penser que c’est possible mais le gouvernement de Colombo va devoir véritablement démontrer qu’il est prêt à s’engager sur la voie d’un règlement politique. »

La diaspora manifeste à Paris

La manifestation de la diaspora tamoule à Paris, le 14 avril 2009.(Photo : M. Delaunay / RFI)

La manifestation de la diaspora tamoule à Paris, le 14 avril 2009.
(Photo : M. Delaunay / RFI)

Alors que les combats ont repris au Sri Lanka, la communauté tamoule reste mobilisée à travers le monde. Elle organise des manifestations pour réclamer l’évacuation des civils et l’arrêt du conflit. Samedi 11 avril, ils étaient 100 000 à protester à travers toute l’Europe. A Paris, des manifestations ont lieu quotidiennement depuis dix jours, entre le Trocadéro et l’Ecole militaire. Des manifestations où flottent les drapeaux des Tigres tamouls. Considérés comme une organisation terroriste par l’Union Européenne, les Tigres restent des libérateurs aux yeux des manifestants souvent désespérés par le conflit. Pour se faire entendre, quatre jeunes hommes sont en grève de la faim depuis une semaine.

Les Tamouls de France au Trocadéro

« Les manifestants espèrent un geste de la communauté internationale. »

15/04/2009 par Mélanie Delaunay