Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sri Lanka

Les Nations unies évacuent des centaines de blessés

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 29/01/2009 Dernière mise à jour le 29/01/2009 à 14:01 TU

Des blessés et surtout des enfants sont transportés en zone militaire gouvernementale pour y recevoir des soins. (22 janvier 2009).(Photo : Reuters)

Des blessés et surtout des enfants sont transportés en zone militaire gouvernementale pour y recevoir des soins. (22 janvier 2009).
(Photo : Reuters)

Des équipes des Nations unies ont évacué ce jeudi du nord-est de l'île, 350 personnes grièvement blessées, parmi lesquelles 50 enfants. Ces 350 civils ont réussi à franchir la ligne de front. Selon un porte-parole de l’ONU à Colombo, elles ont ensuite été transportées vers un hôpital, plus au sud, en zone gouvernementale. Reste que la guérilla indépendantiste des Tigres de l’Eelam tamoul et l'armée continuent de s’affronter sur un territoire réduit de 30 km², où 250 000 personnes sont prises au piège des combats. Différentes organisations non gouvernementales ainsi que plusieurs gouvernements occidentaux demandent aux belligérants d’autoriser un libre accès des humanitaires aux zones de conflit afin de venir en aide aux populations. Sur le terrain, la guerre semble toujours l’emporter : ni le gouvernement de Colombo, ni la rébellion n’ont pour le moment annoncé un cessez-le-feu.

Sur un territoire moins grand que la bande de Gaza, une bande de terre collée à l’océan indien, 250 000 personnes sont prises au piège des combats. Ces populations démunies, en très grande majorité tamoule, assistent dans le plus grand désarroi à l’épilogue militaire d’un conflit vieux de trente sept ans.

Après la prise de la capitale politique des Tigres tamouls, le 2 janvier 2009, puis la capture, le 25 janvier de Mullaïttivu, le dernier bastion indépendantiste, l’armée sri-lankaise semble en mesure de remporter l’ultime bataille. Celle qu’elle a appelé « l’offensive finale » afin de prendre le contrôle des derniers territoires défendus par quelque 2 000 rebelles dispersés dans la jungle.

Le huis clos militaire

L’armée sri-lankaise contrôle désormais, trois points stratégiques : Elephant pass, Kilinochchi et Mullaïttivu, ce qui lui permet de ravitailler ses soldats en armes et en munitions sans grandes difficultés. Cet avantage stratégique est mis au service d’une propagande politique et militaire. Le chef d’état-major des forces armées du Sri Lanka, le général Sarath Fonseka explique régulièrement que la fin de la rébellion est proche. Quant au président de la République, Mahinda Rajapaksa, il clame qu’il est en passe de tenir son pari électoral fait en 2005 au moment de son élection : « écraser la rébellion et réunifier le Nord avec le Sud ». Mais sur le terrain, aucun journaliste indépendant n’est en mesure de vérifier les faits. Nous assistons à un huis clos militaire ponctué de communiqués publiés par les deux parties.

Les combats se concentrent dans une bande terre au nord-est du pays.DR

Les combats se concentrent dans une bande terre au nord-est du pays.
DR

L’armée sri-lankaise étale chaque jour ses conquêtes militaires. Cartes et chiffres à l’appui, elle assure que ses hommes progressent à partir de Mullaïttivu, vers le nord, le long du littoral. Ces dernières 48h, le ministère de la Défense précise avoir percé les lignes des rebelles sur 30 km, grâce à son infanterie et son artillerie. Elle affirme aussi étendre ses opérations vers l’ouest afin de prendre en étau les dernières poches de résistance.

La phase militaire est quasiment terminée, pas le conflit

Dans l’autre camp, les « Tigres des mers » et les « Tigres volants », la minuscule marine et l’embryon d’armée de l’air de la rébellion sont probablement hors d’état de nuire. Privés d’une grande partie de leurs moyens conventionnels, les Tigres tamouls sont, semble-t-il, obligés de céder du terrain. La plupart des spécialistes de la défense insistent aujourd’hui sur la faiblesse militaire de la rébellion face à une armée organisée et surtout bien ravitaillée. Toutefois, il ne faut pas oublier que les combattants tamouls sont tout aussi déterminés que les autorités cingalaises à Colombo. Ils défendront et suivront leur leader, Velupillaï Prabhakaran, quel que soit le résultat de l’offensive de l’armée sri-lankaise.

Autrement dit, même sans territoire à défendre, les Tigres tamouls ont suffisamment de ressources pour continuer leur combat. Sous-estimer leur capacité de nuisance, serait une erreur. Ce sont eux qui ont inventé dans les années 1970, le mode opératoire des attentats suicide. « La phase militaire est terminée, mais le conflit va continuer », résume le politologue Jayadeva Uyandgoda, de l’université de Colombo.

Les Tigres tamouls enchainent depuis des mois les défaites militaires et leur « mini-Etat », autrefois contrôlé par des gardes frontières ainsi qu’un un système développé de visas et de taxes n’existe plus. Ils ont dû abandonner l’essentiel de leurs infrastructures administratives et militaires. Mais les guérilléros les plus connus d’Asie n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Au cours des trente sept années de violences, ils ont souvent déjoué les pronostics annonçant l’anéantissement de la rébellion, considérée comme l’un des mouvements insurrectionnels les mieux organisés au monde.

Populations en danger

Les considérations stratégiques et militaires ne doivent pas faire oublier le sort des populations prises entre deux feux. Depuis décembre 2008 et l’intensification des combats, 250 000 personnes sont ballotées au gré des attaques et des bombardements qui ont fait plusieurs centaines de morts parmi les civils. Les Nations unies, le Comité international de la Croix Rouge et certains gouvernements, comme celui du Canada ou de la Norvège ont appelé, ces derniers jours, les deux parties à la retenue pour que les organisations internationales puissent avoir accès aux zones de conflit. Les Tigres tamouls parlent « d’un génocide en cours » mais n’hésitent pas à utiliser la population comme bouclier humain.

En début de semaine, les rebelles séparatistes ont par exemple empêché une vingtaine de véhicules affrétés par le Comité international de la Croix Rouge (CICR) et les Nations unies d’accéder à un dispensaire du département de Mullaïtivu. Ce convoi d’ambulances devait emmener plusieurs centaines de patients vers un hôpital gouvernemental. Le gouvernement de Colombo s’est emparé de cette histoire pour dénoncer le double langage de la rébellion.

Sophie Romanens

Porte-parole de la Croix Rouge à Colombo

« On vient d’escorter un convoi qui a pu emmener 226 personnes malades ou blessées, depuis le Wanni, donc depuis la zone sous contrôle LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul), jusqu’en zone gouvernementale, dans un hôpital où ils pourront avoir tous les traitements médicaux dont ils ont besoin. »

29/01/2009 par Stéphane Lagarde

Bloqués depuis plusieurs jours dans le secteur de Puthukkudiriruppu, juste derrière la ligne de front des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, les véhicules ont enfin pu, ce jeudi, évacuer des centaines de civils grièvement blessés. Ce dernier développement est salué comme une « bonne nouvelle » par Sophie Romanens. Mais la porte-parole du CICR à Colombo reste très inquiète. Des centaines de milliers de personnes sont toujours livrées à elles-mêmes dans un petit territoire, sans véritables moyens de subsistance, sans aucune issue. « Nous travaillons quotidiennement avec les deux parties pour trouver des solutions à la crise », explique Jon Hanssen-Bauer.

L’ancien médiateur norvégien du conflit sri-lankais n’a plus de fonction officielle auprès des belligérants depuis 2007 mais continue « officieusement », dit-il, à s’impliquer au nom de son gouvernement. Jon Hanssen-Bauer en est persuadé : « il n’y a pas de solution militaire au conflit sri-lankais ». Seule une solution politique négociée peut en effet ramener la paix dans l’île. Soutenu par son opinion publique, le gouvernement de Colombo a pourtant choisi de jeter toutes ses forces dans la guerre. La rébellion tamoule résiste. Mais jusqu’à quand ?