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Justice

Fofana devant ses juges

par Franck Alexandre

Article publié le 28/04/2009 Dernière mise à jour le 28/04/2009 à 23:17 TU

Le procès de Youssouf Fofana et des 28 autres membres présumés du gang des « barbares » s’ouvre ce 29 avril devant la Cour d'assises des mineurs de Paris. Ce procès doit se dérouler à huis-clos puisque deux accusés étaient mineurs au moment des faits. Ils sont accusés d'avoir enlevé, séquestré et torturé à mort le jeune juif Ilan Halimi, début 2006, afin d'obtenir une rançon. Rappelons les circonstances de ce tragique fait divers qui avait bouleversé la France.

Youssouf Fofana, le chef présumé du « gang des barbares ».(Photo : AFP)

Youssouf Fofana, le chef présumé du « gang des barbares ».
(Photo : AFP)

Youssouf Fofana, petit voyou de banlieue, d'origine ivoirienne, pense avoir trouvé un bon moyen pour gagner facilement de l'argent : enlever un otage, comme le font les pirates. Le soir du 20 janvier 2006, après plusieurs tentatives infructueuses, il réussit enfin, à attirer une proie dans un guet-apens. La proie c'est Ilan Halimi, un jeune vendeur de téléphones portables.

Pour réussir son coup, Fofana a utilisé un appât : une charmante jeune fille brune qui a séduit Ilan dans sa boutique et l'a entraîné en banlieue. L'appât s'appelle Emma, elle est mineure. Elle attire Ilan dans le sous-sol d'un immeuble où Fofana et ses complices le neutralisent. Pendant 24 jours, Il va être supplicié. D'abord dans un appartement, fourni par un gardien d'immeuble, ensuite dans une cave. Et pendant ces 24 jours, personne n'a rien vu, rien entendu.

En échange de la libération d'Ilan, Fofana essaie d'extorquer 450 000 euros à la famille. « Ils sont juifs, ils ont de l'argent », pense-t-il. Parallèlement l'enquête policière piétine. Pour le chef des « barbares » la situation aussi s'enlise, il ne parvient pas à se faire verser la rançon, alors, il est de plus en plus menaçant. Et le 13 février 2006, Ilan Halimi est découvert brûlé à mort, le long d'une voie ferrée. Youssouf Fofana, pour sa part, a trouvé refuge en Côte d'Ivoire.

Youssouf Fofana est décrit par les enquêteurs comme un caïd de cité, dont les outrances pendant l'instruction ont usé plus d'une trentaine d'avocats. Paranoïaque, mégalomane, pervers ainsi l'ont décrit ses multiples conseils. Indéniablement, Fofana, âgé aujourd'hui de 28 ans, a marqué les avocats qui l'ont rencontré, en particulier certaines pointures du barreau comme Jacques Vergès ou Eric Dupond Moretti, qu'il a récusés ou qui ont préféré ne pas le défendre.

Né à Paris en 1980, Fofana, troisième d'une famille de six enfants, n’a pas attendu l'affaire Halimi pour se faire connaître de la police. Il a accumulé pas moins de quatre condamnations, principalement pour des vols avec violence. Dans sa cité de Bagneux, il s'est forgé une réputation de chef de gang, cruel. Ses complices l'ont désigné comme l'initiateur du calvaire d'Ilan, y compris de l'issue fatale.

Lors de sa détention à Abidjan, Fofana a confessé avoir organisé le rapt d'Ilan Halimi, tout en niant le mobile antisémite. En France, il est revenu sur ses déclarations, et a refusé de répondre aux juges d'instruction. Persuadé qu'il va être condamné à perpétuité, il refuse de se défendre, mais Fofana qui ne cesse d'invoquer Dieu, pourrait bien être tenté de saborder son procès. Philippe Bilger, l'avocat général du procès se prépare déjà à toute éventualité.

Philippe Bilger, avocat général de la Cour d'assises

« Je suis persuadé qu’avec la présidente qui gouvernera les débats pendant plus de deux mois, avec les avocats des accusés et des parties civiles, il n’y a aucune raison que ce procès ne fasse pas honneur à la justice ».

28/04/2009 par Franck Alexandre

Ce procès va se dérouler à huis-clos, donc sans la présence du public et des journalistes parce que Emma, cette jeune fille qui a servi d'appât, n'avait pas 18 ans au moment des faits. Sur le banc des accusés, une autre jeune fille est dans le même cas. Ce qui explique que l'affaire soit jugée en Cour d'assises des mineurs, où le huis-clos est un principe de droit.

Mais la perspective d'un procès sans journaliste a provoqué la colère de la famille Halimi, qui souhaitait un procès public. Ruth Halimi la mère d'Ilan veut que la vérité apparaisse au grand jour, pour qu'à l'avenir dit-elle « les préjugés antisémites ne provoquent plus de crimes odieux ». Emilie Frèche a été la confidente de Ruth Halimi, ensemble elles ont écrit un livre pour raconter cette tragédie.

Emilie Frèche, écrivain

« C’est l’occasion d’un examen de conscience formidable pour la France et nous allons rater cette occasion car les deux accusés, mineurs au moment des faits, n’ont pas demandé la publicité des débats ».

28/04/2009 par Franck Alexandre