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Côte d'Ivoire-France

Youssouf Fofana : extradé ou pas ?

Youssouf Fofana : ses avocats tentent de faire reconnaître sa nationalité ivoirienne pour empêcher son extradition.(Photo : AFP)
Youssouf Fofana : ses avocats tentent de faire reconnaître sa nationalité ivoirienne pour empêcher son extradition.
(Photo : AFP)
La Chambre d’accusation du tribunal d’Abidjan a commencé, jeudi, à examiner la question de l’extradition de Youssouf Fofana arrêté le 22 février dernier à Abidjan (Côte d’Ivoire). L’audience doit se dérouler en présence de l’intéressé, d’un collectif de cinq avocats ivoiriens, et du parquet, chacune des parties ayant la possibilité de demander un report. La Côte d’Ivoire était disposée à expulser vers la France Youssouf Fofana, mais les autorités françaises ont préféré passer par une procédure d’extradition en bonne et due forme. Youssouf Fofana, suspecté d’avoir organisé le kidnapping et le meurtre d’un jeune homme en banlieue parisienne, a la nationalité française. Ses avocats cherchent à établir la nationalité ivoirienne de leur client et ont annoncé leur intention d’empêcher son extradition vers la France.

Quand il s’agit de procédures judiciaires, il y a des heures qui peuvent se compter en jours. Arrêté sous le coup d’un mandat d’arrêt international -pour son rôle présumé dans l’enlèvement et le meurtre d’un jeune homme de 23 ans, Ilan Halimi, en banlieue parisienne- Youssouf Fofana venait juste d’être interpellé, le 22 février, quand le Premier ministre Dominique de Villepin assurait que le suspect « serait rapatrié en France dans les prochaines heures ». Pourtant, quelque neuf jours après, Youssouf Fofana est encore écroué, après une longue garde à vue, à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. La procédure d’extradition officielle lui offrant une possibilité de recours, c’est à la Chambre d’accusation du tribunal d’Abidjan -qui a commencé, jeudi, à examiner à huis clos, la question- qu’il va revenir de trancher sur son extradition ou non. Pour l’heure, un collectif composé de cinq avocats locaux plaide pour la reconnaissance de la nationalité ivoirienne de Youssouf Fofana.

La Côte d’Ivoire était disposée, sitôt son appréhension à Abobo-gare (Abidjan), au rapatriement vers la France de Youssouf Fofana, par voie d’un arrêté d’expulsion du ministre de l’Intérieur ivoirien. Les autorités françaises, insistant sur « la nécessité pour Paris de respecter la procédure », ont préféré procéder autrement : la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris a transmis une demande d’extradition par la voie diplomatique. « Nous avions proposé dès le début qu’il soit simplement expulsé vers la France, ce qui nous éviterait un procès et aurait pour avantage d’être très rapide et très efficace », a déclaré Ali Yeo, le porte-parole du ministère ivoirien de la Justice, poursuivant : « mais lorsque les autorités françaises ont souhaité que ce soit la procédure d’extradition, nous l’avons tout de suite mise en route ».

Depuis la mise en route de la procédure officielle, un collectif d’avocats de Youssouf Fofana s’est constitué, qui étudie les différents recours susceptibles de contrarier le retour de leur client en France. Les avocats plaident pour une reconnaissance de la nationalité ivoirienne de Youssouf Fofana « de par ses parents ». S’ils y parvenaient, le prévenu ne pourrait pas être extradé vers Paris en vertu du principe selon lequel un Etat n’extrade pas ses nationaux.

La procédure d’extradition comporte des risques

L’audience sur la demande française a débuté jeudi à Abidjan, en présence de l’intéressé, d’un collectif de cinq avocats ivoiriens, et du parquet. Le huis clos a été décrété « pour la sérénité des débats, comme l’y autorise la loi », a déclaré Ali Yéo, ajoutant : « cela devrait être rapide, le parquet a réuni toutes les preuves de la nationalité française du mis en cause ».

Me Francis Spizner -l’avocat de la famille de la victime, Ilan Halimi- est confiant dans une extradition d’ici « huit jours à trois semaines ». En effet, pour lui, il s’agit d’« une affaire très simple » : Youssouf Fofana, né dans l’Hexagone, ne s’est jamais « prévalu » de la nationalité ivoirienne, c’est « un citoyen français. Il est entré en Côte d’Ivoire avec un passeport français. Il était muni d’un visa, ce que tout étranger fait lorsqu’il veut rentrer dans un pays, et donc c’est un Français qui est en fuite ».

« Le ministre ivoirien de la Justice a fait exactement la même analyse », a déclaré Me Francis Spizner : les autorités ivoiriennes ont affiché leur volonté d’extrader le suspect, et arguent que Youssouf Fofana est venu en Côte d’Ivoire avec « un passeport français portant un visa ivoirien », et qu’il est, ce faisant, « uniquement Français ». En conséquence de quoi, au regard du droit français et de la coopération judiciaire entre la France et la Côte d’Ivoire, l’extradition devrait se faire de façon automatique. Dans un entretien publié mardi par Le Monde, le ministre Ivoirien de la Justice a assuré que « il n’y aurait pas de frein politique » : « Nous souhaitons qu’il soit rapatrié en France le plus vite possible ».

Toutefois, si la Chambre d’accusation du tribunal d’Abidjan n’était pas favorable à la procédure d’extradition, Youssouf Fofana pourrait purement et simplement être remis en liberté en Côte d’Ivoire. La décision de la Chambre n'est pas susceptible de recours.


par Dominique  Raizon

Article publié le 02/03/2006 Dernière mise à jour le 02/03/2006 à 17:29 TU