par Franck WEIL-RABAUD
Article publié le 06/05/2009 Dernière mise à jour le 06/05/2009 à 17:02 TU
Dialogue avec l’Iran, soutien à un Etat palestinien. Depuis son accession à la Maison Blanche, Barack Obama multiplie les signes d’un engagement de son administration en faveur d’une nouvelle politique au Proche-Orient. Des signes qui commencent à inquiéter les responsables israéliens et leurs plus farouches défenseurs aux Etats-Unis.
À noter tout d’abord le rappel par Barack Obama à l’occasion d’un discours devant le Parlement turc, début avril, de l’attachement des Etats-Unis à la solution de deux Etats pour deux peuples. Quelques jours plus tard, l’envoyé spécial américain, Georges Mitchell, réaffirmait qu’il s’agit là « de la seule et meilleure solution » pour régler le conflit entre Israéliens et Palestiniens. Cette position américaine tranche avec le refus du nouveau gouvernement israélien d’endosser explicitement cette éventualité. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou n’a eu de cesse durant la campagne électorale d’affirmer qu’il était plus urgent d’améliorer la situation économique des Palestiniens.
Son nouveau ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, n’a pas dit autre chose lors des étapes italienne et française de sa tournée en Europe. Le gouvernement israélien cherche surtout à convaincre ses alliés que le dossier le plus urgent reste celui du nucléaire iranien. Mais là encore, l’approche du gouvernement de Barack Obama sur cette question suscite interrogations et inquiétude, tant chez les responsables israéliens que parmi ses plus farouches partisans aux Etats-Unis
Israël craint pour son statut d’allié privilégié
« Les Etats-Unis vont-ils sacrifier leur plus fidèle allié au Moyen-Orient pour rassurer son pire ennemi ? ». Le quotidien conservateur, Washington Times, pose la question dans son éditorial de ce mercredi 6 mai. Deux éléments sont à l’origine de cette crainte exprimée sous forme d’interrogation. Il y a d’abord la volonté réitérée par Barack Obama d’engager un dialogue direct et sans conditions avec les responsables iraniens. En renonçant au préalable d’une suspension par la République islamique d’Iran de son programme d’enrichissement d’uranium pour ouvrir des pourparlers, le président américain fait preuve, pour ses détracteurs, d’une naïveté coupable.
Second point qui inquiète les soutiens d’Israël aux Etats-Unis : les récentes déclarations de la responsable américaine chargée de préparer la conférence mondiale sur le Traité de non-prolifération nucléaire, prévue en mai prochain à New York. Rose Gottemoeller a affirmé qu’ « une adhésion universelle au TNP, y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du Nord, demeure un objectif fondamental des Etats-Unis ». Cette déclaration semble indiquer une volonté américaine de rompre, concernant l’Etat hébreu, avec la politique dite de l’ambiguïté délibérée, en vigueur depuis les années 1960.
Concrètement, Israël a toujours refusé de reconnaître la possession d’armes nucléaires. Selon la plupart des experts, l’Etat hébreu disposerait de 80 à 200 têtes nucléaires. Une adhésion au Traité de non-prolifération obligerait Israël à y renoncer. Une éventualité que se refuse à envisager tant Israël que ses alliés aux Etats-Unis. Lors de son premier mandat comme chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou avait affirmé au président américain de l’époque, Bill Clinton, que « nous ne signerons pas le TNP, car nous ne voulons pas nous suicider ».
« Un parallèle dangereux et naïf »
L’éditorial du Washington Post ne dit pas autre chose, lorsqu’il affirme que « plus que tout autre chose, l’arsenal nucléaire israélien a été un facteur de paix au Proche-Orient. Vouloir établir un parallèle entre Israël et l’Iran sur la question nucléaire est dangereux et naïf. Si Barack Obama est réellement intéressé par l’établissement d’une paix durable au Proche-Orient, il doit poursuivre la politique d’ambiguïté stratégique ».
Parallèlement, les adversaires de Barack Obama multiplient les mises en garde envers les projets du président concernant le Proche-Orient. À l’occasion de la réunion annuelle de l’AIPAC, le puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis, Newt Gingrich, l’ancien président de la Chambre des représentants, n’a pas hésité à qualifier de « fantaisiste » le désir de Barack Obama d’ouvrir un dialogue avec l’Iran ajoutant que « l’approche de Barack Obama sur ce dossier est le signe de faiblesse le plus clair depuis Jimmy Carter ».
Nul doute que Benyamin Netanyahou, qui est attendu fin mai à Washington pour sa première rencontre avec le président américain, relaiera personnellement les inquiétudes que suscitent les projets de l’administration américaine au Proche-Orient. Mais il sait d’ores et déjà qu’il bénéficiera d’une oreille moins attentive que celle dont disposait jusqu’alors le gouvernement israélien à la Maison Blanche. Les dernières déclarations du vice-président américain sont d’ailleurs venues confirmer cette impression.
« Une solution à deux Etats »
Devant l’AIPAC, Joe Biden a affirmé qu’ « Israël doit œuvrer à une solution à deux Etats. Peut-être n'allez-vous pas aimer ce que je vais dire, mais Israël ne doit plus construire de nouvelles colonies. Il doit démanteler les avant-postes existants, il doit permettre aux Palestiniens d'aller et venir librement et d'avoir accès à des perspectives économiques. »
Devant la même assemblée, le secrétaire général de la Maison Blanche, Rahm Emmanuel, avait déjà souligné qu’une avancée sur le dossier israélo-palestinien permettrait de rallier les pays arabes à une politique de fermeté vis-à-vis des ambitions nucléaires iraniennes. Autant d’indices qui font craindre aux plus farouches partisans d’Israël que le nouveau gouvernement américain ne sacrifie son allié traditionnel pour s’attirer les bonnes grâces des pays arabes.
Rien n’indique pourtant, qu’au-delà d’un discours plus offensif sur le dossier palestinien, les Etats-Unis entendent modifier leur politique. L’aide directe américaine à Israël devrait ainsi rester inchangée à quelque trois milliards de dollars et ce, malgré une crise économique qui a conduit le gouvernement américain à réduire son assistance financière aux pays étrangers. Il n’ya donc pas de rupture en vue entre les deux pays. Tout juste un nouveau ton auquel les dirigeants israéliens n’étaient pas habitués de la part d’un président américain.
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