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Liban

Suspense électoral

par Franck Weil-Rabaud

Article publié le 05/06/2009 Dernière mise à jour le 07/06/2009 à 12:24 TU

Les électeurs libanais sont appelés ce dimanche à désigner leurs 128 députés. Pour la première fois dans l’histoire électorale du pays, le scrutin se déroule sur une seule journée. Le véritable enjeu de cette élection concerne la capacité de la formation chiite Hezbollah et de ses alliés à remporter ou non une majorité dans la future Assemblée.

Les candidats de la liste du leader libanais, Michel Aoun (G) et le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah dans une rue de la banlieue de Beyrouth, le 2 juin 2009.(Photo : Reuters)

Les candidats de la liste du leader libanais, Michel Aoun (G) et le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah dans une rue de la banlieue de Beyrouth, le 2 juin 2009.
(Photo : Reuters)

La question agite depuis plusieurs semaines toutes les chancelleries occidentales : que faire si le Hezbollah et ses alliés remportent les élections législatives de ce dimanche ? Ce qui n’était pendant longtemps qu’une question théorique pourrait en effet devenir réalité. Les derniers sondages indiquent que la majorité emmenée par Saad Hariri, le fils de l’ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri et l’opposition incarnée par la milice chiite du cheikh Nasrallah sont pour l’heure créditées du même nombre de sièges, soit 64 sur les 128 que compte le Parlement libanais. Dans un système politique de type confessionnel, c’est la minorité chrétienne qui est appelée à jouer les arbitres. Et dans le camp chrétien, c’est bien l’influence du général Michel Aoun, désormais allié des mouvements chiites qui sera l’un des éléments clés de cette élection.

Répartition confessionnelle

Les 128 députés libanais se répartissent à part égale entre chrétiens et musulmans. Cette parité repose sur le dernier recensement organisé au Liban en 1932 selon lequel le pays comptait alors 55% de chrétiens, majoritairement maronites et 45% de musulmans, majoritairement sunnites. Afin de préserver l’équilibre confessionnel très fragile, aucun recensement n’a eu lieu depuis 1932 alors que selon toute probabilité, l’équilibre s’est inversé au profit des musulmans qui représenteraient désormais 60% de la population du pays. Mais le système reste inchangé. Il prévoit que le président de la République doit être un chrétien alors que le Premier ministre est un musulman sunnite et que les chiites disposent de la présidence du Parlement. La seule nouveauté lors de ce scrutin, mais elle est de taille, est que l’élection se déroulera sur une seule journée dans l’ensemble du pays divisé en 26 circonscriptions appelées cazas.

Un contexte politique tendu

Le scrutin du 7 juin intervient alors que le Liban a traversé ces derniers mois une crise politique grave rappelant combien la situation pouvait rapidement dégénérer. En mai 2008, le limogeage d’un officier chiite chargé de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth provoque la colère du Hezbollah. En quelques heures, ses miliciens chiites s’emparent de Beyrouth-Ouest, à la suite de combats qui feront une cinquantaine de morts. Le gouvernement doit finalement réintégrer l’officier dans ses fonctions. Si le Hezbollah a fait la preuve de ses capacités militaires, il a dans le même temps rompu avec sa tradition qui voulait que ses armes ne soient jamais tournées contre d’autres Libanais. Le franchissement de cette « ligne rouge » pourrait donc coûter des voix au parti de Dieu et à ses alliés. Mais dans le même temps, la majorité dite du 14 mars n’est pas parvenue à capitaliser les critiques exprimées contre le comportement de la milice chiite.

Le président en arbitre

Le seul point positif de la crise de mai 2008 aura été l’élection à la présidence de Michel Sleimane. Ce dernier tente depuis un an d’apparaître comme un homme indépendant en mesure d’incarner l’équilibre entre les différentes forces en présence. Comme le souligne Nadim Hasbani, auteur d’une analyse politique pour le compte de l’IRIS, « le président Sleimane a pour l’instant réussi à garder l’approbation de deux principaux courants antagonistes. Mais son succès dépendra de sa capacité, à l’issue des élections, à réduire les points de tensions ». Parmi les sujets les plus brûlants, celui des armes du Hezbollah. Une résolution des Nations unies prévoit le désarmement de toutes les milices. Mais le Hezbollah refuse de rendre les armes, arguant qu’elles servent à défendre le territoire contre une agression israélienne. Le chef de l’Etat devra trouver les moyens de convaincre le mouvement chiite de s’intégrer aux forces de sécurité libanaises. A défaut, il devra obtenir que le Hezbollah évite de s’engager dans une nouvelle guerre contre Israël qui déboucherait sur des destructions comparables à celles provoquées par la guerre de 2006.

Le Liban au cœur des conflits régionaux

Entre une majorité qualifiée par ses adversaires de pro-américaine et une opposition accusée de servir les intérêts de l’Iran et de la Syrie, le paysage politique libanais apparaît plus divisé que jamais. Et le dialogue national, censé ouvrir la voie à un compromis, a suspendu ses travaux sans résultats en attendant l’issue du scrutin législatif.

Quel que soit le résultat des élections de dimanche, le Liban devra trouver la voie du compromis entre d’un côté, le Courant du futur de Saad Hariri et le Hezbollah d’Hassan Nasrallah.

Aucun des deux blocs en lice ne pourra en effet prétendre gouverner seul. L’opposition a réclamé, jusque là sans succès, la possibilité de disposer d’une minorité de blocage au sein du gouvernement. Quel que soit le vainqueur au soir du 7 juin, il devra tout à la fois construire une nouvelle relation avec le puissant voisin et ancien occupant qu’est la Syrie et maintenir des liens avec le camp occidental emmené par les Etats-Unis. Même si le vice-président américain Joe Biden a récemment affirmé que son pays réviserait sa politique d’aide au Liban en cas de victoire du Hezbollah et de ses alliés, il est difficile d’envisager une rupture totale des relations entre les deux pays.

Plus que jamais, il apparaît que le président de la République sera le véritable arbitre dans le futur paysage politique libanais. Reste à savoir si l’ancien chef d’état-major devenu chef de l’Etat sera en mesure d’assumer un tel rôle.