par Monique Mas
Article publié le 08/06/2009 Dernière mise à jour le 09/06/2009 à 10:23 TU
Une majorité d'électeurs a voulu rester dans le giron occidental et dans le camp modéré de l’Arabie Saoudite vis-à-vis d’Israël. Une manière de revendiquer l'indépendance du Liban qui est à l’exact opposé de celle du camp adverse qui bénéficie, lui, du soutien de la Syrie et de l’Iran. Les urnes ont marqué sa défaite, celle de l’alliance formée par le Courant patriotique libre (CPL) du général chrétien Michel Aoun avec le Hezbollah islamiste de Hassan Nasrallah. Reste à remettre en marche la machine politique libanaise grippée par les antagonismes régionaux et internationaux.
Les premières félicitations sont arrivées de Paris, où le président français Nicolas Sarkozy a appelé lundi son homologue libanais, Michel Sleimane, pour le féliciter du « bon déroulement des élections et du sens des responsabilités » dont a fait preuve, d'après lui, le peuple libanais. Pour Nicolas Sarkozy, « ce scrutin renforce la démocratie libanaise » en tenant à l’écart un spectre islamiste auquel il conviendra toutefois de faire une place politique, à moins que la majorité dirigée par Saad Hariri se suffise d’un statu quo risqué.
La France amie de tous les Libanais
« La France amie de tous les Libanais souhaite que le climat de dialogue qui a prévalu depuis un an se maintienne, dans l’intérêt de la stabilité et de l’unité du Liban tout entier ». Vœu pieux ou auto-persuasion, il s’agit en clair d’inviter le Hezbollah à se soumettre au vote. Le vote « d’un électorat acheté », grince Damas sous cape, par journaux officiels interposés. Pas trop fort tout de même car la Syrie ne renonce pas au retour dans le giron international amorcé à Paris avec l’invitation de son président Bachar al-Assad au 14-Juillet français. Malgré l’avènement de la droite radicale en Israël, Damas ne renonce pas non plus aux perches tendues par la médiation turque qui pourraient rendre possibles des négociations avec l’Etat hébreu sur une restitution du Golan à la Syrie en échange de l’abandon de ses relations militaro-diplomatiques avec l’Iran.
Bien sûr, la France promet de rester « pleinement engagée » aux côtés du président et du gouvernement libanais, « dans leurs efforts en faveur du renforcement de l’unité, de l’indépendance de la souveraineté, et de l'intégrité territoriale libanaises ». C’est dire que ce n’est pas gagné d’avance. Mais l'ancienne puissance mandataire, le protecteur français promet de rester au chevet des Libanais aussi longtemps qu’il le faudra. Et cela, non seulement avec sa coopération économique, mais aussi comme principal contributeur de la force onusienne, la Finul. Il s'agit en effet aujourd'hui encore de tenir la dragée haute à l’ancienne puissance tutélaire syrienne, le fauteur de troubles souvent désigné. D'ailleurs, à moins que Damas ne mérite quelque bon point, Paris veillera tout particulièrement à ce que le Tribunal spécial voit déboucher ses recherches en responsabilités, présumées syrienne, dans l'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005.
Israël demande le désarmement du Hezbollah
La coalition anti-syrienne dite du 14 mars tient le haut du pavé politique en revendiquant le retrait militaire syrien obtenu en avril 2005. Les urnes l’ont confirmé ce 7 juin 2009, la majorité parlementaire reste pro-occidentale, anti-syrienne et adepte de la ligne modérée de l'Arabie saoudite vis-à-vis d'Israël. Finalement, au grand soulagement de l’Occident et à la satisfaction d’Israël et de l’Arabie saoudite, les chrétiens libanais ont largement contribué à la défaite de l’alliance formée par le Courant patriotique libre (CPL) du général chrétien Michel Aoun avec le Hezbollah islamiste du chiite Hassan Nasrallah. Ces derniers n’ont finalement pas profité de la « divine victoire » du « parti de la Résistance » contre Israël en 2006.
Le Hezbollah est toujours inscrit comme mouvement terroriste sur les listes noires américaines parce qu’il revendique la lutte armée contre Israël. Et cela avec le soutien de la Syrie et de l’Iran, deux « bêtes noires » de l’Occident et d’Israël que ces derniers auraient sans doutes tenues comme comptables sinon comme coupables d’une éventuelle victoire de l’alliance Aoun-Nasrallah. Et, tandis que l’Arabie saoudite « félicite les Libanais pour le succès des élections législatives », comme si son soutien financier les avait tous accompagné au même titre, Israël saisit l'occasion de la défaite électorale du Hezbollah pour réclamer à nouveau le désarmement du mouvement chiite islamiste, « un Etat dans l'Etat, une armée au sein de l'armée libanaise, qui compromet la reprise économique du Liban », accuse un communiqué israélien invoquant les résolutions onusiennes pour rappeler qu’il « est du devoir de tout gouvernement formé à Beyrouth de s'assurer que le Liban ne sera pas utilisé comme une base de violence contre l'Etat d'Israël et les Israéliens ».
« Je n'ai pas d'inquiétudes concernant les élections. Notre souci est que les Libanais acceptent le résultat », affirmait dimanche l'ancien président américain Jimmy Carter. Pour autant, ces législatives tant attendues ne résolvent en rien la quadrature du cercle confessionnel et politique du pays du Cèdre. L’avenir du Liban va continuer de se jouer dans la région mais aussi sur un échiquier international où la nouvelle administration américaine pourrait redistribuer certaines cartes sans pour autant changer vraiment la configuration générale dans laquelle s'inscrit Beyrouth.
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