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Justice internationale/Liberia

La défense de Charles Taylor sera très politique

Article publié le 13/07/2009 Dernière mise à jour le 13/07/2009 à 20:51 TU

Accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, s’apprête à témoigner pendant cinq semaines devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Son avocat promet une défense très politique.

Courtenay Griffiths, l'avocat de Charles Taylor, le 13 juillet 2009.  (Photo: Reuters)

Courtenay Griffiths, l'avocat de Charles Taylor, le 13 juillet 2009.  
(Photo: Reuters)

De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

Depuis l’audition du premier témoin présenté par le procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, en janvier 2008, Charles Taylor avait gardé le silence. Accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, l’ancien président du Liberia a décidé de parler. A partir du 14 juillet, il quittera le box des accusés pour s’asseoir, pendant près de cinq semaines, à la barre des témoins. Lundi matin, au cours d’une longue plaidoirie, son avocat, le Britannique Courtenay Griffiths, a présenté sa stratégie,  en tentant de faire du Seigneur de guerre le portrait d’un homme de paix. Son procès relève du néocolonialisme, a dit en substance cet avocat, procès qui démontre que les Occidentaux n’ont pas accepté les indépendances. Et c’est d’ailleurs aux Pays-Bas, dans un pays chargé d’une lourde histoire coloniale, situé à des milliers de kilomètres de chez lui, que l’ancien président du Liberia est jugé, assène encore maître Griffiths.

Charles Taylor, le 13 juillet 2009.(Photo: Reuters)

Charles Taylor, le 13 juillet 2009.
(Photo: Reuters)

Charles Taylor a été inculpé en mars 2003, l’acte d’accusation n’avait été rendu public que trois mois plus tard, alors que le chef d’Etat se rendait à Accra, au Ghana, dans le cadre de pourparlers de paix. Cet acte d’accusation avait « ouvert la voie à Ellen Johnson Sirleaf », élue à la tête du Liberia en janvier 2006. La mise en accusation de Charles Taylor lui avait valu un exil négocié à Calabar, au Nigeria. Mais cet « accord a été violé par des Africains », soutenus « par les Américains et les Britanniques ».  En 2006, Charles Taylor était arrêté « comme un immigrant illégal ».

Taylor n’a jamais nié les atrocités

Sur le fond de l’affaire, maître Griffiths précise d’emblée que Charles Taylor « n’a jamais nié que de terribles atrocités ont eu lieu en Sierra Leone ». En dix ans, la guerre civile a fait près de 150 000 morts et des dizaines de milliers d’handicapés. Le procureur affirme qu’après s’être emparé du pouvoir en renversant Samuel Doe, en 1990, Charles Taylor a exporté sa guerre vers la Sierra  Leone, pour prendre le contrôle du pays et s’emparer de ses diamants. Pour y parvenir, il a armé, formé et financé les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF). Mais Charles Taylor « nie tout contrôle sur le RUF, nie toute association avec leur chef, Foday Sankoh, et niera les allégations selon lesquelles il était impliqué dans la livraison d’armes ». Par ailleurs, « les enfants soldats ne sont pas une invention de Charles Taylor », tonne l’avocat britannique.

L’avocat dénonce l’hypocrisie de la communauté internationale

Car si Charles Taylor était impliqué en Sierra Leone, « c’était pour la paix » assène maître Griffiths, qui promet de fournir de nombreuses preuves dont une partie émane des propres archives de l’accusé sur lesquelles le procureur n’était pas parvenu à mettre la main. L’accusé nie aussi sa participation dans la prise de Freetown par les rebelles, en janvier 1999, dans des conditions particulièrement atroces, et interroge : « Qui sont les réels auteurs de ces atrocités ? » Au cours des cinq semaines d’audition, Charles Taylor témoignera de « l’hypocrisie de la communauté internationale » et expliquera « comment les Occidentaux refusaient d’investir au Liberia », alors que le chef de l’Etat tentait de reconstruire le pays « mais envoyaient des groupes de mercenaires, qui en en échange de leur soutien au gouvernement en place, étaient payés en diamants ».

Au cours de son audition, Charles Taylor reviendra sur « la révolution » par laquelle il s’était emparé du pouvoir en 1989, préparée dans les camps de Mouammar Kadhafi en Libye. Après lui, son avocat compte inviter à la barre 249 témoins, parmi lesquels d’anciens chefs d’Etat africains, des responsables des Nations unies, des marchands de diamants.