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Nicaragua/Amérique latine

Le tourbillon des Constitutions favorise les réélections

par  Frédérique Misslin et Sylvain Biville

Article publié le 20/07/2009 Dernière mise à jour le 21/07/2009 à 09:04 TU

Daniel Ortega veut modifier la Constitution de son pays pour pouvoir briguer un nouveau mandat présidentiel. Le chef de l’Etat a fait cette annonce dimanche, à l’occasion du 30e anniversaire de la révolution sandiniste. Daniel Ortega envisage de soumettre cette idée au vote des électeurs. Un projet similaire, mené par Manuel Zelaya au Honduras a abouti à un coup d’Etat le 28 juin dernier. En Amérique latine, la tendance est à la réélection des présidents en place après modification de la Constitution.

Le président Daniel Ortega (d) et la Prix Nobel de la Paix Rigoberta Menchu (g) pendant la célébration du 30ème anniversaire de la révolution sandiniste, le 19 juillet 2009.(Photo : Reuters)

Le président Daniel Ortega (d) et la Prix Nobel de la Paix Rigoberta Menchu (g) pendant la célébration du 30ème anniversaire de la révolution sandiniste, le 19 juillet 2009.
(Photo : Reuters)

Le Nicaragua a célébré ce week-end le 30e anniversaire de la révolution sandiniste. A cette occasion, le Président Daniel Ortega a annoncé son intention d'organiser une consultation populaire pour modifier la Constitution. L’actuel chef de l’Etat dénonce un article en particulier : celui qui limite le mandat présidentiel. C'est un projet du même type qui a valu au président hondurien, Manuel Zelaya, d'être renversé par l'armée le 28 juin dernier.

En Amérique latine, la tendance est à la modification constitutionnelle et ce processus ouvre souvent la voie à la réélection des dirigeants. Traditionnellement, dans les pays latino-américains, la loi fondamentale autorisait un seul mandat présidentiel mais depuis quelques années les choses évoluent. Denis Rolland, historien à l’université de Strasbourg, précise qu’ « après l’ère des caudillos sur le sous-continent, le mot d’ordre a été pendant des années : non aux réélections. Les années 80 et 90 ont été marquées par le retour à la démocratie ».

Denis Rolland, historien à l'université de Strasbourg

20/07/2009 par Sylvain Biville

Aujourd’hui, le principe du mandat unique a d’ores et déjà été remis en question dans 14 des 18 pays d’Amérique latine. Seuls le Guatemala, le Honduras, le Paraguay et le Mexique ne permettent pas au chef de l'Etat de se présenter plus d’une fois devant les électeurs, le Nicaragua interdit, lui, deux mandat consécutifs. Ces nouvelles Constitutions latino-américaines permettent aux dirigeants de se faire réélire mais elles posent également le principe des droits acquis pour les minorités et la protection des ressources naturelles. Jeannette Habel, universitaire et spécialiste de l’Amérique latine souligne que « ces changements constitutionnels ne portent pas uniquement sur l'extension du mandat présidentiel. Dans la région, 200 ans après les indépendances, il existe aujourd’hui une volonté de refonder la nation ».  

Jeannette Habel, universitaire et spécialiste de l'Amérique latine

20/07/2009 par Frédérique Misslin

Le Venezuela 

Le Venezuela a été l’un des premiers pays à initier cette nouvelle philosophie. Dans les années 90, Hugo Chavez avait fait modifier la Constitution, ce premier changement permettait au chef de l'Etat de se faire réélire deux fois pour 6 ans. Un nouvel amendement a été adopté en février 2009 et désormais, la loi fondamentale vénézuélienne permet d'être président à vie. Il faut noter qu’Hugo Chavez a dû s'y reprendre à deux fois pour faire passer cette modification. Le premier référendum avait rejeté sa proposition. La 5e  République du Venezuela a également créé le poste de vice-président et a aboli le Sénat.

L’Equateur

Rafael Correa a été élu en 2006. Au cœur des promesses électorales de cet économiste de gauche : l’organisation d’une consultation populaire pour modifier la Constitution. La loi fondamentale a été approuvée l'année dernière par 80% des électeurs. Le texte donne plus de pouvoir au chef de l’Etat qui peut désormais dissoudre l’Assemblée nationale, une fois. Les droits des minorités indigènes sont inscrits dans la loi et Rafael Correa a pu se représenter en avril dernier pour un second mandat. Il a remporté l’élection présidentielle.

La Bolivie

Evo Morales a célébré lui aussi une victoire en janvier dernier : 60% des Boliviens ont dit oui à la nouvelle loi fondamentale qu’il leur soumettait. Le président pourra donc se représenter à la magistrature suprême, une seule fois. Des élections sont prévues en décembre 2009. Mais la nouvelle Constitution bolivienne a également permis des évolutions en matière de décentralisation. Les régions ont aujourd’hui plus de pouvoir en Bolivie.

Cette tendance qui consiste à changer la Constitution est visible dans de nombreux pays et pas seulement chez les dirigeants issus du courant anti-libéral rappelle Jeannette Habel « il existe un mélange d’intention et de propositions qu’il faut analyser au cas par cas ».

Jeannette Habel

20/07/2009 par Frédérique Misslin

La Colombie 

Dans le camp des conservateurs, c’est le président colombien, Alvaro Uribe qui montre l’exemple. Il  a eu, lui aussi, recours aux changements constitutionnels pour se maintenir au pouvoir. C'est ce qui lui a permis d'être réélu en 2006 après un premier mandat de 4 ans. Alvaro Uribe  n’écarte pas l’idée de briguer un troisième mandat en 2010. L’amendement constitutionnel qui lui permettrait d’être réélu a été approuvé par le Congrès mais doit maintenant être validé par la Cour suprême. Les Etats-Unis désapprouvent ce projet. « Huit ans ça suffit ». C’est en substance ce qu’à dit Barack Obama à Alvaro Uribe, lors d’un entretien le 29 juin dernier à la Maison Blanche, selon le journal colombien Semana.

Démocraties en danger ?

Le tourbillon des Constitutions en Amérique latine est-il dangereux pour la démocratie ? « Evidemment, répond Denis Rolland, l’usage de la réélection permanente dans un régime populiste est dangereux ». Olivier Dabène, professeur à science-po et président de l’observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes tempère : « Changer un article de la Constitution n’est pas, en soi, antidémocratique. La plupart des Constitutions européennes prévoient la réélection ».

Olivier Dabène, président de l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes

20/07/2009 par Frédérique Misslin

Dans la région, « la politique a une image très négative » rappelle Olivier Dabène. Certains présidents s’estiment indispensables et parfois les urnes leur donnent raison. A cela s’ajoute un constat : face à de fortes personnalités comme au Venezuela ou en Colombie, l’opposition a parfois du mal à faire entendre sa voix.