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Territoires palestiniens

Un congrès du changement pour la continuité du Fatah

par Monique Mas

Article publié le 12/08/2009 Dernière mise à jour le 12/08/2009 à 21:28 TU

Le président palestinien Mahmoud Abbas lors du congrès du Fatah à Bethléem en Cisjordanie, le 8 août 2009.(Photo : Reuters)

Le président palestinien Mahmoud Abbas lors du congrès du Fatah à Bethléem en Cisjordanie, le 8 août 2009.
(Photo : Reuters)

Pour le parti de Yasser Arafat, lui-même disparu en 2004, il y avait urgence à renouveler des instances dirigeantes gangrenées par l’embourgeoisement sinon la corruption, mais aussi par la fin biologique des pères fondateurs. Avec 18 sièges remis en jeu, sur les 23 que compte son comité central, c’est très largement une génération qui a passé la main à une « jeune garde » quand même quinquagénaire. Au passage, le Fatah se donne comme figure de proue le prisonnier d’Israël, Marwan Barghouti. Il promet de garder le cap de la résistance palestinienne avec la réélection de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, mais ne règle pas la question de la sécession du Hamas islamique.

Cinquante ans après sa fondation, il était temps pour le Fatah de mettre de l’huile dans les rouages de son appareil politique. Celui-ci avait en effet reçu pour mission première d’encadrer une lutte armée désormais tombée en désuétude, la révolte des pierres de l’intifada et les attentats kamikazes prenant le relais. Ce n’est d’ailleurs pas pour relancer la résistance palestinienne sur ce terrain-là que Mahmoud Abbas a voulu le congrès de Bethléem. Mais comme il a voulu le proclamer, la lutte armée reste inscrite comme un droit de « légitime défense » dans la charte du Fatah qu’il n’était pas question de toucher pour capitaliser sur la mémoire de son combat historique.

Remettre le Fatah en ordre de bataille

Avec toute la symbolique guerrière qui lui est attachée, c’est quand même largement l’espoir d’une victoire de haute lutte qui a fait la bonne fortune du Fatah dans le cœur des Palestiniens. Pendant des décennies, le mouvement a pu ainsi s’imposer comme le fer de lance de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et plus largement comme le héraut du combat des Palestiniens face à Israël. Et cela jusqu’à ce que la concurrence islamiste du Hamas lui arrache la bande de Gaza et lui impose en quelque sorte de s’adapter ou de risquer de mourir. 

Pour le Fatah, le recours à la force demeure donc une option sur le papier, mais dans l’esprit de Mahmoud Abbas, il n’est nullement à l’ordre du jour. C’est en effet en interlocuteur principal d’Israël que Mahmoud Abbas a voulu être légitimé à Bethléem. Il fallait pour cela contourner l’obstacle de la sécession du Hamas qui ruine quand même largement l’Autorité palestinienne dont il revendique la présidence. Nulle surprise donc à ce que dans les rangs du congrès du Fatah, la question du Hamas suscite davantage d’effets de manche pour déplorer la division que de véritables résolutions en faveur d’une réconciliation.

De son côté le Hamas a saisi l’occasion du congrès de Bethléem pour faire acte d’autorité à Gaza, contraignant plusieurs centaines de militants du Fatah à suivre l’évènement depuis la petite lucarne télévisée. Un pied de nez à Mahmoud Abbas dont il n’a échappé à personne que l’un des principaux enjeux de Bethléem était de remettre le Fatah en ordre de bataille. Et cela justement dans l’espoir de vaincre le Hamas aux élections législatives et présidentielle qu’il appelle de ses vœux en janvier prochain.

Nouveaux entrants mais militants de longue date

Le comité central est désormais composé pour deux-tiers de nouveaux entrants, des quinquagénaires qui ont déjà en fait une assez longue carrière au Fatah derrière eux. C’est le cas en particulier de Marwan Barghouti, nouvelle figure de proue mais militant de longue date qui s’était déjà fait connaître pour son rôle dans la première intifada, à la fin des années quatre-vingt. En prison en Israël depuis 2002, il a été élu derrière les barreaux où il brigue aussi la succession de Mahmoud Abbas après avoir été pressenti comme dauphin de Yasser Arafat.

Sans surprise, l’élection de Barghouti dans l’instance suprême du Fatah donne déjà du grain à moudre au gouvernement israélien. Membre du Likoud de Netanyahou, la ministre de la Culture et des Sports, Limor Livnat, juge qu’Israël ne doit surtout pas se risquer à « libérer un tueur » tandis que le ministre du Commerce et de l'Industrie, Binyamin Ben Eliezer, estime au contraire en effet qu’il faut laisser Barghouti sortir de prison « immédiatement et s'assoir avec lui parce que personne d'autre que lui n'est capable de prendre des décisions difficiles ». Mahmoud Abbas appréciera.

Si Marwan Barghouti fait l’unanimité jusque dans les rangs du Hamas où il est considéré comme honnête et efficace, plusieurs bêtes noires du mouvement islamiste font leur entrée au comité central du Fatah, avec l’appui du président de l’Autorité palestinienne. C’est le cas en particulier d’anciens chefs de la sécurité ou des renseignements - pour ne pas dire des exécuteurs des basses œuvres du parti - comme Mohamed Dahlan qui avait conduit en 1996 une féroce répression à Gaza avant d’en être chassé par le Hamas, en juin 2007.

Un esprit de parti unique

Djibril Radjoub aussi, chargé de la sécurité en Cisjordanie sous Arafat et de retour en grâce avec Abbas, à l’instar de Taoufik al Tiraoui, l’homme des Renseignements en Cisjordanie jusqu'à la fin 2008. Parmi les derniers compagnons de route de Yasser Arafat, le septuagénaire Abou Maher Ghneïm reste en place tandis que font leur entrée un neveu du père fondateur, Nasser al Kidoua, ancien représentant de l'OLP aux Nations unies et ancien ministre des Affaires étrangères, ou bien encore des personnalités qui ont su se rendre incontournables comme Saëb Erekat, ancien confident d'Arafat, proche de Mahmoud Abbas et surtout en charge des négociations qui se poursuivent tant bien que mal avec Israël depuis la conférence internationale d’Annapolis aux Etats-Unis en novembre 2007.

A Bethléem, le Fatah a voulu s’afficher démocratique. Il n’en reste pas moins fortement imprégné d’un esprit de parti unique. En témoigne le vote à mains levées qui a consacré à Bethléem la réélection de son numéro un, Mahmoud Abbas. De leur côté, les délégués de la seconde génération qui demandaient des comptes aux anciens ont dû se contenter des allusions aux « erreurs du passé » rapidement balayées dans son discours d’ouverture par le président de l’Autorité palestinienne. Quant à Ahmed Qoreï, l’ancien négociateur des Accords d’Oslo, il a refusé de battre en retraite après quarante ans d’une carrière un peu trop juteuse pour être honnête selon les électeurs du Fatah qui lui ont refusé leur vote. L’ancien Premier ministre d’Arafat, Ahmed Qoreï a décidé de contester le décompte qui l’évince du comité central.

Après presque deux décennies sans congrès sous la férule de fer de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas avait besoin d’un Fatah à ses marques. D’une époque l’autre, sa priorité c’est la continuité politique, avec pour objectif de ramener l’électorat palestinien dans le giron historique du Fatah.